Planifier sa succession sur fond de Covid-19
Qui gérera mon patrimoine lorsque je n’en serai plus capable ou que je ne serai plus là? La crise du coronavirus a fait prendre conscience à de nombreux Belges qu’y penser suffisamment tôt n’est pas superflu.
Une bonne planification successorale, c’est obligatoirement du "sur mesure", car tous les patrimoines sont différents et il n’existe pas deux familles identiques. Malgré tout, les planifications successorales réussies ont deux points communs: elles sont en permanence ajustées à la réalité du moment et elles garantissent la tranquillité d’esprit.
La crise du coronavirus a rappelé l’importance d’être à jour. "Depuis les mesures prises par le gouvernement pour lutter contre la pandémie, nous constatons que nos clients ont davantage pris le temps de réfléchir à leur succession ou de revoir leurs plans", reconnaît Heidi Van den Eede, directrice Wealth Structuring chez Van Lanschot.
"Lorsqu’on aborde la question du pacte successoral au sein d’une famille, il faut oser mettre sur la table certaines questions sensibles."
Un facteur majeur pour atteindre cette tranquillité d’esprit, c’est de pouvoir garder le contrôle sur son patrimoine aussi longtemps que possible. Ce désir de contrôle explique la popularité croissante du mandat extrajudiciaire. A l’inverse, si bien des personne fortunées sont séduites par le pacte familial, elles finissent malgré tout par s’en écarter.
Le mandat extrajudiciaire de plus en plus populaire
Un mandat extrajudiciaire vous permet de déléguer à une ou plusieurs personnes la gestion d’une partie ou de la totalité de votre patrimoine à partir du moment où vous n’en êtes plus capable, par exemple en cas de perte de mémoire, de pathologie liée à l’âge, de maladie ou d’accident.
L’avantage d’un mandat extrajudiciaire, c’est qu’il permet d’éviter que vos proches fassent appel à un juge de paix, car si vous n’avez rien réglé, c’est lui qui nommera un gestionnaire provisoire.
Au départ, ce mandat ne pouvait porter que sur des décisions relatives à vos biens, comme le paiement de vos factures, les opérations bancaires, de gestion de votre portefeuille de titres, la perception de votre pension ou de loyers, mais aussi des transactions plus importantes comme des donations ou la vente de votre habitation.
Depuis mars 2019, le champ d’application de ces mandats a été élargi aux actes relatifs aux personnes. Vous pouvez par exemple indiquer dans quelle maison de repos vous souhaitez résider.
Un mandant extrajudiciaire n’est toutefois valable que s’il est enregistré au Registre Central des contrats de mandat, géré par la fédération des notaires. Cet enregistrement peut se faire via votre notaire ou le greffe de la justice de paix. Il doit en outre obligatoirement être établi par un notaire s’il reprend certaines dispositions concernant vos biens immobiliers, des donations ou d’autres transactions nécessitant un acte notarié. Enfin, un mandat judiciaire n’est pas définitif: il est possible de le révoquer à tout moment.
Vos biens après votre décès
Après votre décès, votre patrimoine reviendra à vos héritiers, qui pourront l’utiliser comme bon leur semble. L’idée qu’un patrimoine important se retrouve aux mains d’un enfant ou petit-enfant immature ou irréfléchi peut cependant effrayer de nombreux (grands-)parents.
L’idée qu’un patrimoine important se retrouve aux mains d’un enfant ou petit-enfant immature ou irréfléchi peut effrayer de nombreux parents et grands-parents.
Un testament permet de fixer certaines règles en la matière. Vous pouvez par exemple déléguer, au moyen d’un mandat, la gestion de votre patrimoine à un tiers - votre conjoint ou une autre personne de confiance - jusqu’à la majorité d’un héritier. "Un tel mandat permet à un jeune héritier de se familiariser progressivement avec la gestion d’un patrimoine important", explique Benoît Frin, director Estate Planning and Lending chez BNP Paribas Fortis Private Banking & Wealth Management. "Dans ce contexte, et pour aider la jeune génération, nous pouvons, dans le cadre de la transmission de l’entreprise familiale et/ou du patrimoine, proposer aux générations Y et Z des formations complètes sous forme de modules adaptés à leur situation afin qu’elles soient à même de relever les défis qui les attendent."
