Les experts-comptables menacent de faire grève contre le fisc
Face au climat de travail insupportable que leur impose le fisc, les experts-comptables menacent de faire grève. Ce qui signifierait que l’État ne serait plus en mesure d’engranger ses recettes.
Les experts-comptables en ont assez et ils tiennent à le faire savoir. Déficit de communication avec les agents du fisc, demandes redondantes de la part de l’administration, tracasseries administratives, sanctions automatiques et excessives: trop, c’est trop.
Dans une lettre adressée aux présidents des cinq partis qui négocient la future coalition Arizona, l'Ordre des experts-comptables et comptables brevetés de Belgique (OECCBB) exprime une mise en garde claire: si aucune amélioration notable n’est entreprise dès le début de la nouvelle législature, le secteur se dit prêt à organiser la première grève de son histoire.
L’Ordre exige la reconnaissance de son rôle essentiel dans la relation entre l’administration fiscale, les entreprises et les citoyens, et demande que 15 revendications clés soient intégrées dans le futur accord de gouvernement. "En 65 ans d’histoire, notre organisation n’a jamais connu un tel niveau de désespoir et de dégoût pour les conditions de travail imposées par le fisc et son ministre", explique Emmanuel Degrève, vice-président de l’OECCBB, qui pointe une hausse alarmante des cas de burn-out, de départs et d’abandons de carrière.
"Avec l’informatisation, l’expert-comptable n’a plus de lien direct avec son contrôleur fiscal. C’est dramatique, l’administration est complètement déshumanisée."
Communication déshumanisée
Voilà qui risque d’aggraver le problème des vocations pour une profession déjà en pénurie depuis plus de dix ans. "Nos membres sont les rouages essentiels d’une fiscalité saine et d’un Trésor public performant."
"Nos revendications visent à moderniser le système fiscal, à restaurer la confiance et à garantir un traitement juste", souligne Emmanuel Degrève. Parmi ces revendications, une des principales porte sur la communication avec le fisc. "Avec l’informatisation, l’expert-comptable n’a plus de lien direct avec son contrôleur fiscal. C’est dramatique, l’administration est complètement déshumanisée", dénonce le vice-président de l’Ordre.
D’où la demande de mettre en place un numéro de téléphone dédié aux professionnels: "Ce service devrait être géré par des agents spécialisés et qualifiés, avec accès complet aux informations nécessaires, pour des échanges constructifs et rapides".
"Les sanctions automatiques sont devenues excessives et déraisonnables."
Pour une application raisonnée des sanctions
Une autre revendication consiste à adapter les exigences administratives à la proportionnalité des structures d’entreprise. L’Ordre juge déraisonnable d’imposer des obligations de type multinational à des structures unipersonnelles. Exemple: le fameux registre UBO, qui vise à lutter contre le blanchiment de capitaux, est une formalité qui s’impose à toutes les entreprises, peu importe leur taille.
Les professionnels demandent également de supprimer la tolérance zéro et d’introduire une application raisonnée des sanctions. "Les sanctions automatiques sont devenues excessives et déraisonnables", estime Emmanuel Degrève. Il plaide pour un système d’amendes et d’accroissements qui soit appliqué de manière raisonnée, en tenant compte des circonstances spécifiques de chaque cas.
L’Ordre demande par ailleurs, dans un objectif de sécurité juridique, de rétablir l’autonomie du Service des décisions anticipées (SDA). "Aujourd’hui, le SDA ne peut plus émettre le moindre avis sans avoir l’aval de l’administration centrale, raison pour laquelle ce service pourtant fort utile s’est fait de plus en plus discret", constate Emmanuel Degrève.
Respect du secret professionnel
Enfin, les experts-comptables insistent sur le nécessaire respect de leur secret professionnel. La Cour européenne de Justice a récemment instauré une double lecture du secret professionnel dans le cadre de la DAC6 (dénonciation des montages agressifs), ne reconnaissant plus que celui des avocats. L’Ordre considère cette distinction comme discriminatoire et injustifiée.
À défaut d’être entendus, les experts-comptables brandissent la menace de grève. Ce qui risque de sérieusement gripper la perception des recettes fiscales. Exemple avec la TVA: si les experts-comptables font la grève au niveau du dépôt des déclarations TVA, les clients ne seront plus en mesure de s’acquitter de la TVA puisqu’ils ne connaissent pas le montant de TVA dont ils sont redevables à l’État. La TVA représentait 33 milliards d’euros au cours de l’exercice 2023.
- Les experts-comptables et conseillers fiscaux menacent de faire grève.
- En cause, un climat de travail jugé insupportable imposé par le fisc.
- Déficit de communication, demandes redondantes, tracasseries administratives, sanctions automatiques et excessives figurent parmi les doléances.
- Les experts-comptables insistent aussi sur le respect de leur secret professionnel.
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