Guerre en Ukraine: Washington s'impatiente face aux livraisons turques à la Russie

L'agression russe contre l'Ukraine a entraîné une explosion des exportations turques de biens à usage militaire vers la Russie et des pays de son voisinage. Elles ont diminué depuis leur pic du dernier trimestre de 2022, mais elles restent cinq fois plus élevées qu'en 2021, et elles apparaissent en forte hausse au deuxième trimestre de cette année. Si bien que Washington a envoyé cet avertissement à Ankara : si la situation ne change pas côté turc, les États-Unis agiront.

"Nous voulons voir des progrès, et rapidement, de la part des autorités et de l'industrie turques, sans quoi nous n'aurons d'autre choix que d'imposer des conséquences à ceux qui contournent nos contrôles d'exportations", indiquait mercredi dans le Financial Times Matthew Axelrod, en charge du contrôle des exportations sensibles au sein du ministère américain du Commerce.

Washington attend de la Turquie qu'elle adopte et mette en application une interdiction du transbordement vers la Russie d'articles placés sous contrôle par les États-Unis. Le haut responsable revenait d'Ankara et Istanbul, où il est allé porter le message.

Deuxième fournisseur à la Russie

Si la Turquie, comme membre de l'Otan, est un allié militaire des États-Unis, elle maintient des liens commerciaux très étroits avec la Russie. Or Washington est particulièrement contrarié par le sort d'exportations américaines comme des puces électroniques, après leur transit en Turquie. Les États-Unis interdisent l'exportation vers la Russie de ce type de biens sensibles, repris dans la liste des biens à double usage, clés pour la production et l'utilisation de systèmes militaires russes (Common high priority items list). Selon les autorités américaines, la Turquie est, après la Chine, le second fournisseur à la Russie de biens de ce type "made in USA".

Les exportations turques de biens classés sensibles vers la Russie ou des pays suspectés d'être des intermédiaires, comme l'Azerbaïdjan et le Kazakhstan, ont atteint 85 millions de dollars au premier trimestre de cette année, contre 27 millions au cours de la même période en 2022, calcule le Financial Times, sur base des données des douanes turques. Et étrangement, remarque le quotidien britannique, cette hausse des exportations turques n'a pas mené à une hausse correspondante des importations dans ces pays, ce qui semble indiquer qu'une grande partie de ces exportations disparaissent des radars, dans l'océan du "commerce fantôme" qui se développe au profit de la Russie.