Une nouvelle législation s’appliquera aux voyages à forfait que vous réserverez à partir du 1er juillet prochain. Pour vos vacances d’été, probablement déjà réservées depuis des mois, il est donc trop tard. Ce sera pour la fois prochaine. Si vous n’avez pas encore fixé vos plans, sachez que vous serez désormais mieux protégé. Que vous passiez par une agence ou que vous réserviez par internet.
La loi qui régit le contrat d’organisation de voyages date de 1994. Une époque pas si lointaine, mais où internet n’existait pas. Les règles ne sont donc plus du tout adaptées à la réalité et aux besoins actuels. De nouveaux intermédiaires sont apparus et les habitudes des clients ont radicalement changé.
"La loi qui s’appliquera aux voyages à forfait réservés à partir du 1er juillet prochain est la transposition d’une Directive européenne de 2015 qui prévoit une harmonisation maximale, c’est-à-dire identique dans tous les pays de l’Union européenne, avec quelques exemptions possibles", explique Olivier Dugardyn, avocat spécialisé dans le tourisme et les voyages.
Voyage à forfait ou prestation de voyage
Qu’entend-on par voyage à forfait? Typiquement, les vacances que réservent la plupart d’entre nous. Un package qui combine au moins 2 services pour un même voyage ou un même séjour: transport (train, avion, bus), logement (hôtel, gîte, camping), voiture de location, visites, excursions, spectacles, etc. Si vous réservez uniquement un vol ou une chambre d’hôtel, il ne s’agit donc pas d’un voyage à forfait.
Le voyage à forfait inclut au moins deux services pour un même voyage ou séjour: transport, logement, voiture de location, excursion, etc. La différence avec une prestation de voyage liée n’est pas évidente à établir…
La nouvelle loi offre également une protection accrue pour les réservations de voyages à forfait effectuées via internet, notamment sur des sites devenus très populaires comme Expedia, Booking ou Tripadvisor. "Si vous effectuez une réservation (ex: un billet d’avion sur le site d’une compagnie aérienne) et que ce premier fournisseur de services de voyage vous dirige vers un autre (ex: un site de voitures de location ou de réservation d’hôtel), vous serez également mieux protégé", assure dans un communiqué Kris Peeters (CD&V), le ministre chargé des Consommateurs.
"Attention, il doit s’agir d’une démarche ‘dirigée’ (vers le second prestataire), via un pop-up ou un mail, précise Olivier Dugardyn. Si vous cliquez simplement sur une publicité sur le site de la compagnie aérienne, le lien direct avec le deuxième prestataire n’existe pas."
"La loi qui s’appliquera aux voyages à forfait réservés à partir du 1er juillet prochain est la transposition d’une Directive européenne de 2015 qui prévoit une harmonisation maximale, c’est-à-dire identique dans tous les pays de l’Union européenne, avec quelques exemptions possibles"
Techniquement, c’est compliqué aussi. Si le premier site de réservation transfère les nom, adresse mail et données de paiement du voyageur à un deuxième fournisseur de services ET que vous faites la deuxième réservation dans les 24 heures qui suivent la première réservation, ce sera considéré comme un voyage à forfait. "La compagnie aérienne qui propose de cette façon des chambres d’hôtel sera dès lors également responsable pour l’hôtel. Si celui-ci fait faillite, elle devra trouver une alternative ou rembourser le client", explique le communiqué de Kris Peeters.
Par contre, si le premier prestataire ne transmet pas vos données à un autre, il ne s’agira pas d’un forfait mais d’une simple prestation de voyage liée. Dans ce cas, la protection du consommateur sera bien plus limitée, puisque la nouvelle loi ne s’appliquera pas. Chaque prestataire sera responsable de sa propre offre.
"Certaines compagnies ont d’ailleurs déjà trouvé une échappatoire, avertit Olivier Dugardyn. Elles ont tout simplement coupé le lien: si vous réservez un hôtel via leur site, vous devez remettre vos données. La preuve par A +B qu’elles tentent d’éviter de tomber sous le coup des nouvelles obligations liées à un forfait."
Le client qui se rend en agence n’est d’ailleurs pas à l’abri d’une méprise. Car s’il commence par réserver et acheter un vol et qu’ensuite, après paiement, il se fait conseiller pour réserver un hôtel, il s’agira d’une prestation de voyage liée.
