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Droits de douane à 20%: Donald Trump pourrait-il nuire aux entreprises belges?

Suite à l'élection de Donald Trump, les droits de douane sur les produits belges exportés aux États-Unis pourraient bientôt augmenter. ©REUTERS

Durant sa campagne, Donald Trump a évoqué la mise sur pied d'une "taxe universelle" de 10% à 20% sur tous les produits importés aux États-Unis. Les exportateurs belges sont-ils inquiets?

Vainqueur des dernières élections US, Donald Trump pourrait mettre en place une série de mesures protectionnistes visant à donner la priorité à la production sur le sol américain. Il a évoqué à plusieurs reprises une "taxe universelle" de 10% à 20% sur les produits importés aux États-Unis, taxe qui pourrait même aller jusqu'à 60% sur les produits chinois. Les droits de douane sur les produits belges exportés aux États-Unis pourraient bientôt augmenter.

Yves Verschueren (essenscia): "Les États-Unis reprennent le contrôle de leur industrie, Trump poursuit cette tendance"

"Il faut d'abord rappeler que les USA sont le premier partenaire de la Belgique dans la chimie-pharma, explique Yves Verschueren, administrateur délégué d'essenscia, la fédération du secteur chimique et des sciences de la vie. Ils ont détrôné l'Allemagne il y a déjà plusieurs années, tant en terme d'importations que d'exportations. C'est donc un partenaire primordial pour la Belgique et les entreprises belges, comme UCB, qui connait un succès phénoménal aux USA. À l'inverse, beaucoup de grands noms américains comme Pfizer ou J&J sont présents chez nous."

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"Ceci étant, l'élection de Donald Trump s'inscrit dans une logique existante qui va se confirmer et s'accélérer. On a connu 20 à 25 ans de libéralisation à outrance des marchés mondiaux. Or depuis quelques années, cette réalité a changé. C'était déjà le cas avec la Russie - qui nous livrait du gaz, ce qui est terminé - et la Chine, avec laquelle tout le monde appelle à une révision des liens à cause des surcapacités et du dumping. Et c'était déjà vrai également avec les USA, qui veulent depuis un certain temps reprendre en main la destinée et le contrôle de leur industrie."

"Ce que l'on voit aujourd'hui, c'est donc la continuation d'une tendance que l'on observe depuis un certain  temps. À l'Europe maintenant de prendre les choses en main et de déterminer une stratégie industrielle volontariste et plus vigilante, notamment sur les prix de l'énergie. Les relations commerciales vont devoir être repensées. Mais ce n'est pas pour autant que le commerce avec les USA va s'arrêter. Cela, je ne le pense pas du tout."

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Kevin Verbelen (Agoria): "300.000 emplois européens seraient menacés si Trump appliquait ces tarifs douaniers"

"Il va falloir voir qui va endosser le rôle de responsable du commerce dans l'administration Trump, si le focus sera d'abord sur la Chine ou sur l'Europe", pointe Kevin Verbelen, expert senior en commerce international pour la fédération des entreprises technologiques Agoria.

"Il est clair que dans les prochaines semaines et les prochains mois, les entreprises américaines vont faire des stocks, que les entreprises qui exportent vers les USA vont chercher des sous-traitants sur place ou transférer une partie de leur production là-bas."

Kevin Verbelen
Agoria

"Ceci dit, ce type de tarifs douaniers a déjà été appliqué lors du premier mandat de Trump, donc ce n'est pas impensable qu'il le fasse à nouveau. Nous n'avons pas encore pu chiffrer l'impact sur la Belgique, mais il est clair que cela provoquera des effets importants. En dehors de l'Union européenne, les États-Unis restent notre premier partenaire commercial. La fédération danoise de l'industrie a estimé que 300.000 emplois dans l'ensemble de l'Union européenne seraient menacés si Trump appliquait cette mesure de tarifs douaniers", analyse-t-il encore.

