Départ de Guillaume Boutin: la malédiction Proximus

Le CEO de Proximus abandonne le navire au moment où il aurait pu démontrer sa capacité à s'affranchir du politique tout en résistant à une nouvelle concurrence agressive. Une occasion manquée.

Guillaume Boutin démissionne de son poste au moment où un nouveau gouvernement, composé de certains partis très critiques à son égard, entre en selle. L'image est marquante.

Cette coïncidence de dates n'explique pas à elle seule le départ du CEO de Proximus, qui assure d'ailleurs être guidé par une simple question d'opportunité professionnelle. Mais personne ne peut ignorer les pressions exercées par certains partis politiques à l'égard de Guillaume Boutin. Mitraillé par la N-VA, torpillé par le président du MR, le patron de Proximus a été contraint de venir s'expliquer devant le Parlement.

Publicité

Les considérations politiques ? Très peu pour lui.

La ligne de défense de l'ex-CEO a toujours été la même : il pilote un opérateur télécom actif sur un marché concurrentiel et engagé dans une transformation profonde. Les considérations politiques ? Très peu pour lui. "Je sais ce que je fais", lance-t-il crânement à la sortie de son audition.

Certes, Guillaume Boutin avait une stratégie, axée notamment sur le développement des activités internationales. Le cap était clair. Son erreur est d'être resté sourd aux critiques et, surtout, d'estimer que le job du patron de Proximus peut s'affranchir de l'avis des politiques qui - quoi qu'il en pense - continuent de peser sur l'entreprise publique.

L'ex-CEO aurait dû jeter un œil dans le rétroviseur pour se rendre compte que cet aveuglement avait déjà participé à la chute de deux de ses prédécesseurs : Didier Bellens, tombé pour avoir défié son actionnaire majoritaire, l'État, et Dominique Leroy, fragilisée par un plan de restructuration mal préparé qui l'avait conduite à être convoquée par le Premier ministre de l'époque.

Le poste de CEO de Proximus est une véritable malédiction. Son occupant est continuellement pris en étau entre la nécessité de performer pour plaire, d'une part, à son actionnaire principal, avide de dividendes, et, d'autre part, au marché, soucieux de voir l'opérateur tirer son épingle du jeu dans un marché des télécoms où les investissements sont lourds et la concurrence de plus en plus forte.

Publicité

Guillaume Boutin aurait pu démontrer sa capacité à faire face à cet environnement complexe et à résister à l'arrivée du quatrième opérateur, Digi, que le politique lui a mis consciemment dans les pattes pour stimuler la concurrence. L'ex-CEO de Proximus a préféré fuir devant ce challenge. C'est une occasion manquée.

Publicité
Sir Robin Niblett, spécialiste des relations internationales, membre de "Chatham House".
Robin Niblett: "Une guerre avec la Russie n'est pas impossible"
Face à l'agressivité de la Russie et au désintérêt des États-Unis pour l'Europe, il est temps pour les Européens "de grandir", affirme Robin Niblett, lors d'une interview à L'Echo.
Messages sponsorisés