Voyage à forfait, prestations de voyage liées… "La loi est tellement confuse que le SPF Économie a publié 30 pages de guidelines", observe Olivier Dugardyn. Voilà qui laisse augurer de cafouillages, suggère-t-il, curieux de voir ce qui sortira de la jurisprudence, car au vu des nombreuses interprétations, les tribunaux risquent de devoir trancher. "J’ai assisté à une réunion de 15 professeurs européens spécialistes du secteur lors de laquelle 30 cas réels ont été mis sur la table et on n’a jamais réussi à tous s’accorder sur le fait qu’il s’agissait ou non de voyages à forfait".
Mais le client dans tout ça? Comment saura-t-il s’il a réservé ou non un voyage à forfait et s’il peut ou non tabler sur la protection accrue que lui garantit la nouvelle loi?
Obligations précontractuelles renforcées
L’une des principales dispositions de la nouvelle loi sur les voyages à forfait a trait à l’information précontractuelle qui doit être fournie. "Ces informations sont très étendues et risquent même d’être indigestes pour le consommateur", prévient l’avocat spécialisé. Une sorte de MiFID du voyageur…
"Le voyageur devra disposer d’un numéro ou point de contact pour signaler un problème à l’organisateur,qui sera alors tenu d’y remédier dans les plus brefs délais. Un scénario win-win qui permet d’éviter des litiges ultérieurs", explique Anne Moriau, Expert Project Officer Budget & Droit chez Test-Achats. Par exemple, si une fois sur place, l’hôtel n’est pas conforme à ce qui était promis sur photos ou dans le descriptif. "Le motif de plainte n° 1 auprès de la Commission litiges voyages (CLV), ce sont en effet les hébergements", souligne-t-elle: chambre qui ne correspond pas à l’offre, travaux en cours, court de tennis ou piscine indisponible, jardins non terminés, plage plus loin qu’annoncé, etc.
"Désormais l’organisateur de voyage doit obtenir l’accord du client pour toute modification importante (logement, horaires de vols)."
"Si l’organisateur n’est pas en mesure de trouver une solution ou une alternative qui satisfait le client, il pourra proposer une baisse de prix ou un dédommagement. Et si cela n’est toujours pas bon, au retour, le client devra introduire un dossier à la CLV."
Outre des informations détaillées sur le contenu du package (transports, escales, repas, caractéristiques de l’hébergement, visites et excursions, accès aux personnes à mobilité réduite, conditions d’annulation et frais, assurances, etc.), le client se verra remettre un formulaire type selon qu’il s’agit ou non d’un voyage à forfait.
Une fois votre contrat pour un voyage à forfait signé, vous voilà presque en vacances. Sauf qu’il n’en est pas toujours ainsi, déplore le ministre Kris Peeters. Un organisateur qui change l’hôtel sans l’accord du client ou lui inflige des indemnités démesurées en cas d’annulation… Des cas aujourd’hui trop fréquents.
Modifications importantes
En vertu des nouvelles règles, l’accord des clients est désormais requis si l’organisateur du voyage apporte des modifications importantes après la réservation.
"Les modifications légères sont acceptées, pourvu que ce soit prévu dans le contrat, mais cela ne dispense pas l’organisateur de prévenir le client", explique Anne Moriau.
Les modifications importantes, qui portent par exemple sur la situation de l’hébergement, la période (du séjour), l’itinéraire du voyage ou un engagement spécial que l’organisateur de voyage avait pris à l’égard du client mais qu’il n’est pas en mesure de respecter nécessitent par contre l’aval du client.
Des exemples? "L’organisateur qui a vendu un séjour en hôtel vue sur mer et qui, pour cause d’overbooking, déplace le client dans l’arrière-pays, devra lui demander son accord. En cas de refus, le contrat sera annulé et l’argent lui sera restitué dans les 14 jours", selon le communiqué du cabinet Peeters.
Idem lorsque les horaires des vols sont modifiés. "Si vous partez pour 15 jours, le fait de décoller trois heures plus tard que prévu ne constitue pas un changement important" – au pire vous perdez une demi-journée ce qui n’est pas agréable mais tolérable. Par contre, ce même délai de 3 heures risque de bouleverser tous vos plans si vous faites un city-trip d’un week-end. Dans ce cas, il s’agira bien d’une modification importante requérant votre accord.
Le prix du voyage peut être adapté jusqu’à 20 jours avant le départ. Mais désormais, le client aura la possibilité de renoncer à son voyage à partir du moment où la hausse de prix atteint 8% (contre 10% auparavant).
Attention, souligne Anne Moriau, "si l’organisateur du voyage doit obtenir l’accord du client pour toute modification importante, le client doit impérativement donner une réponse, qu’elle soit positive ou négative (et dans ce cas il sera remboursé). Car faute de réaction de sa part, le voyage sera automatiquement annulé!"
