Le régulateur belge des données au bord de l’implosion
Dans une lettre à l’attention du Parlement, deux membres de la direction de l’Autorité de protection des données dénoncent son manque d’indépendance et accusent son président d’abus de pouvoir et de violation des lois.
Régulièrement dans l’actualité ces dernières semaines concernant des textes de lois liés à l’utilisation de nos données dans la lutte contre le Covid-19, l’Autorité de protection des données (APD) est devenue elle-même un feuilleton d’actualité. Après notre enquête démontrant une régionalisation de la protection des données par la Flandre et son autorité régionale, c’est cette fois-ci le fonctionnement interne et le manque d’indépendance de l’autorité et de son président qui sont dénoncés.
"M. David Stevens continue à mener des actions constitutives d’abus de pouvoir et de violation des lois, tantôt pour protéger certains influents, tantôt pour terroriser et tenter d’anéantir ceux qui se mettent sur le chemin de ces mêmes influents."
Dans une nouvelle lettre adressée à la présidente du Parlement et aux députés en charge du dossier, deux membres du comité de direction qui en compte cinq dénoncent toute une série de dysfonctionnements principalement liés au président de l’autorité fédérale. L’Echo a pu prendre connaissance de ce document confidentiel de neuf pages.
Tout au long du document rédigé par Charlotte Dereppe et Alexandra Jaspar, c’est le président de l’APD, David Stevens qui est visé directement. "Monsieur David Stevens multiplie les démarches de complaisance face à une régionalisation de la compétence fédérale de protection de la vie privée, continue à mener des actions constitutives d’abus de pouvoir et de violation des lois, tantôt pour protéger certains influents, tantôt pour terroriser et tenter d’anéantir ceux qui se mettent sur le chemin de ces mêmes influents", expliquent les deux membres du comité de direction qui étayent leurs accusations avec des preuves jointes à la lettre.
Liberté constitutionnelle
David Stevens est notamment accusé d’avoir doté l’APD de "mesures coercitives illégales et d’intimidation", en l’espèce un pouvoir qui permet la fermeture sans appel de sites internet via "un accord aux termes duquel l’APD s’octroie unilatéralement le pouvoir de fermer des sites internet en cas de soupçon d’infraction." Les deux directrices poursuivent: "M. Stevens ne se soucie aucunement du fait qu’une telle sanction dont les conséquences sont énormes pour un opérateur et, qui plus est, porte atteinte aux libertés constitutionnelles que sont la liberté d’expression, la liberté de commerce et la liberté de jouir de ses biens immatériels ne peut, dans un état de droit, être imposée sans que cela ne soit prévu dans une loi ou ordonné par un juge." Autre grief, la lettre rappelle "l’urgence à mettre fin à des nominations illégales de membres externes" qui entraveraient le travail de l’autorité et son indépendance.
"Les faits que nous dénonçons sont graves et ne peuvent plus durer, à savoir les actions de M. Stevens pour protéger des personnes influentes, dans son propre intérêt et au mépris des citoyens."
Dans cette nouvelle missive, Charlotte Dereppe et Alexandra Jaspar dénoncent une situation qui se serait empirée suite à une première lettre envoyée en septembre dernier au Parlement et qui avait abouti sur les auditions des différents membres de la direction de l’APD, mais sur aucune décision concrète selon nos informations.
Contactées, les deux directrices disent "regretter que la lettre ait fuité", mais confirment son contenu: "Nous maintenons nos propos envoyés au parlement ce jour. Les faits que nous dénonçons sont graves et ne peuvent plus durer, à savoir les actions de M. Stevens pour protéger des personnes influentes, dans son propre intérêt et au mépris des citoyens. Il en va de la protection des données. Dans une période de crise sanitaire, il est inconcevable qu’on laisse se développer une autre crise, démocratique, en ne rétablissant pas rapidement les garanties d’indépendance et d’intégrité de l’APD."
"Dans une période de crise sanitaire, il est inconcevable qu’on laisse se développer une autre crise, démocratique, en ne rétablissant pas rapidement les garanties d’indépendance et d’intégrité de l’APD."
Depuis l’envoi de leur première lettre en septembre dénonçant les différentes problématiques, Charlotte Dereppe et Alexandra Jaspar expliquent vivre un véritable calvaire. "Privation de revenus et de ressources, intimidation, rien ne nous est épargné." La lettre évoque également des tentatives constantes de déstabilisation et de dénigrement, preuves à l’appui, à nouveau.
En commission Justice
Contacté, David Stevens se refuse à tout commentaire: "Je ne suis pas au courant de cette lettre. Je ne peux pas réagir à une lettre que je n’ai pas vue ou lue", et le président de l’Autorité de protection des données d’ajouter: "C’est une matière qui sera traité par la Chambre, je ne ferai pas d’autres commentaires."
C'est effectivement à la Chambre que cette question sera débattue, au sein de la commission Justice ou lors de nouvelles auditions. Sa présidente, Éliane Tillieux, n'était pas disponible pour répondre à nos questions au moment d'écrire ces lignes.
L’Autorité de protection des données est, selon les deux membres du comité de direction à la base de cette lettre, dépouillée de ses compétences "à un moment crucial pour notre pays". Elles demandent une réaction urgente de la Chambre et de sa présidente pour retirer, notamment, son mandat à David Stevens.
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