Assurez-vous toutefois que ce mandat soit limité dans le temps (par exemple jusqu’à ce que votre héritier atteigne l’âge de 25 ou 30 ans) et qu’il soit assorti d’un objectif légitime (protéger la personne contre toute imprudence). "Il est essentiel que ce mandat soit clairement défini", explique Heidi Van den Eede, "car faute d’un cadre légal en Belgique – contrairement par exemple aux Pays-Bas – certaines décisions peuvent facilement faire l’objet de discussions."
Les donateurs peuvent par ailleurs conserver le contrôle total ou partiel de leur patrimoine grâce à diverses clauses. Il est ainsi possible d’éviter que les biens faisant l’objet d’une donation se retrouvent dans de mauvaises mains. Une donation résiduelle permet, pour sa part, de décider à qui reviennent les biens en cas de décès du bénéficiaire du don.
Totale transparence grâce au pacte familial
Avec un "pacte familial" – officiellement un pacte successoral global – vous pouvez, avec toute la famille, vous mettre d’accord sur la manière dont les donations ou autres avantages dont vos enfants ont déjà bénéficié seront traités après votre décès. Imaginons qu’un de vos enfants ait suivi des études onéreuses à l’étranger et que vous ayez offert à votre deuxième enfant un montant de 50.000 euros à titre de compensation. Vous penserez avoir ainsi rétabli une certaine équité entre vos deux enfants. Mais en réalité, ce n’est pas le cas. Le financement des études de vos enfants ne peut être considéré comme une donation. Après votre décès, il pourrait y avoir des discussions vu qu’un seul enfant a reçu une donation. Le pacte successoral global permet de résoudre ce problème et de tirer définitivement un trait sur le passé, ce qui évitera toute contestation par la suite.
Le supplément Private Banking, ce jeudi 04/06, gratuit avec L'Echo
- Lorsque les rendez-vous à domicile ne sont plus possibles | Comment les banquiers privés entretiennent-ils le contact avec leurs clients à l’heure où tout le monde est confiné chez soi? Si les canaux digitaux s’imposent, ils ne sont pas la panacée pour autant.
- Transmission de patrimoine | Planifier sa succession suffisamment tôt n’est pas un luxe superflu.
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Dès qu’il est consigné sur papier, le pacte familial devient définitif pour toutes les parties. Dans cette optique, il vous permet de tout contrôler.
Malgré tout, les clients des banquiers privés ne sont pas très enthousiastes à l’égard de cette formule. "Cela fait partie des possibilités que nous présentons à nos clients. Et ils sont nombreux à trouver que c’est un instrument utile, mais malgré tout, ils ne sont pas emballés", souligne Heidi Van den Eede, de Van Lanschot. "Ils sont surtout effrayés par la lourdeur des formalités. Les frais jouent aussi un rôle déterminant. Il faut en effet compter au minimum 2.500 euros pour un pacte familial, en fonction de sa complexité."
Mais la principale pierre d’achoppement est la crainte de disputes au sein de la famille au cours des discussions. "La plupart des parents pensent: les relations entre nos enfants sont bonnes et nous aimerions que cela continue quand nous ne serons plus là", rapporte Heidi Van den Eede.
Même son de cloche chez BNP Paribas Fortis. Benoît Frin: "Lorsqu’on aborde la question du pacte successoral, il faut oser mettre sur la table certaines questions sensibles. Lorsqu’un accord est conclu, la répartition future des biens se fera sans problème. Mais pour cela, il faut être prêt à avaler certaines pilules amères et oser aborder et régler certains problèmes du passé."
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