Les États-Unis misent plus que jamais sur les hydrocarbures
Avec 503 millions de tonnes équivalent pétrole, la production de pétrole a presque doublé aux Etats-Unis entre 2007 et 2015.
Plus que dans tout autre secteur des activités humaines, en matière d’énergie, il convient de mettre des données chiffrées afin d’appréhender convenablement la situation. Les données de 2015 de la production d’énergie primaire des États-Unis publiées ce 29 mars par l’Energy Information Administration offrent une clef de lecture surprenante.
L’évolution est significative car, contrairement à 2014, 2015 est une année entière au cours de laquelle le prix du pétrole s’est sensiblement rapproché de son niveau normal. On a souvent entendu que cette chute du prix du brut allait mettre fin à la bulle du pétrole et du gaz de roche-mère. Il n’en est absolument rien. Par rapport à 2014 la production de pétrole brut a augmenté de 8%. Avec 503 millions de tonnes équivalent pétrole (Mtep), la production de pétrole est presque au niveau absolu de 1970 lorsqu’elle a été de 514 Mtep.
Après 1970, le minimum de production a été atteint en 2007 avec 271 Mtep. Cela signifie que la production de pétrole a presque doublé entre 2007 et 2015. Quant à la production de gaz naturel elle a atteint un record absolu avec 705 Mtep, soit une augmentation de 5% par rapport à 2014.
Le gaz, première source d’énergie
Depuis 2010 le gaz naturel est la première source d’énergie produite aux États-Unis. Il a détrôné le charbon dont la production oscillait autour de 560-600 Mtep par an. Elle n’est plus à présent que de 458 Mtep, soit une diminution impressionnante de 10% en un an.
Avec 210 Mtep la production d’énergie nucléaire est restée totalement stable. La production totale d’énergie renouvelable est demeurée pratiquement inchangée en 2015 par rapport à 2014 avec 244 Mtep soit une croissance de 0,2% et une part de 11% dans la production totale.
Toutefois la production de l’énergie solaire a crû de 27% en passant de 10 à 13 Mtep. La croissance est importante mais en valeur absolue cette énergie propre ne représente que 0,6% de la production des États-Unis; en fait elle est de 0,4% par rapport à la consommation totale. La production d’énergie éolienne s’en tire mieux car elle représente 46 Mtep; sa croissance est aussi significative puisqu’elle est de 5% mais en valeur absolue l’éolien ne représente que 2% de la production totale, ce qui malgré son intermittence, pour un vaste pays ne perturbe en rien le réseau électrique.
Observons qu’à l’instar du podium européen en énergies renouvelables que sont la Suède, la Finlande et l’Estonie, la biomasse est en croissance constante puisqu’en dix ans sa production est passée de 78 à 119 Mtep/an et elle a encore progressé de 5% en 2015 par rapport à 2014.
Mais revenons aux 80% de la production que représentent les énergies fossiles, alors qu’elle était de 78% en 2010. Les énergies fossiles augmentent donc fortement non seulement en valeur absolue mais également en valeur relative. Si on ajoute les produits liquides générés par la production de gaz naturel au pétrole brut, les États-Unis produisent à présent 616 Mtep soit 1,9 fois l’ensemble de la production de l’Irak et de l’Iran de 2014 ou encore 13% en plus que l’Arabie saoudite.
Face à cette transition pétrolière il n’est guère surprenant qu’ils se préparent à exporter du pétrole et du gaz. Passé presque inaperçu chez nous, un accord bipartisan de décembre dernier est en fait un événement majeur de la politique énergétique de États-Unis. À la suite du second choc pétrolier de 1979 les États-Unis avaient adopté une loi qui interdisait l’exportation de pétrole brut.
Le débat sur l’opportunité d’autoriser les exportations de brut s’est intensifié depuis que la production de pétrole a fortement augmenté, les compagnies pétrolières étant convaincues que cette levée les inciterait à produire plus. Finalement, le 14 décembre 2015, un "paquet omnibus" bipartisan du Congrès américain a fini par lever cette interdiction.
Révolution technologique
Cependant, pour obtenir de la part des Démocrates ce changement historique, les Républicains ont dû accepter que les énergies renouvelables, y compris le bioéthanol, continuent à bénéficier d’avantages fiscaux qui s’élèveraient à 80 milliards $. De part et d’autre cet accord a été critiqué pour les concessions faites. Toujours est-il que ce n’est évidemment pas par hasard que cette longue bataille a eu lieu et qu’il y a fort à parier que la production de pétrole aux Etats-Unis continuera à croître.
Mais quelle est la raison fondamentale de cette transition pétrolière et gazière? C’est la révolution technologique. Les ingénieurs pétroliers n’étant pas plus idiots que les ingénieurs de tous les autres domaines, des progrès gigantesques ont permis de créer une nouvelle ère de l’abondance énergétique.
Avec 503 millions de tonnes équivalent pétrole (Mtep), la production de pétrole a presque doublé aux Etats-Unis entre 2007 et 2015.
Par exemple, une analyse récente réalisée par IHS en matière de progrès dans les forages et complétion des puits montre que le forage horizontal dans la roche-mère est passé en moyenne de 840 m en 2006 à 2390 m en 2015; pendant la même période, la vitesse de forage est passée de 98 m par jour à 276 m par jour. Tout cela influe fortement sur la productivité des puits et in fine sur la rentabilité économique des opérations.
Certes le nombre de plateforme de forage en opération a chuté sensiblement, mais cela est le propre de cette industrie cyclique: le marché est saturé et les investisseurs cessent de forer. Toutefois, les puits qui étaient déjà en opération continuent à fournir des hydrocarbures bon marché, le "lifting cost" n’étant pas influencé par les événements extérieurs.
La transition pétrolière et gazière des États-Unis est une réalité si forte que la géopolitique de l’énergie s’en trouve complètement chamboulée au point que le chaos qui règne dans tous le Moyen-Orient est un non-événement pétrolier. Qui l’aurait imaginé il y a 10 ans?
En conclusion nous constatons que les Etats-Unis, en ridiculisant la théorie fumeuse du pic de pétrole, misent à fond sur les hydrocarbures, et que les conséquences pour les industries américaines pétrolières, chimiques et manufacturières continuent à être bénéfiques.
Par Samuele Furfari, Maître de Conférences à l'ULB *
* L’auteur s’exprime à titre personnel
Les plus lus
- 1 Gouvernement wallon: la note de Pierre-Yves Jeholet prônant un contrôle plus serré des chômeurs est validée
- 2 Les Belges parmi les ménages les plus riches d'Europe avec 555.000 euros en moyenne
- 3 Exclusion bancaire de Mons, Liège et Charleroi: il reste un mois pour trouver 233 millions d'euros
- 4 La Cour pénale internationale émet un mandat d'arrêt contre Benjamin Netanyahou
- 5 Une banane scotchée achetée 6,2 millions de dollars par un entrepreneur crypto