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interview

Sophie Rohonyi: "Il y a une demande pour un parti libéral progressiste en Belgique francophone"

Sophie Rohonyi: "Je reste convaincue qu'il y a une demande pour un parti libéral progressiste en Belgique francophone." ©JONAS LAMPENS

Après le départ fracassant d'Olivier Maingain, la présidente de DéFI Sophie Rohonyi entend mettre en place un processus de reconstruction du parti. Elle n'exclut pas d'appuyer un gouvernement bruxellois, mais pas à n'importe quelles conditions.

Les séquences difficiles s'enchaînent pour DéFI. Le départ fracassant il y a une semaine d'Olivier Maingain, figure historique de la formation amarante, constitue un nouveau coup dur pour un parti déjà malmené depuis la défaite électorale du 13 octobre dernier. Loin pourtant de baisser les bras, la présidente du parti depuis juillet 2024, Sophie Rohonyi, se dit au contraire "convaincue qu'il y a une demande pour un parti libéral progressiste en Belgique francophone".

Comment vivez-vous la rupture avec Olivier Maingain?

Je le regrette bien sûr, même si je me dois d'en prendre acte. Humainement c'est difficile à encaisser. Je ne renie pas ce que le parti lui doit, moi y compris. Mais c'est également un soulagement car c'était devenu invivable. Depuis quelques années, Olivier Maingain ne faisait plus confiance à ses successeurs à la tête du parti, que ce soit François De Smet ou moi-même. À plusieurs reprises, il n'a pas hésité à faire du chantage pour que j'aille dans le sens qu'il souhaite, alors que je ne fais que défendre la ligne du parti.

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Quel sera l'impact de la décision d'Olivier Maingain sur le parti?

Sa décision me semble à la fois irrationnelle et contreproductive. En divisant les francophones, il renforce les nationalistes flamands qui veulent démontrer que Bruxelles est ingouvernable. Je regrette aussi le procès d'intention qui m'a été adressé en affirmant que je serais prête à gouverner avec la N-VA. C'est totalement délirant, je n'ai jamais eu cette intention. Je rappelle par ailleurs qu'Olivier Maingain a déjà négocié avec la N-VA à l'époque de l'Orange bleue.

Après le départ des membres de la section locale de Woluwe-Saint-Lambert, craignez-vous d'autres défections?

Pas vraiment. La section de Woluwe-Saint-Lambert, ce sont des échevins dont la désignation dépendait directement d'Olivier Maingain. Ce que je trouve très grave par contre, c'est que certains conseillers communaux ont appris par voie de presse qu'ils avaient quitté DéFI, alors qu'ils n'en avaient jamais exprimé l'intention. À l'exception de cette section, l'ensemble des militants et élus du parti reste plus que jamais déterminé à travailler à notre refonte, ce qui pourra désormais être réalisé dans la sérénité.

Cela passera-t-il par un changement de nom?

J'avoue que l'idée d'un changement de nom me trotte dans la tête. L'appellation DéFI ne colle plus très bien avec l'image d'un parti tourné vers l'avenir. De plus, ce nom est associé à Olivier Maingain, qui nous a fait beaucoup de tort. Dans tous les cas, cette décision reviendra aux militants. Il faudra prendre le temps de bien faire les choses, mais sans prendre non plus trop de temps, car nous sommes en Belgique et il faut toujours tenir compte du risque d'élections anticipées. Auquel cas, le parti devra être en état de marche.

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"On pourrait mettre en place, rapidement, un gouvernement bruxellois avec une majorité simple, que nous pourrions soutenir de l'intérieur comme de l'extérieur."

Sophie Rohonyi
Présidente de DéFI

Olivier Maingain vous reproche une dépendance par rapport au MR. Historiquement, le FDF fut un temps en fédération avec les libéraux. C'est encore une option?

Ce n'est pas du tout une option. Au sein du cartel, le FDF était à mon sens trop confiné dans sa dimension communautaire, alors que le parti proposait également un programme socio-économique complet. Aujourd'hui, je me vois mal m'aligner sur Georges-Louis Bouchez. Sur le fond, je ne partage pas sa vision simpliste en matière de sécurité et d'immigration. Sur la forme, j'ai pu constater dans la négociation bruxelloise à quel point il est difficile d'élaborer des compromis avec lui. Je reste par ailleurs convaincue qu'il y a une demande pour un parti libéral progressiste en Belgique francophone. Une partie de la population ne se retrouve plus dans le communautarisme de la gauche ni dans le conservatisme de la droite.

Le départ d'Olivier Maingain peut-il relancer l'idée d'un rapprochement avec Les Engagés?

Ce serait un aveu de faiblesse. Cela reviendrait à dire qu'on ne peut pas se passer des Engagés, qui est un parti plutôt libéral au plan économique et conservateur au plan éthique. Il se dit le parti de l'humanisme, alors qu'il prend les femmes en otage sur la question de l'IVG. Sur la neutralité de l'État, ils sont très éloignés de nous, et sur la bonne gouvernance, ils se montrent très attachés au cumul, alors que nous prônons le décumul. J'attends vraiment de voir comment Les Engagés feront pour réaliser leurs belles promesses.

