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interview

"Mon écriture est triste, personnelle et honnête"

©Philip Lethen

Sept ans de silence sont rompus. Sophia nous revient, avec un nouvel album, toujours aussi débordant d’émotions. Le groupe se produira bientôt au festival Pukkelpop.

Groupe culte apparu il y a 20 ans dans la foulée du prometteur, mais éphémère The God Machine, Sophia est le projet d’un seul homme, Robin Propper Sheppard, Californien échoué, depuis la dissolution de ce premier groupe, en Europe, entre Bruxelles et Londres. Son dernier album, sorti après un silence de sept ans, déborde une fois encore de ce spleen magnifique qui envahira, sans doute, le club du Pukkelpop où ce grand émotif se produira le vendredi 19 août..

Où préférez-vous vivre? à Bruxelles ou à Los Angeles, d’où vous êtes originaire?

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Si le disque est ce qu’il est, c’est parce que, lorsque je suis retourné à Los Angeles, le 14 janvier 2015 pour la première fois en quinze ans, j’ai réalisé que l’Amérique n’était pas mon port d’attache. Bruxelles ne l’est pas non plus, puisque je ne suis pas autorisé à vivre ici, du fait de problèmes de permis de séjour. Même chose pour Londres... Je suis vraiment la personnification du fait de dériver, comme l’atteste "The Drifter", l’une des chansons de l’album…

Actuellement, vous vivez à Bruxelles?

Techniquement, j’ai un appartement à Bruxelles et à Londres. Je suis seulement autorisé à être dans la zone Schengen 90 jour sur 180, pour des questions de permis, ce qui m’oblige à des allers-retours incessants.

"Auparavant, je croyais en l’influence du lieu, mais, en vieillissant, j’ai réalisé que nous trimballons notre vécu avec nous."

Et laquelle des deux villes préférez-vous?

J’aime Bruxelles, pour son côté village. Je vis dans le centre-ville, avec l’Archiduc à trois minutes, tout comme l’Ancienne Belgique. Et le Delhaize. J’ai mon univers à portée… (Il rit.) En même temps, j’ai passé, mis bout à bout, 25 ans à Londres: quand j’y débarque, je me sens chez moi. Donc, match nul! (Il rit.)

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Le sentiment romantique qui émane de vos disques, ceux de Sophia comme d’ailleurs ceux de ceux de The God Machine, votre premier groupe, découle-t-il de votre vie en Europe?

Non, seulement de ma vie tout court. Auparavant, je croyais en l’influence du lieu, mais, en vieillissant, j’ai réalisé que nous trimballons notre vécu avec nous. Les chansons que j’ai écrites, durant mon séjour à Los Angeles, sonnent sans doute un peu plus énervées, ressentant de la colère dès que je suis en Amérique: ce qui se produit politiquement là-bas me touche vraiment. Sophia n’est pas un groupe country, mais possède la touche d’honnêteté qu’on trouve dans ce genre de musique.

Pensez-vous avoir initié le mouvement "lo-fi" en créant Sophia?

Déclenché non. Des groupes comme Guided by Voices ont émergé pendant l’époque God Machine et lorsque j’ai créé Sophia. Ce qui est amusant, c’est qu’au début de ce second projet, un critique rock anglais avait écrit: "Le monde a-t-il besoin d’un autre type jouant des chansons tristes sur une guitare acoustique?" Ironie de l’histoire, le même a commencé à écrire sur le mouvement acoustique, six mois plus tard. Je n’en suis pas à l’origine, mais le fait est qu’au milieu des années 90, il y eut une réaction au déferlement de mauvais groupes de guitares.

Pukkelpop 2016 aura lieu sur le terrain du festival de Kiewit à Hasselt.

Du 17 au 20/8.

Infos: www.pukkelpop.be

Y aurait-il un lien entre la Californie, the God Machine, votre premier groupe, et le stoner rock…

Oui. D’ailleurs, au début de the God Machine, les auditeurs mentionnaient Kyuss, le premier groupe de Josh Homme des Queens of the Stone Age. Mais nous n’émargions pourtant pas de ce courant. C’est seulement quand les Queens of The Stone Age, groupe monté par Josh, est apparu, que j’ai découvert l’existence de Kyuss, la musique de QTSA me parlant peu.

Cela surprenait beaucoup de monde que The God Machine ne soit pas fan de métal: personnellement, nous avions la sensation de jouer du Cure, mais juste un peu plus fort. Ceci dit, je mentirais en prétendant qu’ado je n’écoutais pas the Cult… En fait, mes influences sont plutôt à rechercher dans le punk sixties, le garage rock, les MC5... C’est ce genre qui m’a mis le pied à l’étrier au niveau musical. À la première répétition, je ne connaissais qu’un seul accord….

Pourquoi une ancre arbore-t-elle la pochette de "As we Make our Way (Unknown Harbors)"?

