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La stratégie anticorruption de la Belgique épinglée par l'OCDE

Les magistrats spécialisés dans les matières de corruption, qui sont une poignée au parquet fédéral, doivent chacun traiter plus d'une centaine de dossiers en même temps. L'OCDE s'inquiète des conséquences que cela a sur la durée du traitement des dossiers. ©BELGAIMAGE

Dans un rapport sur la lutte anticorruption en Belgique, l'OCDE salue des avancées législatives, mais critique le manque de ressources, la timidité des poursuites contre les personnes morales et la faiblesse des amendes encourues.

Les résultats de cette enquête étaient attendus avec inquiétude et impatience en Belgique. Et s'ils ne sont pas catastrophiques, ils sont loin d'être brillants...

Durant des mois, en fin d'année dernière, les autorités judiciaires, policières et financières belges ont été inspectées par un groupe de travail d'auditeurs de l'OCDE (Organisation de coopération et de développement économiques). Objectif: évaluer, depuis la dernière inspection menée en 2016, l'état de la lutte contre la corruption en Belgique, notamment celle d'agents publics étrangers dans les transactions commerciales internationales. Le résultat est publié ce mardi matin: un rapport de 100 pages qui scanne l'étendue du travail mené par le pays pour lutter contre la corruption.

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"Les progrès sont assombris par le manque de ressources humaines, financières et matérielles des entités poursuivantes", ainsi que par "le manque d'une stratégie dédiée à combattre la corruption".

Extrait du rapport de l'OCDE

Sans grande surprise, c'est le manque de moyens des autorités de poursuite et d'investigation qui est pointé. Des "progrès" sont mentionnés et salués, notamment les "changements institutionnels et législatifs", l'augmentation des sanctions pour les personnes physiques, du délai de prescription, ou la création d'un statut de lanceur d'alerte.

Le rôle clé de la Ctif (Cellule de traitement des informations financières) et les bonnes coopérations entre police, justice, fisc et administrations sont aussi mis en avant.

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Une charge de travail "incompatible avec la complexité des enquêtes"

Mais, écrivent les auteurs du rapport, "ces progrès sont assombris par le manque de ressources humaines, financières et matérielles des entités poursuivantes", ainsi que par "le manque d'une stratégie dédiée à combattre la corruption".

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En Belgique, la plupart des enquêtes de police sur les faits de corruption sont réalisées par l'OCRC (Office central de répression de la corruption), dont "le nombre d'enquêteurs n'a pas progressé en dix ans. Ce manque de ressources fait que les investigations sont lentes", pointe le rapport.

Au-delà du manque de moyens, le groupe de travail de l'OCDE est interpellé par la faiblesse des condamnations infligées en Belgique en matière de corruption.

Autre écueil, la "charge de travail des magistrats spécialisés du parquet fédéral, qui semble incompatible avec la complexité et la technicité des enquêtes". Ces magistrats spécialisés, qui sont une poignée au parquet fédéral, doivent chacun traiter plus d'une centaine de dossiers en même temps. Conséquence: des dossiers qui prennent du temps. Et l'OCDE "s'inquiète du dépassement du délai raisonnable en matière de corruption étrangère".

Transactions pénales "opaques"

Au-delà du manque de moyens, le groupe de travail de l'OCDE est interpellé par la faiblesse des condamnations infligées en Belgique en matière de corruption. Il pointe, en effet, la "timidité des cours et tribunaux" et "l'inadéquation des montants confisqués" aux condamnés, avec "pour effet direct de compromettre le caractère efficace, proportionné et dissuasif des sanctions".

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Par ailleurs, les condamnations infligées sont aussi faibles que rares: depuis 2016, date du dernier rapport, seulement trois dossiers de corruption internationale ont abouti à des condamnations, et seulement des personnes physiques, pas des personnes morales. On pense ainsi à l'affaire Kubla, dans laquelle Duferco a bénéficié d'acquittement et de prescriptions.

"La transaction pénale est perçue négativement dans l'opinion publique et par certains procureurs, vue comme un privilège accordé aux grandes entreprises."

Extrait du rapport de l'OCDE

Le caractère "opaque" des transactions pénales interpelle également l'OCDE, qui regrette qu'elles ne soient pas publiées, ainsi qu'un "manque de transparence entourant leur utilisation". La transaction pénale est le moyen pour une personne et/ou une société de mettre fin aux poursuites judiciaires contre une somme d'argent, et parfois sans mention sur le casier judiciaire. "Elle est perçue négativement dans l'opinion publique et par certains procureurs, vue comme un privilège accordé aux grandes entreprises", rappelle l'OCDE.

Recommandations

Enfin, les enquêteurs "recommandent" à la Belgique "d'augmenter, sans délai, le niveau maximum des amendes contre les personnes morales en matière de corruption, pour assurer des sanctions proportionnées, effectives et dissuasives".

Dans son accord de gouvernement, la coalition Arizona a annoncé sa volonté de créer un "pool anticorruption" au sein du parquet fédéral. Contacté par L'Echo, le parquet fédéral n'a pas donné suite à nos demandes de commentaires.

"Des mesures importantes ont été prises, mais de nombreux défis restent à relever. Nous prenons donc également à cœur les recommandations de l'OCDE et continuerons à faire pression pour que des politiques décisives soient mises en place en matière de corruption", a réagi la ministre de la Justice, Annelies Verlinden (CD&V).

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