Le droit et l'adhésion
La Catalogne a déclaré vendredi l’indépendance, prétendant rompre les ponts – rompre ses liens – avec le royaume d’Espagne. Dans une frénésie révolutionnaire, une courte majorité des députés de la Communauté autonome a fait fi de la Constitution du pays, et annoncé l’ouverture du processus de constitution de la "république".
C’est insupportable. L’État de droit est inaliénable, et les Européens, qui sortent de siècles de guerres sanglantes, doivent le savoir mieux que personne. En prétendant s’affranchir du droit, la région s’est murée dans une impasse.
Par cette sédition, qui tombe moins d’un mois après un référendum illégal violemment réprimé par la police espagnole, la Catalogne a fait le choix de porter l’escalade à son paroxysme. Avec la complicité de Madrid: dans la foulée de la déclaration d’indépendance, les sénateurs espagnols ont approuvé la mise sous tutelle de la région.
"Une démocratie mature doit fonder sa légitimité sur l’adhésion des entités qui la composent."
Madrid est dans son droit, Barcelone est dans son tort. En faisant ce constat, il ne faut pas détourner les yeux du message catastrophique qu’envoie le gouvernement Rajoy par sa gestion de cette crise. En refusant ces dernières années de prêter l’oreille aux doléances catalanes, le gouvernement espagnol a apporté son mortier au mur face auquel se trouve aujourd’hui la Catalogne. Et la mise sous tutelle d’une région – une "nation" – qui se bat depuis des décennies pour plus d’autonomie et depuis quelques années pour l’indépendance est indigne d’une démocratie européenne.
Dans sa dernière allocution, le roi d’Espagne, Felipe VI, a reproché au gouvernement indépendantiste catalan une "déloyauté inadmissible". Être loyal, c’est choisir, librement, de faire honneur à ses engagements. Mais demander à des millions de Catalans de respecter un cadre qu’ils n’acceptent plus depuis longtemps sans leur donner la perspective d’un dialogue pour le faire évoluer, c’est leur demander d’accepter un lien de vassalité. Et cela aussi, c’est insupportable.
L’Europe, qui ne connaît que des Etats, ne peut défendre les Catalans. Le pourrait-elle qu’elle ne le voudrait pas. L’Union fragilisée, très loin des États-Unis d’Europe que rêvaient ses fondateurs, ne peut se permettre le démantèlement anarchique de ses États nations. Et l’Union, qui cherche la convergence, n’a rien à céder aux régions les plus riches, poussées par l’avarice à s’affranchir de l’indispensable solidarité nationale.
Pourtant, l’Europe doit défendre la démocratie. Et une démocratie mature doit fonder sa légitimité sur l’adhésion des entités qui la composent. L’adhésion passe par le dialogue, c’est-à-dire l’écoute réciproque. Madrid et Barcelone ne comprennent pas cela. Et l’Europe risquerait gros à laisser l’Espagne et la Catalogne continuer de maintenir le couvercle de la casserole fermée en attendant de voir si l’autre éteindra le feu qui la couve.
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