"Il est clair que dans les prochaines semaines et les prochains mois, les entreprises américaines vont faire des stocks, que les entreprises qui exportent vers les USA vont chercher des sous-traitants sur place ou transférer une partie de leur production là-bas. Ils vont aussi potentiellement souscrire à des produits d'assurance contre ce genre de mesure", avance Kevin Verbelen, qui souligne aussi que la politique protectionniste de Trump va s'inscrire sur le temps long.

Alimentation: un impact limité

Du côté de l'industrie alimentaire belge, la Fevia, la fédération du secteur, estime qu'il est trop tôt pour commenter l'impact d'une hausse des droits de douanes sur les produits européens telle qu'annoncée par Donald Trump, bien qu'une telle augmentation des tarifs douaniers ne soit, évidemment, jamais une bonne nouvelle. Selon ses chiffres, les exportations vers les États-Unis représentent encore une part limitée des exportations totales, même s'ils restent de loin la première destination lointaine et que la croissance des exportations y a été relativement importante en 2023 (+15,2 %).

Sur un chiffre affaires de 80,7 milliards en 2023, les membres de la Fevia ont exporté pour 38,3 milliards, soit 47%. Sur ces 47%, 17% ont été réalisés via la grande exportation dans des pays éloignés comme les États-Unis. Ces derniers représentent ainsi 2,2% du total des exportations, soit un chiffre d'affaires de 840 millions d'euros. Les produits les plus exportés vers les USA sont les préparations de légumes et de fruits, le chocolat, et les préparations à base de céréales, comme les biscuits.

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Brasseurs: AB Inbev a pris les devants en s'installant aux USA

La bière ne figure étonnamment pas dans ce top 3. L'explication vient notamment du géant belgo-brésilien AB InBev qui a décidé en 2021 de ne plus brasser ses marques phares, Stella Artois et Hoegaarden, sur le seul territoire belge, mais également aux États-Unis, ceci pour des raisons économiques et environnementales. Avec le recul, le numéro un mondial de la bière doit se féliciter de cette décision de produire davantage aux États-Unis, ce qui lui permet d'échapper à ces futurs droits de douane.

Yves Delatte (Sonaca): "J'espère qu'on évitera une escalade sur les droits de douane"

Le groupe aéronautique wallon réalise environ 40% de son chiffre d'affaires aux États-Unis. Malgré cette forte exposition, Yves Delatte, CEO de Sonaca, n'exprime pas de craintes particulières et rappelle que "dans les milieux économiques américains, Trump n'est pas vécu comme une menace", et que les composants de Sonaca destinés au marché américain sont produits sur place et ne seront donc pas touchés par les droits de douane - il en va de même pour les composants destinés au marché européen, produits en Europe.

"Nos décideurs vont devoir agir pour faire émerger une véritable industrie européenne de la défense."

Yves Delatte
CEO de Sonaca

"Il faut tout d'abord reconnaître un acte démocratique, et respecter la victoire de Donald Trump. Ensuite, il faut prendre conscience que Trump a des considérations centrées sur les États-Unis. L'Europe fait en réalité face à la nécessité vitale de développer son autonomie stratégique. J'espère un sursaut européen, pas une guerre économique ou une escalade sur les droits de douane. Seul un réveil permettra d'assurer un futur positif, protecteur, et créateur de valeur."

"Nos décideurs vont devoir agir pour faire émerger une véritable industrie européenne de la défense, ajoute Yves Delatte. La Belgique, par exemple, devrait intensifier sa participation dans le programme Scaf (le programme européen d'avion de nouvelle génération au sein duquel la Belgique à un statut d'observateur, NDLR) qui aujourd'hui n'est pas vraiment une réussite, et dont il faut accélérer le développement."

