En 2019, seuls 3.705 pactes successoraux ont été conclus, alors que 66.000 testaments ont été enregistrés, selon des chiffres de la Fédération des notaires. Pourquoi une telle différence entre deux outils qui permettent de planifier sa succession en prenant des libertés par rapport au scénario par défaut prévu par la loi?
La possibilité de rédiger un pacte successoral est très récente. C’est la réforme du droit successoral, entrée en vigueur le 1er septembre 2018 qui l’a instaurée, alors que le testament est utilisé depuis des lustres. Mais ce n'est pas la seule différence...
Le testament, seul et en secret
Le testament offre à chacun la liberté de décider seul et secrètement des dispositions relatives à sa succession en s'écartant de ce que prévoient les règles de la dévolution légale ((NDLR, la loi détermine qui hérite de quoi en l’absence de dispositions contraires), en tenant compte toutefois de la part qui revient d'office à ses héritiers réservataires (enfants, conjoint). Le grand avantage du testament, c’est qu’il peut être modifié ou supprimé à tout moment jusqu’au décès du testateur, ce qui permet de tenir compte des aléas de la vie et de l’évolution des relations familiales, amicales, amoureuses, etc.
Pour qu’un testament soit valable, il faut toutefois respecter un certain nombre de conditions.
- Le testament olographe que vous rédigez vous-même doit être rédigé de votre propre main, daté et signé avec mention de vos nom et prénom. Le principal risque est que ce document qui contient vos dernières volontés ne soit pas rédigé correctement, qu'il disparaisse, se perde ou tombe dans de mauvaises mains.
- Pour éviter de tels scénarios, il est plus sûr d’opter pour un testament notarié, qui sera rédigé dans les formes par un notaire, et donc d’office valable, conservé en lieu sûr et inscrit automatiquement au CRT. Il vous en coûtera 75 à 150 euros: le prix de la sécurité et de la tranquillité d'esprit.
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Le pacte successoral, en famille, en toute transparence
Le pacte successoral a ceci de révolutionnaire qu’il permet aux parents de discuter avec leurs enfants de la répartition de leur patrimoine et de s’accorder sur certains aspects qui, une fois fixés dans un pacte signé par toutes les parties intéressées, ne pourront plus être remis en question.
C’est précisément la portée de l’engagement pris par chacune des parties qui justifie une procédure beaucoup plus longue et plus contraignante que la rédaction d’un testament. Selon les notaires, la nouveauté du pacte successoral - encore très peu connu du public -, ainsi que le formalisme et la lourdeur des procédures sont les principaux freins à son succès. Sans compter le fait qu'il n'est pas forcément nécessaire dans tous les cas!
Le pacte global, pour qui et pourquoi?
Le pacte successoral permet de dresser l’inventaire des donations et avantages de toute sorte dont ont déjà bénéficié les uns et les autres, de faire la balance (en envisageant au besoin des correctifs) pour arriver, in fine, à s’accorder sur une égalité de traitement nécessairement plus subjective que mathématique. L’idée étant que chacun soit satisfait de ce qu’il a reçu dans le cadre de ce "deal" et qu’un pacte successoral actant cet état de fait soit signé. Les compteurs de chacun seront alors en quelque sorte remis à zéro, à ce moment-là. Attention, il ne s’agit donc pas de décider de ce qu’il adviendra du reste du patrimoine au jour du décès!
- Exemple. Imaginons qu'une famille se mette d’accord sur le fait, qu’à ce stade, les trois enfants ont en fait reçu "la même chose", alors que l’un a reçu une somme d’argent, que l’autre a occupé gratuitement un appartement familial pendant plusieurs années, et que le dernier a fait de longues et coûteuses études à l’étranger payées par les parents.
Comment?
Dans un pacte global qui engage l’ensemble des héritiers, compte tenu de l’importance de l’engagement pris par les uns et les autres - une fois signé, un pacte est irrévocable !- , la participation et l’accord de tous sont indispensables.
Et afin que chacun appréhende correctement les tenants et aboutissants de sa décision, l’intervention d’un notaire est obligatoire. En pratique, la procédure est très formelle. Les parties devront recevoir un projet du pacte envisagé au minimum 15 jours avant la réunion chez le notaire pour avoir le temps de demander toutes les explications souhaitées. Le pacte ne sera signé qu’un mois après la réunion chez le notaire afin de laisser un délai de réflexion suffisant. Dans l’intervalle, chacun aura la possibilité de demander un entretien individuel ou de se faire assister par un professionnel (avocat, notaire). Une fois signé, le pacte successoral fera l’objet d’un acte authentique et enregistré au CRT.
Le pacte ponctuel
Un pacte ponctuel peut être envisagé pour régler des aspects spécifiques qui ne concernent pas tous les héritiers.
Par exemple, pour fixer la valeur d’une donation, s'engager à ne pas exiger la réduction d’une donation (qui porte atteinte à la réserve héréditaire), accepter un saut de génération lors d’une donation, etc. Seules les parties concernées signeront le pacte.