Vais-je vraiment travailler jusqu’à 65 ans? Puis-je prendre ma retraite anticipée et à quel prix? Quel est l’avantage du crédit-temps de fin de carrière? Ai-je intérêt à racheter mes années d’études? Et si je continuais à travailler une fois pensionné? Autant de questions qui vous taraudent, à juste titre.
La réforme initiée par le ministre sortant des pensions, Daniel Bacquelaine (MR), a suscité beaucoup de contestation, mais reste inachevée. Ces dernières années ont été émaillées de changements successifs ayant pour fil rouge le relèvement des conditions d’âge et de carrière requises pour accéder à la plupart des dispositifs liés à la pension légale.
Nous avons concocté ce mémo pour exposer les principes de base du système des pensions, mais surtout pour vous donner un aperçu des conséquences des nouvelles règles et vous permettre d’explorer les options qui s’offrent à vous, tout en gardant à l’esprit une série de points d’attention. À vous d’imaginer votre trajet de pension en toute connaissance de cause.
Quand?
L’âge légal de la pension est actuellement de 65 ans. Votre pension de retraite prendra cours le premier jour du mois qui suit celui où vous atteignez 65 ans.
Vous pouvez cependant choisir de ne pas prendre votre pension et de continuer à travailler pendant un certain temps. Si vous êtes salarié, vous devrez dans ce cas obtenir l’accord de votre employeur. Et le jour où vous souhaitez partir à la retraite, il faudra en faire la demande vous-même.
Vous souhaitez au contraire prendre votre pension le plus tôt possible? Depuis le 1er janvier, il faut avoir 63 ans et 42 années de carrière (ou 60 ans avec 44 années de carrière ou encore 61 ans avec 43 ans de carrière) pour accéder à la pension anticipée. Vous devrez introduire une demande en ce sens un an avant la date de départ souhaitée.
Rien ne vous empêche évidemment de cesser de travailler n’importe quand, sans attendre l’âge légal de la pension ou l’âge de la pension anticipée. Mais il faudra en assumer les conséquences. Plus votre carrière est courte, moins votre pension sera élevée. Et surtout, vous devrez attendre vos 65 ans avant de toucher votre pension. Cela suppose d’avoir des réserves financières solides en attendant!
Quel sera le montant de ma pension légale?
Sur Mypension, outre la date de prise de cours de votre pension ainsi que la date la plus proche autorisée (pension anticipée), vous obtiendrez une estimation du montant de votre pension légale. Le résultat affiché est un montant brut, calculé sur la base d’une carrière fictive. C’est-à-dire en supposant que vous travaillerez jusqu’à l’âge légal et aux mêmes conditions (statut, salaire, temps de travail) qu’actuellement. Les montants étant exprimés en euros actuels, compte tenu de l’inflation, ils seront probablement plus élevés le jour venu.
Fiscalité
Comment ma pension sera-t-elle imposée?
- La pension légale est moins imposée qu’une rémunération normale en raison de deux mécanismes de réduction (ordinaire et complémentaire).
- Lors du paiement de votre pension, l’État retient un précompte professionnel (qui est fonction de votre pension brute, de votre situation de ménage et d’éventuels enfants à charge), une cotisation de sécurité sociale (3, 55% du montant total brut) ainsi qu’une cotisation de solidarité dont le taux, qui augmente en fonction du montant brut de la pension (pension légale + pensions extralégales du 2e pilier), varie entre 0 et 2%. Le seuil de perception de cette cotisation sera relevé le 1er mars (2.594,4 euros pour un isolé, 2.991,51 euros pour un ménage).
- La plupart des pensionnés reçoivent une proposition de déclaration d’impôt simplifiée. Il suffit de vérifier si les données qui y figurent sont complètes et correctes et si nécessaire, d’introduire une demande de correction par courrier ou via Tax-on-web.