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Étienne Pourbaix (Skywin): "Ce sera 10%, 15%, ou plus? Trump est très peu lisible"

Le directeur du pôle wallon de compétitivité aéronautique et spatial Skywin est dubitatif: "On verra bien ce que Donald Trump fera concrètement concernant les droits de douane, avance Etienne Pourbaix. Est-ce que ce sera 10%, 15%, plus? Trump est très peu lisible. Ses décisions pourraient être pires, mais aussi moindres que ce qu'il a annoncé. On a l'impression que même dans sa tête, les choses peuvent changer du jour au lendemain. Par ailleurs, le dollar qui monte, ce n'est jamais une très bonne nouvelle pour le secteur aérien européen, parce que dans le secteur, tout se passe en dollar au niveau des ventes, en ce compris des sous-traitances."

Bernard Delvaux (Etex): "Il faudra être attentif aux mesures de rétorsion"

"Il peut y avoir un écart entre ce que Donald Trump dit aujourd'hui et ce qu'il mettra effectivement en place", pointe Bernard Delvaux, CEO de la multinationale belge de matériaux de construction Etex, qui nous explique avoir une activité limitée aux États-Unis avec peu d'imports sur le territoire. "L'impact serait vraiment minime", avance le CEO.

"Le mouvement dans lequel nous sommes déjà n'a pas attendu Trump: il est à l'oeuvre depuis plusieurs années."

Bernard Delvaux
CEO d'Etex

"Mais de telles mesures pourraient avoir des répercussions sur une série de flux qui pourraient se reconfigurer. S'il y a moins d'imports de produits asiatiques aux USA, ces produits pourraient trouver des débouchés sur des marchés où nous sommes actifs", analyse le capitaine d'industrie.

"Il faudra aussi être attentif à des possibles mesure de rétorsion." Faut-il parler de guerre commerciale? "Ça dépend de comment on la définit. En tout cas, le mouvement dans lequel nous sommes déjà n'a pas attendu Trump: il est à l'oeuvre depuis plusieurs années. Il me semble que la réponse à cette tendance, c'est une Europe avec des plus grandes ambitions sur le plan de la défense ou de l'industrie, par exemple."

Ilham Kadri (Syensqo): "Nous continuerons à investir aux États-Unis"

Interrogée mardi à l'occasion des résultats trimestriels de Syensqo, Ilham Kadri a estimé que le risque politique aux États-Unis serait peu présent pour sa société. "Peu de gens s'en rendent compte, mais les États-Unis sont notre principal marché au monde, avec des coûts d'énergie très attractifs, a-t-elle rappelé, indiquant suivre la campagne avec intérêt. Nous continuerons à y investir, comme depuis des décennies. Nous y produisons localement pour y vendre localement, ce qui correspond à la politique des deux partis."

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Umicore: "Pas de spéculations sur les droits de douane"

La question du développement d'une filière de batteries sera essentielle pour deux projets majeurs d'entreprises belges aux États-Unis. Tant Umicore que Syensqo ont mis sur pause leur construction d'usine de matériaux pour batteries en Amérique du Nord.

Ilham Kadri, qui avait réalisé les premiers coups de pelle de la nouvelle usine avec l'administration Biden, insiste que son projet est simplement retardé. Chez Umicore, le projet au Canada est aussi mis sur pause en attendant de voir si la demande prend. À ce titre, la politique de l'administration de Donald Trump en matière d'électrification des usages sera primordiale pour ces projets.

En attendant, dans son contrat avec AESC, Umicore envoie ses matériaux pour batterie en Amérique du Nord depuis la Corée. "Nous avons toujours dit que c'était temporaire", insiste Carole Jacobs, media relations manager chez Umicore. La société "ne veut pas spéculer sur des éventualités à venir" sur des droits d'importation aux États-Unis.

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François Bayrou, Premier ministre français.
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L'Élysée vient d'annoncer la composition du gouvernement de François Bayrou. Voici le casting. Deux anciens premiers ministres, Élisabeth Borne et Manuel Valls, ont été nommés ministres d'État, de même que Gérald Darmanin.