Considérant le fait que je n’ai pas de chez moi, quand j’ai vu cette ancre pour la première fois, cela m’a fait réfléchir à la question de ne pas connaître le lieu ou je terminerais: d’où l’idée de ports inconnus ("Unknown Harbours"). Tout le monde cherche un endroit où se poser et le fait que l’ancre soit illuminée signifie qu’elle indique le chemin pour l’atteindre, un peu comme une enseigne. Dans notre groupe, personne ne possède ce havre….

Pourquoi l’album débute-t-il par cet instrumental, un genre clôturant plutôt les disques en général, qui porte d’ailleurs ce titre de "Unknown Harbours"?

C’est un morceau qui est devenu l’intro sans l’être au départ, ne sachant pas encore que l’album porterait ce nom: un morceau mélancolique, mais plein d’espoir. Etrangement, il résume l’album. Pas de guitare, aucune parole, et une construction qui pour moi reste encore mystérieuse. Une mélodie qui m’a pris du temps, et que j’ai terminée durant le dernier réveillon: à trois heures du matin, je me battais encore avec ce morceau au piano, cloîtré dans un B&B, dans un lieu temporaire et une situation qui l’était aussi: ce morceau résumait tout.

Vous ne craignez pas, à force, de devenir prisonnier d’un style?

Pouvez-vous déterminer un style en écoutant cet album?

Je pense avoir créé mon propre genre, sans qu’on puisse résumer ma discographie à une seule chose. On peut me décrire comme un compositeur de chansons tristes, mais le fait est que mon public sait que mon écriture sera triste, personnelle et honnête. Et si c’est cela la définition de mon style, cela me convient.

©doc

Ce fut aussi l’un de nos problèmes à l’époque de The God Machine: nous étions perçus comme trop indie, trop émotionnels et abstraits pour la scène métal, mais trop métal pour le public indie. Même chose dans le cas de Sophia: nous ne sommes pas suffisamment hard pour les amateurs du genre et nous sommes trop hard pour ceux qui aiment la musique plus douce. Ce qui ne nous empêche pas de disposer d’une base de fans incroyablement dévouée au groupe.

Justement, comment gère-t-on le fait d’être un groupe culte?

(Soupir…) Financièrement, il y a des hauts et des bas, c’est sûr. D’un côté, je prends mes responsabilités, répondant personnellement aux fans par mail. Je prends donc le statut de "cult band" très au sérieux, parce que c’est tout ce que je possède… Sophia ne faisant pas partie des artistes en rotation sur les radios, j’ai vraiment vécu au jour le jour, durant ces sept années d’absence… Je possédais pourtant assez de matériel pour remplir cinq albums et j’aurais pu en enregistrer, il y a cinq ans. Mais rien ne me poussait à le faire, aucune urgence. C’est suite à mon séjour à Los Angeles, en janvier de l’an dernier, que cette urgence s’est manifestée, le tournant se situant avec la chanson "Blame", qui a servi de déclencheur.

Sans doute, me suis-je trouvé dans une situation où j’ai réalisé que la seule chose que je possédais dans l’existence, à part ma fille, était la musique à laquelle je devais donc montrer du respect. Cet album n’est pas, cette fois, le reflet d’un cœur brisé par la fin d’une relation. Pour tous les albums de Sophia jusqu’ici, je peux nommer la femme avec qui ma relation venait de prendre fin… (Il rit

Il a donc fallu que je creuse plus avant et dénicher, cette fois, un propos plus profond. À Los Angeles, j’ai pris conscience que je ne m’étais jamais confronté à cette profondeur de sentiments. "Baby, hold on", par exemple, qui concerne ma fille, m’a demandé, sans mentir, trois à quatre jours, juste pour écrire les paroles. J’avais couché dix à quinze pages de textes, à propos de ma mère, mon père, ma fille et moi, et je ne parvenais à trouver le bon point de vue, pour cette chanson, alors qu’elle se révélait essentielle à mes yeux. Soudain, j’ai réalisé qu’elle évoquait les regrets que je ressentais de m’être séparé de sa mère, lorsque ma fille était très jeune: elle avait cinq ans. J’ai toujours eu l’impression que j’étais là pour elle: au bout du fil ou de la rue. Mon enfant grandissant, je me suis rendu compte que ce que ce n’est pas ce qu’elle avait ressenti: un sentiment qui la blesse encore aujourd’hui… Rien que d’en parler m’émeut. Je souhaitais être là, mais souhaiter n’est pas être...

La musique est donc une bonne psychothérapie?

Jusqu’à cet album, j’aurais répondu par l’affirmative: lorsque j’avais le cœur brisé, j’écrivais une chanson et cela suffisait. Dans le cas présent, écrire une chanson ne va pas soulager complètement ces sentiments.

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