Faut-il détruire Facebook ?

Rédacteur en chef

Comme Caton l’Ancien appelait la destruction de Carthage voici plus de deux mille ans, des voix et non des moindres - Elon Musk a rejoint le mouvement ce vendredi - réclament aujourd’hui la disparition de Facebook.

Le mouvement (#deleteFacebook) est né du scandale (révélé par le New York Times et The Observer) Cambridge Analytica, une société d’analyse qui a utilisé les données du géant américain pour servir la campagne de Donald Trump.

Faut-il donc détruire Facebook?

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Le réseau social est, comme son nom l’indique, un lieu de rencontres et d’échanges entre personnes a priori consentantes. Telle est évidemment la partie émergée de l’iceberg. Le modèle commercial constitue le morceau immergé – le plus gros.

Sur Facebook, l’ "ami" n’est qu’un consommateur de biens et d’idées épié et disséqué par des algorithmes ; ses envies, ses besoins, ses convictions sont brassées jusqu’à lui être resservies pour transformer ses doutes éventuels en certitudes commerciales ou électorales. Le paradoxe est que la plupart des gens ne l’ignorent pas et s’y complaisent. L’homme préfère souvent croire plutôt que savoir, se contenter de prémâché plutôt que chercher à comprendre...

Détruire Facebook ne conduira en quelque sorte qu’à l’émergence de nouveaux Facebook.

Si l’histoire s’arrêtait à une simple exploitation commerciale d’habitudes ou de préférences, le mal serait limité. Les bornes économiques ont cependant été dépassées depuis longtemps, faisant de Facebook un instrument de recrutement idéologique pour extrémistes en tous genres. Pointé, interpellé, le réseau a commencé à agir sur ce terrain dangereux.

Reste l’immense réservoir de données que constituent les milliards d’échanges sur le carrefour virtuel. Facebook connaît certains de ses utilisateurs mieux qu’ils ne se connaissent eux-mêmes. Une puissance qui, manipulée par des esprits malveillants, peut conduire à des perturbations, sinon des bouleversements d’ampleur. Le scandale Cambridge Analytica apparaît de plus en plus comme l’illustration de cette dérive.

Aux grands maux, les grands remèdes ? Détruire Facebook ? Si Caton avait fait de sa sentence (il faut détruire Carthage) un leitmotiv jusqu’à obtenir raison – la ville, ennemie de Rome, fut détruite… - de nombreuses Carthage surgirent ailleurs. Et Rome finit elle-même par sombrer. Détruire Facebook ne conduira en quelque sorte qu’à l’émergence de nouveaux Facebook. Différents mais tout aussi vulnérables et donc dangereux. C’est cette vulnérabilité qui doit surtout être attaquée par une régulation adaptée. Comme la vulnérabilité humaine doit l’être par une éducation plus fine et plus appropriée à la jungle idéologique que peuvent être les réseaux sociaux.

Bref, détruire le contenant ne suffira pas à sublimer le contenu. Ou détruire Facebook, peut-être, élever les idées, certainement.

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