Uniquement si vous êtes marié, l’un des conjoints pourra percevoir une pension au taux ménage (majorée) dans le cas où le montant de la pension de chef de ménage est supérieur à la somme des deux pensions d’isolés. Les services des pensions examinent automatiquement ce qui est le plus avantageux. Attention, ce système ne s’applique pas aux fonctionnaires!
À partir de 55 ans, un salarié reçoit automatiquement une estimation de pension qui sera adaptée chaque année en tenant compte de ses données de carrière les plus récentes. Il est même possible de demander une estimation qui évalue l’impact d’autres choix de carrière.
Au moment où ils prennent leur pension et à supposer que ce soit à l’âge légal, rares sont les travailleurs qui affichent une carrière complète (45 années). Et ce n’est pas sans incidence sur le montant de la pension! Même en ayant terminé ses études à 22 ans, ce qui à notre époque est relativement tôt, on ne comptabilisera que 43 années de carrière à l’âge de la pension. On percevra alors 43/45e de la pension légale.
En outre, celui qui affiche une carrière complète n’a, en moyenne, effectivement presté que les 2/3, le reste étant constitué de périodes assimilées. Il s’agit des périodes au cours desquelles il n’a pas travaillé (maladie, invalidité, chômage, crédit-temps, etc.) mais qui comptent pour le calcul de la pension.
Or, l’assimilation de certaines périodes se fait sur une base toujours moins avantageuse, ce qui se répercute sur le montant de la pension. Pour les pensions qui prennent cours à partir du 1er janvier 2019, la deuxième période de chômage, par exemple, n’est plus assimilée sur la base de la rémunération effective avant la période assimilée mais sur la base d’un salaire fictif limité (24.730,99 euros). L’assimilation de la 3e période de chômage est, elle, déjà rabotée depuis des années.
Racheter mes années d’études?
Rares sont les travailleurs qui affichent une carrière complète, sans période assimilée, et qui ont donc droit au maximum de pension. Pour avoir la pension la plus élevée possible, ils ont peut-être intérêt à racheter leurs années d’études.
Attention, si vous rachetez 4 années d’études par exemple, cela vous permettra (théoriquement) d’augmenter le montant de votre pension, mais PAS d’allonger votre carrière de 4 ans. N’espérez donc pas partir prématurément à la pension en rachetant vos années d’études!
Pour calculer ce qu’il vous en coûtera et ce que cela vous rapportera, rendez-vous sur Mypension et introduisez le nombre d’années que vous souhaitez régulariser. Jusqu’au 30 novembre 2019, le rachat des années d’études (moyennant le respect de certains critères) se fait à des conditions avantageuses pour tous: 1.500 euros bruts par année, quel que soit l’âge et le temps écoulé depuis la fin des études. Après, la régularisation sera beaucoup plus chère.
L’opération n’est en outre pas intéressante pour tous. Le rachat des années d’études semble prématuré s’agissant de jeunes qui sortent des études et alors que l’on n’a aucune vue sur ce que sera le système des pensions dans 30 ou 40 ans. "Par contre, pour ceux qui sont à l’aube de la pension, le calcul vaut la peine d’être fait, car il donnera une idée précise du return de ce rachat", note Michel Wuyts, directeur de Fediplus, une organisation experte en matière de pensions et de gestion des fins de carrière. "Dans les cas où l’opération s’avère intéressante, il faut compter environ 6 ans pour récupérer l’investissement, ce qui est une espérance de vie tout à fait envisageable."
Ne tablez quand même pas sur un gain mirobolant! Il s’agit en général de quelques dizaines d’euros par mois. Pour les salariés et les indépendants, chaque année régularisée donne droit à un montant de pension additionnel de 266,67 euros par an (isolé) et de 333,33 euros (ménage).
La déduction fiscale accordée est fonction du revenu. "Celui qui ne paie pas ou très peu d’impôt n’y aura donc pas droit. Par contre, pour celui qui gagne 50.000 ou 75.000 euros bruts par an et qui paie beaucoup d’impôts, l’impact sera assez sensible. Il récupérera jusqu’à 50% du coût du rachat de ses années d’études", note Michel Wuyts.
