Max Jadot (BNP Paribas Fortis): "Il y a une peur à retourner travailler, il faudra rassurer"
BNP Paribas Fortis est demeurée opérationnelle depuis le début de la période de confinement et s'apprête à mettre en œuvre ses plans de redémarrage. Son CEO Max Jadot est confiant, mais estime qu'il y aura un gros travail de communication à fournir pour les travailleurs.
Max Jadot n'a pas eu le temps de s'ennuyer ces dernières semaines. Le premier banquier du pays a notamment participé à l'élaboration du moratoire sur les remboursements de crédit ainsi qu'à celle du fameux plan "bazooka" de 50 milliards d'euros de prêts avec garanties publiques.
Il s'assure également du bon fonctionnement de son entreprise en parcourant le pays pour superviser le fonctionnement des call centers, essentiels en période de confinement, et des agences, au sein desquelles les employés poursuivent leur travail.
Alors que l'on s'apprête à procéder à un déconfinement progressif, le CEO de BNP Paribas Fortis se veut serein. Il estime son entreprise bien préparée et mise sur l'envie de reconnexion sociale pour relancer l'économie.
BNP Paribas Fortis était-elle prête à affronter une crise comme celle qui sévit actuellement, au vu de son organisation?
"Nous visons trois voire quatre masques par jour par personne. Un pour le déplacement du matin, un pour le déplacement du soir et un ou deux pour la journée."
Les banques constituent un secteur économique critique. Nous avons depuis longtemps des plans de "business continuity". Parmi ceux-ci, un des scénarios, un peu théorique, était une pandémie. Cela faisait partie des schémas à évaluer et à préparer. Évidemment, tout ceci était très livresque. Il n’y a jamais eu d’exercice, et celui-ci intervient malheureusement maintenant.
Nous avions pris quelques dispositions, c’est pour cela qu’à la surprise de certains, nous avions des réserves de masques, de gants et de gel hydroalcoolique qui étaient à disposition dans notre réserve stratégique. Nous avons pu partager 125.000 d’entre eux avec la protection civile et les hôpitaux belges. Celle-ci avait été constituée depuis dix ans. Nous nous sommes montrés prévoyants pour des choses que je n’aurais jamais imaginées arriver.
La contrainte du télétravail pour plusieurs milliers de travailleurs s’est-elle opérée dans de bonnes conditions?
Depuis des années, nous avions fait progresser le travail à la maison. Lors de la présentation de nos résultats annuels, nous montrions l’évolution du nombre de jours prestés à domicile. La moyenne était d’environ un jour par semaine par collaborateur avant la crise. L’IT était prête et sa capacité a été augmentée, décuplée au cours des derniers jours.
Il y a également tout le travail de digitalisation des relations avec la clientèle, qui a pleinement joué dans la manière avec laquelle la banque a pu être opérationnelle ces dernières semaines. Entre février et mars, le nombre de contacts avec les clients par vidéoconférence a été multiplié par sept !
Les 20.000 collaborateurs et collègues qui travaillent directement et indirectement pour BNP Paribas Fortis en Belgique étaient prêts pour ce genre de scénario.
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Le déconfinement n’est pas sans provoquer une certaine anxiété parmi la population. Comment allez-vous gérer cela?
"Si certains de nos collaborateurs éprouvent des problèmes psychologiques ou de santé, ou bien que leurs déplacements sont trop difficiles, il y aura une écoute."
Il y a une certaine peur à retourner travailler. Nous allons devoir accompagner nos collaborateurs et il faudra beaucoup communiquer, mais également rassurer. Nous allons donc adapter les règles de base qui sont déjà en vigueur. D’abord, en appliquant le "social distancing", ce qui signifie que nous allons travailler avec moins de monde qu’auparavant dans nos bureaux.
Ensuite, nous allons évidemment utiliser nos réserves de gel et de masques, que nous sommes en train de réapprovisionner. Nous allons également fonctionner avec des horaires beaucoup plus flexibles sur les arrivées et les départs.
Quelle sera votre politique en matière de masques?
Nous visons trois voire quatre masques par jour par personne. Un pour le déplacement du matin, un pour le déplacement du soir et un ou deux pour la journée, s’il y a des mouvements à faire pour la cafétéria. Nous écouterons les demandes des autorités et nous nous adapterons.
