Hopstreet Gallery expose les fossiles de la société de consommation
Gratifiée récemment d'une sculpture monumentale au Coq, la sculptrice finnoise Sara Bjarland s'offre un 4e show à la Hopstreet Gallery, valeur sûre du Rivoli, à Bruxelles. Une réflexion poétique sur les déchets que nous produisons à l'infini.
Il y a rarement des fautes de goût dans les accrochages de la galerie Hopstreet qui achève le parcours d'exposants du Rivoli, ancienne galerie marchande de la Bascule, à Ixelles, transformée en antre de l'art accessible mais de qualité. Les galeristes, Pascal Lambrecht et Marie-Paule Grusenmeyer, sont à l'image de leur espace blanc immaculé, avec une justesse et une sobriété toutes flamandes, le cheveu légèrement gominé vers l'arrière pour lui, la mèche blanche parfaitement ourlée pour elle.
Mais derrière cet apparent contrôle, cette légère réserve dont ils ne se départissent guère, on les sent animés par une passion au long cours. Passion pour les œuvres qu'ils exposent, passion pour leurs artistes qu'ils suivent dans le temps.
Dix années pour la Finnoise vivant à Amsterdam Sara Bjarland, depuis qu'ils l'ont repérée, en 2014, à la Fiac de Paris (devenue Art Basel Paris), alors qu'elle faisait ses premiers pas après ses études au RITCS, l'école des arts de Gand. Ils se sont tout de suite trouvés, ne fût-ce que dans la manière de concevoir un accrochage, dont on perçoit immédiatement la vision architecturale, que l'on entre par la grande porte, à front de rue, ou par l'intérieur du Rivoli. "Nous partageons cet intérêt pour la scénographie", confirme Pascal, tandis que Sara précise: "Je prépare de petites maquettes de l'exposition pour bien m'assurer que le visiteur puisse ensuite découvrir les pièces de loin et, en se rapprochant, les voir tout autrement".
"Je prépare de petites maquettes de l'exposition pour bien m'assurer que le visiteur puisse découvrir les pièces de loin et, en se rapprochant, les voir tout autrement."
De loin, on peut voir, éparpillés au sol, des flexibles qui semblent avoir fait partie d'un système de climatisation, avant de constater que le plâtre dont elle les a remplis les transforme en sculptures abstraites, ouvrant des anfractuosités dans le sol de la galerie. De loin, on peut voir des déchets de chantier en béton armé, et, de près, leur réseau d'acier se prolonger en élégantes branches de bronze. Un simple filet en plastic rouge, qui a dû contenir des oranges, se déplie dans son cadre blanc et révèle un dégradé de couleurs des plus esthétiques dans le rythme de son tressage...
"Quand je suis arrivée aux Pays-Bas, j'ai été impressionnée par les encombrants que les Hollandais pouvaient entreposer chaque semaine au coin de la rue", explique Sara Bjarland. "L'envers de notre société de consommation! Ce que les gens jettent dans la rue révèle la manière dont ils vivent. Je récupère ces détritus, ou des plantes entre la vie et la mort, s'ils ont le potentiel de révéler de nouvelles significations. Je les ramène à mon atelier, près d'Amsterdam. Ensuite, il me faut du temps pour créer un dialogue avec ces matériaux, les ressentir et entrevoir quelle nouvelle forme ils pourraient prendre."
Arte povera
Dans la lignée de l'arte povera – on croit parfois reconnaître un Giuseppe Penone dans une branche d'arbre qui se transforme en sculpture en bronze –, l'artiste force la réflexion sur "la grande marée noire de déchets que produit notre société de consommation (...), objets peu résistants en matériaux pauvres, jetés aussitôt consommés (...), et nous les donne à voir autrement", écrit à son propos l'artiste, auteur et curateur François de Coninck. "Et c'est précisément ce que nous pouvons attendre de l'art: qu'il soit avant tout créateur de regard".
"J'aime cette idée de passage entre quelque chose d'extrêmement fragile à des objets qui dureraient pour toujours."
C'est même une émotion particulière qui se dégage de ces "fossiles de notre société de consommation", comme Sara Bjarland les décrit elle-même: la sensation que cet immense et inutile amoncellement retournera bientôt au néant et qu'il ne subsistera de notre passage sur Terre que ces étranges et poétiques vestiges. "On laisse des traces dont on n'a pas conscience: c'est ce que je veux montrer", dit-elle, avant de conclure: "Le bronze que j'utilise a lui-même une patine organique. J'aime cette idée de passage entre quelque chose d'extrêmement fragile à des objets qui dureraient pour toujours."
GALERIES
"Shedding Skin"
Par Sara Bjaland, sculptrice
Jusqu'au 21 décembre 2024
Note de L'Echo:
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