L’été dernier, en pleine crise du coronavirus, AB InBev a dévoilé la Victoria, une nouvelle bière blonde, dotée d’un taux d’alcool de 8,5% et refermentée en bouteille. Cette décision témoigne de l’audace du groupe en cette période de fermeture des établissements horeca. “Nous y avons beaucoup réfléchi, car une nouvelle bière ne se lance pas d’un claquement de doigts.”
Pourquoi AB InBev a-t-il pris la décision audacieuse de lancer une nouvelle bière en cette période de crise sanitaire?
Olivier De Pooter (Senior Branch Manager Specialties chez AB InBev): “Nous avons estimé que c’était le bon moment. Notre nouvelle bière était au point pour tout ce qui touchait au goût et aux techniques de production, et le marché belge était prêt. Elle répond à deux tendances claires que nous avons identifiées depuis longtemps. D’une part, l’augmentation de la demande de bières premium, en particulier de bières blondes fortes. Ces dernières années, nos ventes de Tripel Karmeliet ont par exemple affiché une croissance à deux chiffres. Les amateurs de bière sont en quête d’expériences de dégustation uniques. D’autre part, de plus en plus de consommateurs se préoccupent des ingrédients qui entrent dans la fabrication de leurs aliments et de leurs boissons.”
En quoi la Victoria répond-elle à la demande croissance de bières aussi naturelles que possible?
Wouter Gys (Innovation Manager chez AB InBev): “Eau, céréales, houblon et levure… Les principaux ingrédients des bières sont d’origine naturelle. Plusieurs techniques d’amélioration ont été mises au point ces 40 dernières années, cependant, comme l’extraction de molécules du houblon pour améliorer la stabilité de la mousse, ainsi que des processus pour éviter que le goût de la bière ne se détériore sous l’effet du soleil et de la lumière. Avec la Victoria, nous sommes revenus au processus de brassage traditionnel, avec 100% d’ingrédients naturels.”
Quels sont ces ingrédients?
Wouter Gys: “Nous utilisons trois sortes de houblon, dont une variété datant de 700 ans – le Saaz – et un houblon anglais, le Fuggle, qui remonte au XIXe siècle. Par ailleurs, nous employons de l’orge, du riz, de la levure, et bien entendu de l’eau. Ce fut un vrai défi de fabriquer une bière très alcoolisée comme la Victoria tout en lui gardant sa souplesse et en évitant tout arrière-goût amer. En intégrant du riz dans le processus de brassage, nous obtenons à la fois une belle couleur claire et une fin de bouche fraîche.”
“Avec la Victoria, nous sommes revenus au processus de brassage traditionnel.”
Le marketing de la Victoria n’est pas passé inaperçu. Sur l’étiquette, on voit un ange terrassant le diable. Cette nouvelle bière souhaite-t-elle régler son compte à la concurrence?
Olivier De Pooter: “La Victoria se situe dans la même catégorie que d’autres bières blondes fortes bien connues. Nous avons choisi cette image parce que la Victoria rend hommage à Bruxelles et au secteur de l’horeca. L’étiquette arbore l’archange saint Michel, le protecteur de notre capitale. On retrouve son effigie partout en ville. C’est donc aussi un hommage à l’histoire de notre horeca.”
N’est-il pas compliqué de faire découvrir une nouvelle bière par les consommateurs alors que les établissements horeca sont fermés?
“De plus en plus de consommateurs exigent des ingrédients 100% naturels.”
Olivier De Pooter: “Cela exige en effet une stratégie claire vis-à-vis du consommateur final. Nous avons misé sur les disponibilités à la fois psychologique et physique de la Victoria. Pour sa disponibilité physique, nous avons développé une stratégie précise: nous distribuons la bière par l’intermédiaire de plusieurs canaux, dans les supermarchés mais aussi en ligne, par exemple via notre nouveau webshop – il est très facile aujourd’hui de trouver la Victoria. Quant au côté psychologique, nous le couvrons en informant les consommateurs de l’existence d’une nouvelle bière. Nous avons lancé une campagne unique, avec une publicité qui fait appel à l’imagination: un ange féminin entre dans un café rempli de démons et commande une Victoria avec conviction.”
Comptez-vous commercialiser la Victoria à l’étranger?
Olivier De Pooter: “Cette année, nous nous concentrons sur la Belgique, où les consommateurs souhaitent qu’on leur propose un large assortiment de bières blondes fortes. Nous verrons ensuite quels sont les marchés potentiels pour notre nouvelle bière. Les études sont en cours. Nous ne lançons une nouvelle bière que lorsque le marché local est totalement prêt à l’accueillir.”