L’Hôtel Solvay, maison de lumière, dévoile sa façade
L’Hôtel Solvay, vaisseau-amiral des maisons Art nouveau bruxelloises, fait peau neuve avec sa façade restaurée, par la volonté de la famille Wittamer.
En 1894, Armand Solvay, fils d’Ernest, confie à Victor Horta sa maison familiale, sise au 224, avenue Louise, à Bruxelles. Au terme de neuf ans de travaux, elle est achevée en 1902. En 1957, Louis Wittamer et son épouse Berthe De Camps, cherchant des volumes aérés pour les ateliers de couture de la célèbre maison, rachètent l’hôtel, en déshérence depuis 1945 et menacé de démolition.
Malgré une opinion défavorable, ils le préservent. En ce 2 octobre, 67 ans plus tard, leur petit-fils Alexandre, PDG de Taxshelter.be, et son épouse française Victoire, recevaient les protagonistes de la nouvelle campagne de restauration (toiture et façade), le bourgmestre Philippe Close (PS), Oriol Freixa Matalonga, représentant de l’Unesco auprès de l’Union européenne, l’architecte Barbara Van der Wee, Pierre Bernard, expert Patrimoine chez Urban Brussels, Jimmy Jamar pour le partenaire Europa Nostra, première organisation européenne de préservation du patrimoine.
Sur le trottoir de l’avenue Louise, libéré de voitures à cet effet, au pied de la façade rénovée, un ciel limpide offrait une vision rare de cette maison de lumière.
Sur le trottoir de l’avenue Louise, libéré de voitures à cet effet, au pied de la façade rénovée, un ciel limpide offrait une vision rare de cette maison de lumière. La pierre bleue du rez-de-chaussée et la pierre blanche au-dessus, les fenêtres monumentales du bel étage, hautes de 4,35 mètres, celles du 2e étage, qui abritaient, à droite, le bureau d’Armand Solvay, le bâtisseur de la maison, au centre, le bureau de Fanny, son épouse, et, à gauche, leur chambre. Les châssis en chêne français donnent à cette façade incurvée, rythmée par les loggias des bow-windows, un envol et une envergure rares.
Sauvegarde
Le bourgmestre Close souligne que la sauvegarde des édifices historiques était l’une des priorités constitutives de la Région. Alexandre Wittamer s’amuse: «De prime abord, l'administration communale refusa à Horta le permis, à cause du bow-window bloquant la vue latérale des voisins… Restaurer, c’est retourner à l'origine», précise-t-il. «Ingénieurs, urbanistes et architectes visent un délicat équilibre entre conserver et assurer l’avenir. Du fait du génie d'Horta, la maison parle d’elle-même...»
Alexandre Wittamer poursuit: «Les gaines techniques amovibles, tels des Legos en bois, permettent l’accès aux tuyaux. Le chauffage produit par des turbines à vapeur d'eau était obsolète, mais les radiateurs en fonte originels, beaux et fonctionnels, ont été reconditionnés et la verrière a retrouvé ses dimensions de vitrages initiales. Les écuries seront la prochaine étape, 350 m2 en fond de terrain, côté rue Lens, où le rez-de-chaussée abritera une boutique et un café».
L’audace de Solvay
Dominique de Thibault, conservatrice de l’Hôtel Solvay, raconte le fil des événements: «En 1894, Horta convainc Armand Solvay, un homme qui ‘chassait de race’, écrit-il dans ses mémoires — autrement dit, digne de son père Ernest, qui lui a cédé les rênes du groupe le 31 mai. Le 16 juin, Armand se marie. Le 20 juin, il convie Horta sur ce terrain qu'il s'apprête à acheter, avenue Louise, achat conclu le 25. Horta dira: Armand Solvay a eu l'audace de me choisir, pour ce qui ne serait ‘pas un immeuble de bon aloi’. La cuisine est au rez-de-chaussée, et non à l’entresol, car les Solvay, en libéraux-progressistes (parti apparu en 1887, deux ans après le Parti socialiste, NDLR), aiment recevoir…»
Architecture révolutionnaire
«La restauration structurelle, menée par Urban Brussels, épaulée par l'Irpa», insiste Dominique de Thibault, «a permis de comprendre l’ossature métallique, une architecture révolutionnaire. Fin XIXe, le Parisien Hector Guimard s’en inspire pour son Castel Béranger et ses bouches de métro. Ayant découvert le potentiel du métal au Palais Royal à Laeken, Horta conçoit une structure sans murs porteurs, libérant les volumes du bel étage, percés de fenêtres de 4,35 mètres, du sol au plafond, inédites à l'époque. C’est aussi la première construction de Belgique intégrant l’électricité, où la nature entre dans la maison, avec les éléments de décor. L'organisation spatiale est fluide, influencée par le japonisme, en pièces modulables avec portes coulissantes.»
"La restauration structurelle permis de comprendre l’ossature métallique, une architecture révolutionnaire."
Pierre Bernard, d’Urban Brussels, et l’architecte Barbara Van der Wee, ayant travaillé sur quantité d'immeubles similaires, connaissant Horta et ses habitudes, ont orchestré cette campagne, menée en 2023 et 2024, financée par la Région de Bruxelles-Capitale à hauteur d’1,5 million €, taux de subvention exceptionnel de 80%, pour cet hôtel-musée ouvert au public. Inscrit le 25 novembre 2000 au Patrimoine mondial de l’UNESCO, l’Hôtel Solvay, a accueilli, depuis sa réouverture en 2021, plus de 100.000 visiteurs.
Art Nouveau
Hôtel Solvay
Architecte: Victor Horta
Inauguré en 1903 et classé en 1977, 1999 et 2012
Inscrit sur la liste du Patrimoine mondial de l’Unesco depuis le 2 décembre 2000
> Visites guidées sur rendez-vous (18,00 - 13,00 euros)
Adresse: 224, avenue Louise - 1000 Bruxelles
Note de L'Echo:
L’Hôtel van Eetvelde, création Horta, abrite le Laboratoire et Centre d’interprétation de l’Art nouveau. Le Musée Victor Horta, ancienne maison et atelier de l’architecte Victor Horta, présente des expositions temporaires. Le Centre Belge de la Bande Dessinée est situé dans d’anciens magasins Horta du grossiste textile Charles Waucquez.
Le mobilier Horta du magasin et atelier du joailler Philippe Wolfers est reconstitué à l’identique dans le Musée Art & Histoire. Le Musée des Instruments de Musique (MIM) de Bruxelles est installé dans les anciens magasins Art nouveau d’Old England, créés par Paul Santenoy. Le Brussels Art Nouveau & Art Déco (BANAD) Festival, les week-ends de mars, met en valeur ce patrimoine.
La Maison Cauchie, habitation et atelier du couple d’artistes-décorateurs Paul Cauchie et Caroline Voet, à été conçue en 1905. L’Hôtel Tassel fut l’un des premiers de style Horta et la Maison Autrique, commandée par Eugène Autrique, le premier construit par Horta. La Maison Hannon, réalisée par Jules Brunfaut pour Édouard Hannon et Marie Debard, a été rouverte en juin 2023. Enfin, la Maison Frison, seconde réalisation d'Horta, en contrebas du Sablon, se visite avec sa propriétaire, qui y habite.
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