Israël doit prendre exemple sur la Belgique
Pourquoi Israël ne comprend-il pas qu'une partie des malheurs qui lui (et nous) arrivent sont le résultat de sa colonisation?
M. Yossi Lempkowicz, media adviser Europe Israel Press Association, a publié un article intitulé "La Belgique doit prendre l’exemple d’Israël" dans "L’Echo" du 5 avril.
Il a certainement raison de nous tancer sur la façon dont les Belges (et les Européens) surveillent leurs aéroports. Mais il utilise un titre qui en dit plus long, et termine en nous avertissant que l’Europe est en train de perdre une troisième guerre mondiale "à moins de prendre l’exemple d’Israël", suivi de trois petits points.
Voici à mon tour quelques réflexions sur l’exemplarité d’Israël, que je ne tire pas de mon chapeau, mais de la presse israélienne ("Haaretz" et "The Jerusalem Post") qui n’est sans doute pas celle que lit M. Lempkowicz.
Je reconnais volontiers que les gouvernements qui se suivent en Belgique ne sont pas ma tasse de thé, mais on y a rarement vu un premier ministre autant décrié que M. Netanyahou. Voici ce qu’a dit récemment de lui Meir Dagan, ex-chef des services secrets israéliens, qui a passé 32 ans dans les forces armées: "J’ai connu pas mal de premiers ministres. Aucun d’eux n’était un saint, mais ils avaient tous une qualité: en cas de conflit entre leur intérêt personnel et celui de la nation, ils ont toujours donné priorité à la nation, sauf Netanyahou et Barak, qui pensaient qu’ils étaient les plus grands génies au monde". Dagan ajoute que Netanyahou, perpétuellement indécis, est aussi "le pire manager qu’il ait rencontré".
Il faudrait, me semble-t-il, qu’Israël se débarrasse au plus vite de ce premier ministre incompétent qui s’est, en outre, mis à dos les Etats-Unis, les Nations Unies, une bonne partie de monde et de sa propre administration.
La Belgique a compris que le temps des colonies était révolu
Le Congo a été une colonie belge pendant 52 ans (1908-1960). La Palestine est une colonie israélienne depuis 49 ans (1967-2016), et c’est loin d’être fini.
La Belgique a été suffisamment sage pour comprendre que le temps des colonies était révolu et a rendu son indépendance au Congo. Que ce qu’il s’est passé depuis n’a pas été à l’image de ce qu’on attendait est une autre histoire. Mais pourquoi Israël ne comprend-il pas qu’une partie des malheurs qui lui (et nous) arrivent sont le résultat de sa colonisation?
Le grand rabbin de la Communauté sépharade en Israël recommande aux soldats israéliens de tuer les Palestiniens qui les attaquent. Il ajoute que ces braves ne doivent d’ailleurs pas s’inquiéter: ni la Cour Suprême, ni les généraux ne les puniront. Tuer les assaillants est d’ailleurs un impératif religieux (une mitzvah, c’est-à-dire une prescription éthique ou morale).
Pourquoi Israël ne comprend-il pas qu’une partie des malheurs qui lui (et nous) arrivent sont le résultat de sa colonisation?
C’est précisément ce qui est en train de se passer dans le cas de ce jeune soldat franco-israélien qui, à Hébron, en territoire occupé, a froidement liquidé d’une balle dans la tête un assaillant palestinien qui était à terre, sans doute sérieusement blessé, et dont les ambulanciers ne s’occupaient guère. Un meurtre de sang-froid, requalifié en homicide involontaire par la Justice israélienne. Comme l’écrit "Haaretz", ce soldat est maintenant "le fils de chaque mère israélienne", et n’est pas emprisonné, mais simplement confiné dans sa caserne. Et ce n’est pas le premier cas.
"Tu ne tueras point"
En Belgique, sauf en cas de fusillade, les soldats et les policiers tirent d’abord dans les jambes, comme cela a été le cas avec Salah Abdeslam, un individu certainement plus dangereux que le Palestinien auquel je viens de faire allusion. Oserait-on, malgré ce qu’a dit ce grand rabbin, demander à Israël de faire de même? Après tout, c’est Dieu qui aurait dit à Moïse: "Tu ne tueras point", il y a quelque 6 000 ans.
Ce même rabbin argumente aussi que la Loi juive interdit aux non Juifs de vivre en Israël s’ils ne se conforment pas aux sept lois de Noé (dont l’une interdit l’assassinat) mais, ajoute-t-il, "si nos mains étaient fortes, si nous avions le pouvoir de gouverner, les non Juifs ne pourraient pas vivre en Israël". La raison pour laquelle certains sont admis malgré tout, est qu’ils servent la population juive. "Sans quoi, qui seraient les serviteurs, qui seraient nos assistants?", conclut-il.
Je ne pense pas que la Belgique ait jamais refusé aux Juifs de se réfugier ici, même si, durant la deuxième guerre mondiale, les choses sont loin d’avoir été supportables pour eux. Mais on ne leur a jamais demandé de suivre les sept lois de Noé, ni d’être au service des citoyens belges. On pourrait imaginer que les Israéliens suivent la modération belge.
J’aurais encore pas mal d’autres choses à dire, mais préfère terminer en reconnaissant qu’il y a aussi des aspects positifs en Israël. L’ancien président Moshe Katsav est en prison pour avoir lutiné et violé ses collaboratrices. L’ancien premier ministre Ehud Olmert est en prison pour corruption.
Voilà des exemples que M. Lempkowicz aurait pu nous donner.
Par Victor Ginsburgh
ULB (Ecares) - UCL (Core).
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