Si le stock ne correspond pas aux exigences réglementaires, nous étalerons un peu le retour pour être certains qu’ils sont bien en train d’arriver, ou alors nous aurons les masques permanents, lavables. L’idéal serait probablement de disposer de quatre masques par jour et par employé mais cela pourrait déjà fonctionner avec trois unités.
Comment allez-vous procéder pour réduire le nombre de vos employés sur les plateaux?
"Nous sommes des êtres humains, des êtres sociaux. Il sera important à un moment donné de revenir dans le giron d’une équipe physique, d’un management, d’un encouragement, d’une guidance."
A Bruxelles et dans nos centres provinciaux, nous avons l’intention de travailler en trois groupes. Ça veut dire qu’au début, les gens viendront une semaine sur trois physiquement au bureau, tandis qu’ils travailleront deux semaines à la maison. Ces trois groupes seront toujours identiques. Nous pensons commencer cette rotation, en fonction des décisions de ce vendredi, à partir du 18 mai. Nous souhaiterions tester cela avec quelques fonctions critiques et des managers à partir du 11 mai.
Les plateaux de vos principaux sièges vont-ils être aménagés différemment pour permettre la reprise?
La semaine de test va notamment servir à cela. Il y aura des marquages au sol et des sens directionnels. Nous avons déjà installé des plexiglas à l’accueil de certaines agences et dans les call centers. Nous nous adaptons au fur et à mesure. Mais si nous appliquons la règle du social distancing à l’intérieur des bureaux et que nous sommes sur un tiers d’occupation, nous n’aurons normalement pas besoin de mettre des plexiglas dans les bureaux en cette période-ci. Et si des personnes doivent se déplacer dans le bâtiment, elles pourront mettre un masque.
Les employés de BNP Paribas Fortis seront-ils obligés de réintégrer les locaux de la banque?
La nouvelle règle sera de prester une semaine sur trois à la banque et deux semaines en télétravail. Si certains de nos collaborateurs éprouvent des problèmes psychologiques ou de santé ou bien que leurs déplacements sont trop difficiles, il y aura une écoute. C’est une des raisons pour lesquelles nous voulons le faire en complète concertation avec les représentants du personnel.
Mais à un moment donné, il sera très important que l'économie recommence à tourner, je ne vais pas dire normalement, mais d’une manière fluide et plus ou moins efficace.
L’acheminement de ces travailleurs jusqu’au centre-ville constituera également un défi.
80% de nos 5.500 collaborateurs travaillant dans les bâtiments du siège bruxellois viennent en transport en commun. Nous sommes en discussion avec la SNCB afin de déterminer comment nous allons gérer cela, par exemple en les laissant arriver en plusieurs vagues. Les écoles constituent également un facteur important. Beaucoup de travailleurs ont de jeunes enfants. Si les établissements demeurent fermés, nous devrons patienter pour exécuter nos plans.
Qu’en est-il de l’avenir du télétravail ? Celui-ci sera-t-il encore davantage encouragé à l’avenir?
Il y a manifestement des limites au télétravail. D’un point de vue technologique, il est parfaitement opérationnel, mais avoir la grande majorité de la banque en télétravail à temps plein, ce n’est pas nécessairement ce que nos collègues souhaitent. Je pense donc qu’il y aura une adhésion assez importante pour revenir dans nos locaux.
Les programmeurs IT, par exemple, travaillent à distance et cela fonctionne. Mais je sens aussi un désir à un moment donné de contacts sociaux et d’adhésion. Nous sommes des êtres humains, sociaux. Il sera important à un moment donné de revenir dans le giron d’une équipe physique, d’un management, d’un encouragement, d’une guidance.
Les agences sont restées accessibles pendant tout le confinement. Comment leur fonctionnement va-t-il évoluer?
99% de nos agences sont restées ouvertes sur rendez-vous en matinée, avec nos collaborateurs qui restaient sur place pour la grande majorité. Notre intention, c’est de pouvoir être accessibles toute la journée sur rendez-vous, car c’est ce que les clients nous demandent pour l’instant. Nous souhaitons pouvoir les rencontrer de temps en temps, notamment pour les signatures de documents.
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