La mesure rencontre toutefois moins d’enthousiasme qu’escompté par le ministre. Pour un observateur, la raison est simple: "l’opération est certes fiscalement intéressante l’année du rachat. Compte tenu de la déductibilité, l’amortissement est assez rapide. Mais vous paierez davantage de cotisations sociales et d’impôt sur le montant de votre pension".
Lever le pied en fin de carrière?
Vous n’êtes pas prêt à cesser de travailler du jour au lendemain mais vous souhaiteriez lever le pied? Pourquoi ne pas envisager un crédit-temps de fin de carrière qui permet de passer à mi-temps ou à 4/5e? Cela ne sera toutefois possible que si vous avez déjà au moins 60 ans, 25 années de carrière en tant que salarié et minimum 24 mois d’ancienneté chez votre employeur…
Concrètement, vous toucherez la moitié ou 4/5e de votre salaire, ainsi qu’une allocation de l’ONEM sur la base de laquelle vous continuerez à vous constituer des droits de pension.
"Je conseille vraiment à tous ceux qui sont tentés par la formule et qui y ont accès d’en profiter tant que c’est encore possible car, dans le futur, les conditions d’accès risquent d’être plus compliquées, prédit Michel Wuyts. Il n’est pas sûr que lorsque l’âge légal de la pension passera à 67 ans, le crédit-temps de fin de carrière sera encore accessible à 60 ans… Il serait logique que le seuil d’accès à ce crédit-temps soit relevé 62 ans. La même logique devrait d’ailleurs s’appliquer à la pension anticipée".
"Je conseille vraiment à tous ceux qui sont tentés par le crédit-temps de fin de carrière et qui y ont accès d’en profiter tant que c’est encore possible."
Un petit "extra"?
Autre option si vous avez besoin ou envie d’un petit complément financier: prendre votre pension et continuer ensuite à travailler à votre rythme en tant qu’indépendant ou salarié.
Si vous avez 65 ans et/ou une carrière de 45 années, en tant que pensionné vous pouvez travailler autant que vous le souhaitez, sans devoir respecter aucun plafond de revenu.
Par contre, si vous n’avez ni 65 ans ni 45 années de carrière, le montant que vous pouvez gagner en plus de votre pension est limité. Pour celui qui bénéficie d’une pension de retraite, la limite (2019) est fixée pour un travail salarié à 8.172 euros par an sans enfant à charge (12.258 euros avec enfant à charge). En cas de non-respect du plafond, le montant de la pension sera réduit en proportion du pourcentage de dépassement.
"Travailler en tant que pensionné vaut toujours la peine, mais qu’il faut être conscient que 30 à 50% de ce que l’on gagne en plus de la pension passeront en cotisations sociales ou en impôts, prévient Michel Wuyts. Et le problème, c’est que l’impôt est dans ce cas calculé distinctement sur un revenu de pension d’une part et sur un revenu du travail d’autre part. Or les deux revenus doivent in fine être additionnés et sont de ce fait taxés à un taux marginal plus élevé. Pour éviter les mauvaises surprises à la réception de l’avertissement-extrait de rôle, il faut demander que l’on prélève un précompte plus élevé ou mettre de l’argent de côté en prévision", recommande-t-il.
Ce n’est pas tout. "La réduction d’impôt accordée pour les revenus de remplacement (dont font partie les revenus de pension) va diminuer si on cumule revenus de pension et revenus du travail".
RCC et pension anticipée
Depuis cette année, les travailleurs en RCC (chômage avec complément d’entreprise, ex-prépension) sont autorisés à prendre leur pension anticipée, à condition de remplir les critères d’accès à celle-ci. C’est-à-dire avoir 63 ans et une carrière de 42 années minimum, 61 ans et 43 années de carrière ou 60 ans et 44 années de carrière pour prendre sa pension anticipée. Ce changement de statut leur permet d’échapper à l’obligation qu’ont les personnes en RCC de rester disponibles sur le marché du travail.