Ce que le nouveau droit successoral implique pour vous
Le droit successoral vient d’être sérieusement dépoussiéré. Les nouvelles règles tiennent davantage compte de la réalité des familles (recomposées) et octroient plus de liberté à chacun pour disposer de son patrimoine et gratifier les personnes de son choix. La réforme concomitante des régimes matrimoniaux complète ce rééquilibrage.
La réforme du droit successoral a été menée à bien sous la houlette du ministre de la Justice, Koen Geens (CD & V). Elle est entrée en vigueur le 1er septembre, en même temps qu’un nouveau droit matrimonial et qu’une modification des droits de succession en Flandre. Quelles en sont les principales implications pour chacun de nous? Aperçu des grands principes qui devront guider toute planification successorale.
La réforme de la réserve
C’est la mesure phare qui concerne le plus grand nombre. La réserve est la partie du patrimoine qui doit obligatoirement revenir à une catégorie d’héritiers privilégiés (enfants ou petits-enfants, conjoint survivant) et dont le futur défunt ne peut donc pas faire usage librement. La réserve des descendants en ligne directe est désormais limitée à la moitié du patrimoine, quel que soit le nombre d’enfants. Cela laisse davantage de liberté au testateur pour tenir compte des liens qui souvent se tissent en dehors de la famille "classique" ou avec des personnes étrangères à celle-ci.
La réserve des descendants en ligne directe est limitée à la moitié du patrimoine, quel que soit le nombre d’enfants.
La réserve des ascendants (parents, grands-parents), quant à elle, est supprimée et compensée par l’octroi d’une rente alimentaire s’ils sont dans le besoin. Les cohabitants de fait qui n’ont pas d’enfant peuvent ainsi léguer la totalité de leur patrimoine à leur partenaire survivant s’ils le souhaitent.
Enfin, la réserve du conjoint survivant, qui est constituée de l’usufruit sur la moitié de la masse successorale et doit au minimum comprendre l’usufruit sur l’habitation familiale et les meubles meublant, existe toujours. Mais afin de limiter les tensions qu’engendre souvent cet usufruit au sein de familles recomposées, les beaux-enfants ou les beaux-parents peuvent désormais obtenir — et ce à la première demande — sa conversion en une part indivise en pleine propriété. Par contre, le conjoint survivant pourra toujours s’opposer à la conversion de l’usufruit sur le logement familial et les meubles qui le garnissent.
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Rapport et réduction
Ces deux opérations interviennent dans le cadre du partage de la masse successorale entre héritiers.
Le rapport vise à prendre en compte les libéralités que le défunt a consenties de son vivant pour les réintégrer dans la masse fictive et reconstituer la part à laquelle chaque héritier a droit.
La réduction vise à rétablir les héritiers réservataires dans leurs droits, dans le cas où les libéralités concédées par le défunt de son vivant ont entamé la réserve. Tout héritier qui s’estime lésé peut faire une demande en réduction.
La réforme a uniformisé et simplifié les modalités d’application des règles de rapport et de réduction. Ces deux opérations s’effectuent désormais en valeur, tant pour les biens meubles que pour les biens immeubles et suivant la valorisation des biens au jour de la donation (indexée jusqu’à la date du décès).
Une exception à ce principe toutefois: s’agissant d’une donation avec une clause d’inaliénabilité (telle la donation de la nue-propriété avec une réserve d’usufruit), il sera tenu compte de la valeur au jour du décès!
Avant, la nature du bien donné déterminait son mode de rapport. L’immobilier devait être rapporté en nature à sa valeur au jour du décès, ce qui, d’une part, obligeait souvent les donataires à s’en défaire et, d’autre part, ne permettait pas de tenir compte d’une plus-value ou d’une moins-value intervenue entre-temps. Les biens mobiliers étaient rapportés en valeur au jour de la donation, ce qui occasionnait un autre déséquilibre.
Usufruit continué
Si le défunt a fait de son vivant une donation avec réserve d’usufruit alors qu’il était marié, l’usufruit qu’il s’était réservé est transféré automatiquement au conjoint survivant.
La suppression de la présomption de donation en avance d’hoirie
Désormais, une donation ne sera plus considérée comme une avance sur héritage (et donc susceptible de rapport) que lorsque le défunt laisse des descendants en ligne directe. Dans tous les autres cas, on considérera que la donation a été faite par préciput et hors part.
→ Bon à savoir: Si vous faites une donation, des droits de donation seront dus. Le montant de cette taxe dépendra d’un certain nombre d’éléments. Faites le calcul >
Le pacte successoral
Autre nouveauté notoire: les familles ont désormais la possibilité de conclure des pactes successoraux. L’occasion de se réunir autour d’une table pour discuter de la répartition des biens, de tenir compte du ressenti et des souhaits de chacun, d’apaiser les éventuelles craintes et rancœurs et d’éviter ainsi des conflits à l’ouverture de la succession. L’exercice est toutefois strictement cadenassé (procédures, formalités et délais).
Le pacte successoral global permet de dresser l’inventaire des donations et avantages déjà concédés ou à concéder à chacun, puis à faire en sorte que la répartition envisagée reflète un équilibre entre les parties.
Un pacte successoral global doit être établi entre les parents et tous les enfants. L’exercice consiste à dresser l’inventaire des donations et avantages déjà concédés ou à concéder à chacun (pour contrebalancer), puis à faire en sorte que la répartition envisagée reflète un équilibre entre les parties. L’idée étant que chacun soit satisfait de ce qu’il a reçu/va recevoir et que personne ne s’estime lésé, pas de tendre vers une égalité parfaite.
Sceller un pacte nécessite d’obtenir l’accord de tous. Le pacte est en effet irrévocable, ce qui implique la renonciation dans le chef de chacune des parties à l’action en réduction et à la demande de rapport sur les libéralités visées par le pacte.
Il est également possible de conclure un pacte ponctuel pour se mettre d’accord sur des points spécifiques. Dans ce cas, ni l’implication ni l’accord de tous ne sont nécessaires.
→ Bon à savoir: Notre outil de planification successorale vous explique étape par étape comment gérer vous-même votre succession et quels instruments peuvent vous y aider.
Conjoint mieux protégé
Si vous êtes marié sous le régime de la séparation de biens, vous ne vous constituez pas de patrimoine commun au cours du mariage. Le nouveau droit matrimonial introduit toutefois une dose de solidarité et permet de rééquilibrer les choses au cas où l’un des conjoints a mis sa carrière entre parenthèses par exemple. Les époux qui optent pour ce type d’engagement ont la possibilité d’introduire dans leur contrat une clause d’attribution des acquêts. En cas de rupture, ils se partagent alors les revenus professionnels acquis durant le mariage. Le Code civil prévoit que le conjoint économiquement le plus "faible" pourra réclamer la moitié des acquêts, mais rien n’empêche de prévoir une répartition différente, par exemple 10, 30 ou 40%.
Du point de vue successoral, cette fois, pointons le fait qu’en l’absence d’enfants, le conjoint survivant se voit octroyer une plus grande part de la succession en pleine propriété, quel que soit le régime matrimonial. Si le défunt ne laisse que des parents très éloignés (oncle, tante, cousin, cousine), le conjoint survivant hérite de toute la succession en pleine propriété. En présence de frères/sœurs, neveux et nièces, le conjoint survivant reçoit l’usufruit des biens personnels du défunt, la pleine propriété de la part du défunt dans la communauté (inchangé) et si le couple est marié sous le régime de la séparation des biens, la pleine propriété de la part du défunt dans les biens indivis.
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