Un Belge sur deux qui a entre 55 et 64 ans est professionnellement actif. Le relèvement progressif de l’âge légal de la pension, actuellement fixé à 65 ans (mais qui sera porté à 66 ans en 2025 et 67 ans en 2030) a évidemment provoqué le durcissement des conditions d’âge et de carrière requises pour pouvoir lever le pied ou décrocher complètement avant.
Aujourd’hui, environ un tiers des salariés et la quasi-totalité des fonctionnaires prennent leur pension anticipée.
Pourtant, il est déjà possible aujourd’hui de passer à mi-temps (ou à 4/5e) dans le cadre d’un crédit-temps de fin de carrière, à des conditions financières plutôt avantageuses.
Et les alternatives vont encore s'enrichir avec l'introduction de la pension à mi-temps.
A partir du 1er juillet 2019
"Une proposition de loi relative à la pension à mi-temps sera soumise à la Chambre d'ici la fin de la législature. L'entrée en vigueur des dispositions a été fixée au 1er juillet 2019", a précisé vendredi le ministre des Pensions, Daniel Bacquelaine (MR), via un communiqué.
Concrètement, "le travailleur qui remplit les conditions d'un départ à la pension (anticipée ou légale) et qui souhaite poursuivre une activité professionnelle aura la possibilité, dès 60 ans, d'obtenir sa pension de retraite à concurrence de 50% de la pension à laquelle il a droit".
Outre la condition d'âge, pour pouvoir accéder à la pension à mi-temps, le travailleur devra
- avoir été occupé effectivement à concurrence de 80% d'un temps plein durant les 12 mois civils qui précèdent celui de la demande de pension.
- réduire son activité professionnelle afin qu'elle n'excède pas 50% d'un temps plein.
Le travailleur qui prend sa pension à mi-temps continuera en outre à se constituer des droits de pension (pour le mi-temps durant lequel il travaille jusqu'à la pension).
Doublon?
À première vue, le crédit-temps de fin de carrière et la future pension à mi-temps semblent faire doublon.
Si les modalités du nouveau dispositif doivent encore être précisées, Michel Wuyts, directeur et conseiller chez Fediplus, une organisation experte en gestion des fins de carrière et en matière de pension, nous confiait à la fin de l'année dernière qu'il s'interrogeait sur l’opportunité de la coexistence future de ces deux mesures.
En tout cas, dans le rapport du Comité national des pensions (janvier 2018), la sentence est claire: "Il convient de remplacer les crédits-temps de fin de carrière par la pension partielle."
"La pension à mi-temps est clairement une mesure budgétaire, selon Michel Wuyts. Elle reflète un changement de philosophie (NDLR que le gouvernement revendique et selon laquelle chacun devient responsable de l’impact sur sa pension des choix qu’il fait)", poursuit-il. La stratégie est bien lisible en toile de fond, à savoir que "si vous optez pour la pension à mi-temps, votre fin de carrière, c’est vous qui la financez. Vous ne comptez plus sur l’aide de l’État, à savoir l’allocation de l’ONEM octroyée dans le cadre d’un crédit-temps de fin de carrière et l’assimilation pour la pension de la partie non prestée…"
Arrêter de travailler bien avant la pension
Rappelons que personne n’est obligé de travailler jusqu’à l’âge légal de la pension, ni même jusqu’à l’âge de la pension anticipée. Mais naturellement, ce choix aura un prix: vous ne toucherez aucun revenu jusqu’au jour où vous pouvez prendre votre pension légale. Et évidemment vous ne vous constituerez plus aucun droit de pension dans l’intervalle. Le jour venu, votre pension sera donc rabotée, puisque calculée sur une carrière plus courte. En outre, pour avoir droit à la pension minimum garantie, vous devrez afficher au moins 30 années de carrière (et au moins 2/3 d’un temps plein par année). À moins de vous être constitué parallèlement une belle poire pour la soif, c’est une option peu recommandable et rarement envisageable financièrement.
Et n’espérez pas partir plus tôt à la pension en rachetant vos années d’études. Le rachat d’années d’études permet uniquement d’augmenter le niveau de votre pension (et encore l’opération n’est pas avantageuse dans tous les cas, il faut donc faire vos calculs) mais n’a aucun impact sur la durée de votre carrière!
Prendre sa pension anticipée
Certains scénarios de départ anticipé sont prévus et encadrés, mais les conditions d’accès ont été resserrées ces dernières années. Si en 2012, on pouvait encore prendre sa pension anticipée après 35 années de carrière, les choses ont bien changé! Depuis le 1er janvier 2019, il faut avoir 63 ans et 42 années de carrière (41 en 2018) pour pouvoir prendre sa pension anticipée. Ou à 61 ans, mais avec 43 ans de carrière, et à partir de 60 ans après 44 années de carrière…
"Cela limite sérieusement les possibilités et ce sera encore pire à l’avenir, car les années d’études (qui ont tendance à s’allonger) ne sont pas prises en compte dans le calcul de la durée de la carrière."
Sur mypension.be, vous découvrirez le montant de votre pension à l’âge légal ou à la première date de départ possible (pension anticipée).
