Les personnes qui souhaitent faire une donation à leurs héritiers tout en conservant leur niveau de vie peuvent faire une donation avec réserve d’usufruit. Le donateur continue alors à percevoir les revenus des biens qu'il a donnés. Par exemple, les revenus locatifs de l’appartement dans lequel il a investi ou les dividendes de son portefeuille d’investissement. Le lien de parenté avec le bénéficiaire de la donation ne fait aucune différence: enfant, neveu/nièce, ami ou association caritative.
Jusqu’au décès du donateur, le bénéficiaire ne détient que la "nue-propriété" des biens. Il n'en deviendra plein-propriétaire qu'au décès du donateur, l'usufruit venant alors s'ajouter à la nue-propriété.
À partir du 1er septembre, à la faveur de l'entrée en vigueur de la nouvelle loi fédérale successorale, ce ne sera plus toujours le cas!
En effet, si le donateur était marié au moment de la donation, le conjoint survivant obtiendra automatiquement l’usufruit des biens. Le bénéficiaire devra donc attendre le décès du conjoint survivant pour acquérir la pleine propriété des biens. Avant, il devra partager la propriété avec le conjoint ou le cohabitant légal survivant. Une situation qui n’est pas toujours idéale.
Associations caritatives
"La nouvelle loi pourrait avoir un impact important sur les associations qui reçoivent des donations", explique Emilie Van Goidsenhoven du cabinet d’avocats Tiberghien.
Elle cite l’exemple de Monsieur Devos, qui, après le décès de son frère, a fait donation de 200.000 euros d’obligations avec réserve d’usufruit à une fondation qui mène des recherches sur le cancer, la maladie dont souffrait son frère. "Si Monsieur Devos décède avant le 1er septembre, la fondation obtiendra la pleine propriété du portefeuille qui a fait l’objet de la donation, et pourra utiliser les fonds pour financer ses recherches. Mais s’il décède après cette date, son épouse obtiendra l’usufruit de ces obligations. Résultat: la fondation ne pourra pas bénéficier des revenus des obligations et devra prendre les décisions quant au réinvestissement des obligations à leur échéance avec l’épouse de M. Devos."
Par contre, dans le nouveau droit successoral, la part réservataire des enfants sera limitée et la partie disponible étendue à la moitié de la succession. De ce fait, la part susceptible de faire l’objet d’une donation ou d’être léguée à une association ou à un tiers augmente. En revanche, comme la part réservataire des enfants sera dans tous les cas (quel que soit leur nombre) réduite à la moitié du patrimoine du défunt, pour compenser, il a été décidé que leur part devra être autant que possible à l’abri de l’usufruit dont le conjoint survivant héritera.
L’usufruit du conjoint survivant sera donc, dans la mesure du possible, reporté sur l’autre moitié de la succession (quotité disponible). Avec pour conséquence que les associations hériteront de plus en plus souvent uniquement de la nue-propriété. Elles ne pourront donc pas percevoir les revenus locatifs ou les dividendes tant que le conjoint survivant sera en vie.
Le conjoint survivant ne pourra bénéficier de cet usufruit que s’il était marié au parent donateur au jour de la donation
Un débat parlementaire a lieu actuellement sur ce sujet. Une modification de la loi n'est donc pas exclue, mais à ce stade, personne ne peut dire avec certitude ce qui va changer, signalent plusieurs cabinets d’avocats.
Nouvel amour
Pour les enfants ayant reçu d’un de leurs parents une donation avec réserve d’usufruit et en présence d'un conjoint survivant (beau-père ou belle-mère), la nouvelle loi est plutôt une bonne nouvelle. Jusqu'ici, au décès du donateur, ils devaient en effet "subir" l’usufruit du conjoint survivant sur les biens donnés ou lui verser une rente à vie.
À partir de septembre, le conjoint survivant ne pourra bénéficier de cet usufruit que s’il était marié au parent donateur au jour de la donation.
Exemple: si votre père vous a fait une donation avec réserve d’usufruit, sa nouvelle compagne éventuelle ne pourra réclamer l'usufruit si votre père s’est remarié avec elle après vous avoir fait la donation.
Par contre, si votre père vous fait cette donation après son remariage, sa nouvelle épouse obtiendra bien l’usufruit de ces biens. A moins qu'elle y ait renoncé, par exemple dans l’acte de donation ou ultérieurement, dans un accord successoral. Ou si le donateur a rédigé un testament pour priver le conjoint survivant de l'usufruit.
Le cohabitant légal obtient lui aussi l’usufruit, mais dans son cas il est limité à l’habitation familiale qui a fait l’objet d’un don avec réserve d’usufruit et uniquement si la donation a eu lieu pendant la période de cohabitation légale. Le cohabitant légal survivant n’a jamais droit à l’usufruit d’autres biens que l’habitation familiale (et son contenu).