Lucas van Molle (FEF): "La ministre de l'Enseignement veut un 'nettoyage socio-économique' du supérieur"
À peine entré en fonction, le nouveau président de la Fédération des étudiants francophones charge la ministre libérale de l'Enseignement supérieur, Valérie Glatigny (MR).
Élu président de la Fédération des étudiants francophones (FEF) le 28 juin, Lucas van Molle (22 ans) nous a livré un entretien. Avant son élection, l'étudiant inscrit en Bac3 de droit à l'université catholique de Saint-Louis occupait déjà une position au sein de l'organisation, où il a fait de la précarité étudiante son cheval de bataille.
C'est dans nos locaux que nous avons rencontré Lucas van Molle, qui succède à Chems Mabrouck à la présidence de la FEF. Depuis 2019, elle est la seule organisation à représenter les étudiants francophones, l'Union des étudiants de la communauté française (UNECOF) ayant cessé ses activités. "La majorité des conseils étudiants précédemment affiliés à l'UNECOF se sont ralliés à nous", souligne toutefois Lucas van Molle, se félicitant que "la pluralité des voix soit ainsi garantie" au sein du syndicat.
"Si on s'intéresse à l'échec dans le supérieur, les solutions sont dans la lutte contre la précarité. Or, ce que fait la ministre, c'est un nettoyage socio-économique."
Par le passé, la FEF a essuyé des critiques faisant état d'un manque de démocratie interne. Un reproche que le nouveau président balaye d'un revers de main: "Depuis toujours, la FEF cherche une position consensuelle pour unir les voix de tous les conseils étudiants qu'elle représente (36 sur 41), dans le but de porter haut et fort les revendications des étudiants. C'est pour ça qu'elle a été créée et c'est ce qu'elle fait encore."
Son début de mandat est marqué par un enseignement supérieur qui reste très secoué par la pandémie de Covid-19. Le contexte sanitaire a rendu la mobilisation difficile, voire impossible pour le syndicat: "L'action de terrain reste fondamentale. C'était dur d'entendre la détresse de certains étudiants, d'aller trouver les plus précaires d'entre eux dans les épiceries alimentaires et de ne pas pouvoir passer à l'action. On s'est mobilisé sur les réseaux sociaux avec des consultations pour garder le lien."
Bataille pour la précarité
La mobilisation en ligne sur le Plan précarité, réclamé au printemps par la FEF, n'a cependant fait l'objet d'aucun retour de la ministre de l'Enseignement supérieur, Valérie Glatigny, estime notre interlocuteur. Pire encore pour la FEF, la ministre a fait adopté en première lecture au gouvernement, début mai, son projet de réforme du décret Paysage. Une pilule qui a dû mal à passer pour Lucas van Molle.
"L'ambition affichée de la réforme, c'est d'améliorer le taux de réussite dans l'enseignement supérieur, en annonçant aux étudiants qu'ils auront deux ans pour réussir leurs 60 crédits de BAC1. C'est un faux débat. Si on s'intéresse à l'échec dans le supérieur, les solutions doivent être trouvées dans la lutte contre la précarité. Or, ce que fait la ministre, c'est un nettoyage socio-économique. Le taux de réussite va probablement augmenter, mais pas pour les bonnes raisons. Les défavorisés seront éjectés de l'Enseignement supérieur", lâche-t-il.
Une enquête de Randstad Research, menée au tout début de la crise sanitaire, révélait qu'en temps normal, 36% des étudiants-jobistes rencontraient déjà des difficultés à se concentrer sur leurs cours. Une réalité qui n'a fait que s'aggraver avec la crise sanitaire, selon le président de la FEF. "Aujourd'hui, les étudiants qui peinent à réussir leurs crédits sont précisément ceux issus de familles défavorisées, qui doivent prendre un job, faute de moyens financiers. On peut facilement comprendre qu’ils aient du mal à se concentrer sur leurs cours et en plus de ça, ils n'auront désormais que deux ans pour réussir leurs crédits de Bac1", souligne-t-il.
À cette occasion, le président de la FEF rappelle que dans son rapport annuel de 2019 (p.238), l'OCDE avait indiqué qu'un étudiant issu d'un milieu socio-économique défavorisé, "même très performant", rencontrait davantage de difficultés dans l'enseignement supérieur "à cause de problèmes financiers".
Un agenda à imposer
La rentrée de septembre se prépare déjà maintenant pour le nouveau bureau de la FEF. Au programme, faire barrage à la réforme du décret Paysage, mais aussi réclamer pour une deuxième année de suite la neutralisation des critères de finançabilité (les critères qui déterminent la capacité de l'étudiant à se réinscrire dans son année académique, NDLR). Pour Lucas van Molle, il n'y a pas de raison qu'elle ne soit pas appliquée: "L’année académique a une nouvelle fois été très éprouvante en raison de la pandémie. Si on se fie à la logique de l’année passée, la neutralisation des critères de finançabilité s’impose encore."
"Si on se fie à la logique de l'année passée, la neutralisation des critères de finançabilité s’impose encore."
Avant de penser à une future carrière syndicale, Lucas van Molle reste très concentré sur la fonction pour laquelle il a été élu: "Il y a des combats à mener pour la précarité des étudiants, un agenda à imposer au politique. Le principal pour moi, maintenant, c’est d’être digne de la fonction de président de la FEF."
- Lucas van Molle succède à Chems Mabrouck à la présidence de la FEF.
- La FEF considère que la réforme du décret Paysage va provoquer "un nettoyage socio-économique" de l'Enseignement supérieur.
- La neutralisation des critères de finançabilité doit être appliquée une année supplémentaire, selon l'organisation étudiante.
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