Prendre un crédit-temps de fin de carrière
Vous travaillez toujours mais vous aimeriez prendre un peu de temps pour vous ou vos proches? Le crédit-temps de fin de carrière permet au travailleur du secteur privé de réduire ses prestations pour passer à mi-temps ou à 4/5e temps. Attention, pas de les suspendre totalement (à la différence des autres formules de crédit-temps).
En 2018, il était encore possible de prendre un crédit-temps de fin de carrière à 58 ans (et certaines dérogations l’autorisent à 55 ans). Depuis le 1er janvier 2019, il faut attendre d'avoir 60 ans. "Attention, il faut aussi avoir 25 années de passé professionnel salarié, ce qui n’est pas à la portée de tous", note Michel Wuyts.
"Je pense que l’objectif est de ne pas maintenir le crédit-temps de fin de carrière."
La durée minimale de ce crédit-temps est fixée à 3 mois pour un passage à mi-temps et à 6 mois pour un 4/5e. Aucune durée maximale n’est prévue: le crédit-temps de fin de carrière peut être pris jusqu’à la date de la pension, quelle que soit la formule choisie!
En plus de la rémunération payée par l’employeur sur la base de ses prestations (1/2 ou 4/5e temps), le travailleur a droit à une allocation forfaitaire d’interruption de l’ONEM à titre de compensation. Pour un crédit-temps à mi-temps, elle se monte à 330,44 euros net (cohabitant) ou 421,18 euros net (isolé ou avec enfant(s) à charge). Pour un crédit d’1/5e temps, l’allocation est de 153,49 euros net (cohabitant), 185,22 euros net (isolé sans enfant) ou 263,09 euros net (isolé avec enfant(s) à charge).
Une mise en garde toutefois: le crédit-temps de fin de carrière n’est pas forcément indolore pour la pension. "Celui qui prend un crédit-temps de fin de carrière d’1/5e à partir de 60 ans et jusqu’à 65 ans ne subira pas d’impact sur le calcul de sa pension. Par contre, s’il prend ce crédit-temps à mi-temps sur la même période, les deux premières années (312 jours) seront assimilées comme le salaire à temps plein, mais pour les trois suivantes, l’assimilation se fera sur la base du droit minimum (22.000 euros) Si son salaire est (nettement) supérieur au droit minimum, le travailleur subira une perte plus ou moins conséquente".
La pension à mi-temps
Si les plans initiaux du ministre Bacquelaine sont respectés, d’ici janvier 2020 au plus tard, les travailleurs qui satisfont aux conditions d’accès à la pension anticipée (lire plus haut) auront une nouvelle alternative: la pension à mi-temps.
Concrètement, ils travailleront à mi-temps et toucheront la moitié de leur pension pour compenser (en partie) la perte de revenu. Ils continueraient ainsi à se constituer des droits de pension. Chaque année travaillée (à mi-temps donc) compterait pour une demi-année pour la pension.
Une option que Daniel Bacquelaine a jugée plus avantageuse que toutes les autres. Sauf qu’on n’en connaît pas encore toutes les conditions. Michel Wuyts rappelle que la Commission de réforme des pensions a retenu pour hypothèse de travail un système de bonus-malus sur la base d’une carrière de référence…" Il paraît en effet logique d’être pénalisé si l’on touche prématurément une partie de sa pension. Et de toucher un bonus si on travaille au-delà.
Dans son rapport, le Comité national des pensions souligne la nécessité d’introduire des corrections actuarielles pour limiter l’impact de la pension partielle sur les dépenses de pension (notamment au niveau de la perte de cotisations sociales sur le temps non-travaillé). "Cet impact devrait être compensé par l’allongement effectif de la carrière et la suppression des autres régimes de fin de carrière…"
Conclusions
Même s’il convient de considérer les conclusions de notre simulation avec circonspection, compte tenu des hypothèses retenues et d’éventuelles modalités inconnues, le verdict est assez clair. Pour Michel Wuyts "le crédit-temps semble plus avantageux. Vous cumulez la moitié de votre salaire et une allocation de l’ONEM, tandis que la partie non prestée au-delà de 60 ans est assimilée pour le calcul de la pension. Certes, si vous prenez ce crédit-temps de 60 à 65 ans, compte tenu de l’assimilation sur le droit minimum durant les 3 dernières années, cela occasionnera une perte de maximum 45 euros brut mensuels pour la pension, selon ses calculs. Mais si vous optez pour la pension à mi-temps, vous prenez une partie de votre pension prématurément! Je suis donc curieux de connaître le système de malus qui sera appliqué…"
"Le citoyen doit savoir que la pension à mi-temps va diminuer sa pension."
A partir du moment où deux systèmes entrent en concurrence et que l’un est clairement plus avantageux, personne ne choisira l’autre (le nouveau)… La solution serait alors de supprimer le plus avantageux. CQFD? "Je pense que l’objectif est de ne pas maintenir le crédit-temps de fin de carrière, conclut l’expert avec un certain dépit. La pension à mi-temps devrait être une option supplémentaire, mais le citoyen doit savoir que cela diminuera sa pension!"
Fediplus va plus loin. "La pension à mi-temps devrait être accessible à partir de 60 ans, sans devoir remplir les conditions d’une retraite anticipée."
Par contre, Michel Wuyts est formel: "la pension anticipée ne résiste pas à la comparaison avec la pension à mi-temps grâce à laquelle on continue à se constituer des droits de pension, et donc in fine, de toucher une pension plus élevée."