"Le parti de Fouad Ahidar est un parti dangereux, qui cantonne les gens dans des cases identitaires au lieu de créer des ponts."

Sophie Rohonyi
Présidente de DéFI

N'êtes-vous pas en train de perdre pied en Wallonie?

Il est hors de question de laisser tomber la Wallonie, où nous avons encore des échevins et des présidents de CPAS qui s'investissent pour apporter un meilleur service à la population. Nous voulons prouver que ce qu'on a réalisé à Bruxelles peut fonctionner en Wallonie, que ce soit en matière de relèvement du taux d'emploi, de soutien aux indépendants ou de participation citoyenne. Un parti comme DéFI est nécessaire face au chômage et au clientélisme qui rongent la Wallonie, mais aussi face à la volonté du MR et des Engagés de fusionner les zones de police, à Bruxelles comme en Wallonie, et de limiter les allocations de chômage après deux ans plutôt que d’instituer une obligation de formation adaptée après un an.

La défense de la laïcité ne paie plus électoralement à Bruxelles: s'agit-il d'un combat d'arrière-garde?

C'est au contraire une thématique très pertinente. La laïcité consiste à traiter chacun sur le même pied et permettre à chacun d'opérer ses choix de vie sans pression extérieure. Face à un communautarisme rampant, articulé autour de l'abattage sans étourdissement ou du port des signes convictionnels, la laïcité protège les religions contre leurs propres extrémistes. À cet égard, le parti de Fouad Ahidar est un parti dangereux, qui cantonne les gens dans des cases identitaires au lieu de créer des ponts.

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Monter dans un gouvernement à Bruxelles avec la N-VA, c'est envisageable pour vous?

Cela nous semble très compliqué. La N-VA n'est pas un parti comme les autres. C'est un parti nationaliste, qui traite les non-néerlandophones comme des sous-citoyens. Ils sont l'antipode de ce que nous représentons en matière de défense des minorités. Leur but est d'affaiblir Bruxelles pour préparer le confédéralisme. On pourrait mettre une exclusive vis-à-vis de la N-VA, mais le problème est que les revendications institutionnelles de la N-VA ont trouvé écho auprès des autres partis flamands. N'oublions pas non plus que la N-VA est loin d'être incontournable à Bruxelles. C'est un parti ultra-minoritaire qui, avec deux députés, tente de tout bloquer. Si on constitue un gouvernement bruxellois avec une majorité simple, donc sans passer par la double majorité au Parlement, les partis néerlandophones devront se remettre en question et présenter un ministre qui défende les Bruxellois au lieu de les instrumentaliser.

"Le PS n'est pas prêt à assumer ce qu'il faut faire pour corriger la situation budgétaire, car cela reviendrait à couler son fonds de commerce."

Sophie Rohonyi
Présidente de DéFI

DéFI reste ouvert à l'idée de faire l'appoint dans une coalition régionale?

Nous ne cherchons pas à monter au pouvoir avec n'importe qui pour faire n'importe quoi. Si c'est pour fusionner les zones de police, c'est non. Si c'est pour se servir des difficultés budgétaires de la Région bruxelloise pour l'affaiblir encore davantage, c'est non également. Si par contre c'est pour travailler avec d'autres partis que la N-VA sur le relèvement du taux d'emploi ou pour mettre fin aux causes du blocage institutionnel, comme les doubles majorités par exemple, pourquoi pas? On pourrait mettre en place, rapidement, un gouvernement bruxellois avec une majorité simple, que nous pourrions soutenir de l'intérieur comme de l'extérieur. Il faut prendre ses responsabilités, car la situation à Bruxelles est préoccupante: la dette s'élèvera à 22 milliards d'euros en 2029, il y a l'insécurité et les fusillades, résultats de l'abandon de Bruxelles par le Fédéral. La question n'est pas tant d'entrer ou non dans une majorité que de contribuer à assurer la pérennité de la Région.

Pourquoi avoir accepté l'invitation du formateur David Leisterh aux présidents de partis?

Nous pouvions difficilement refuser l'invitation. Mais nous sommes quand même surpris de la façon dont la concertation s'est déroulée, sans note de base ni feuille de route. Le formateur s'est borné à présenter ce qui peut être donné comme monnaie d'échange au Fédéral pour débloquer la situation.

Vous comprenez l'attitude de blocage du PS?

Autant je comprends le véto du PS par rapport à la N-VA, autant je comprends moins pourquoi ce véto intervient aussi tard. Le parti porte une lourde responsabilité dans le déficit de la Région bruxelloise. Il a laissé exploser les dépenses de logement social, ce que notre ministre sortant Bernard Clerfayt n'a cessé de dénoncer. Le PS n'est pas prêt à assumer ce qu'il faut faire pour corriger cette situation, car cela reviendrait à couler son fonds de commerce. La situation de Bruxelles est grave et il est plus que temps que chacun mette de l'eau dans son vin. PS et MR doivent se parler. De notre côté, nous assumons nos responsabilités en formulant des propositions constructives.

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