Annulation
"Dorénavant, les voyageurs pourront aussi annuler leur voyage sans devoir fournir de motif contre paiement d’une éventuelle indemnité, indique Kris Peeters, évoquant "des problèmes de santé, des raisons familiales et professionnelles."
Anne Moriau observe avec satisfaction que la loi fait expressément référence à des indemnités "raisonnables". Elles devront tenir compte des coûts réels pour l’organisation et notamment du fait que le voyage peut ou non être revenu à un autre client.
"Dorénavant, les voyageurs pourront aussi annuler leur voyage sans devoir fournir de motif contre paiement d’une éventuelle indemnité"
"Une précision importante, car aujourd’hui, certains réclament des montants exorbitants. Si l’annulation a lieu longtemps avant le départ, je pense que les indemnités devraient être à l’avenir moins élevées. Par contre, pour une annulation à la veille du départ, on peut raisonnablement concevoir que le voyage ne puisse plus être revendu à quelqu’un d’autre. Les frais à charge du client devraient donc rester assez élevés…"
Si vous devez renoncer à votre voyage, vous aurez également le droit de céder votre réservation à un ami. L’organisateur doit en être averti au mois 7 jours avant le départ. "Mais il pourra évidemment vous compter des frais. Il est par exemple extrêmement cher de réserver un billet d’avion qui a déjà été émis au nom d’un voyageur", souligne Anne Moriau.
Enfin, l’organisateur est lui aussi en droit d’annuler un voyage, mais seulement pour deux motifs: si un nombre minimum de participants n’est pas atteint ou en cas de circonstances inévitables et exceptionnelles (la loi n’en dit pas plus…).
Annulation sans frais pour circonstances exceptionnelles
En cas de situation exceptionnelle sur le lieu de destination (ou à proximité immédiate) ayant des répercussions importantes sur l’exécution du voyage ou le transport des passagers (ex. éruption d’un volcan, crise politique majeure ou guerre, terrorisme, maladie grave, catastrophe naturelle), le voyageur pourra résilier le voyage avant le départ sans devoir payer d’indemnité, de frais ou dédommagement!
"Une famille qui contestait des frais d’annulation pour un voyage à Antalya alors qu’il y avait eu un attentat à Istanbul quinze jours auparavant. On est en plein dans la même problématique."
"Avant, le voyageur était contraint de dédommager l’organisateur. Cette nouvelle disposition répond probablement aux climats d’insécurité grandissants et parfois soudains que l’on ne peut que constater dans notre monde", souligne le cabinet d’avocats VJN Legal dans un texte publié sur son site. Pour ces spécialistes, il s’agit de "l’un des éléments notables apportés par le nouveau régime".
Olivier Dugardyn confirme. "Cette clause qui autorise l’annulation en cas de circonstances exceptionnelle fait extrêmement peur aux professionnels qui eux, ont déjà payé les prestataires! Car il y a une dose d’appréciation personnelle et d’émotionnel qui intervient". Jusqu’où cette nouvelle liberté va-t-elle aller? L’avocat avoue avoir déjà eu à traiter de nombreux dossiers de ce genre. "Une famille qui contestait des frais d’annulation pour un voyage à Antalya alors qu’il y avait eu un attentat à Istanbul quinze jours auparavant. On est en plein dans la même problématique." Il reviendra donc aux juges de trancher.
En bref
La loi sur les voyages à forfait
· Elle entre en vigueur le 1er juillet.
· Elle concerne la réservation en agence ou sur internet de voyages qui comprennent au moins 2 services (vol, logement, voiture de location, excursions etc.)
· À ne pas confondre avec les prestations de voyage liées non couvertes par la nouvelle loi.
· Le client doit recevoir un numéro ou point de contact pour signaler tout problème à l’organisateur. Objectif: trouver une solution rapidement et prévenir les litiges.
· L’organisateur doit obtenir l’accord du voyageur pour tout changement important (concernant le logement, la période, le prix, etc.) Le client qui refuse sera remboursé.
Le client pourra annuler le voyage sans devoir fournir de motif, mais en échange d’un dédommagement raisonnable tenant compte du délai avant le départ et de la possibilité (ou non) de revendre le voyage.
En cas de circonstances exceptionnelles, (catastrophe naturelle, instabilité politique, épidémie, éruption volcanique, etc.) sur place ou liées au transport, le client pourra annuler sans aucun frais.