Publicité

Zone euro "On est encore dans le délire"

Le stratégiste français François Heisbourg appelle à ce que la Grèce sorte provisoirement de la zone euro.

L’Europe s’y est mal prise pour tenter de sauver la Grèce et l’Irlande. C’est du moins l’avis de François Heisbourg, le président de l’International Institute for Strategic Studies (IISS, basé à Londres), et conseiller spécial du think tank français Fondation pour la recherche stratégique. Selon lui, cela ne fait pas de doute: la Grèce doit prendre "congé" de l’euro.

 

Publicité

Que reprochez-vous à la gestion de la crise de la dette par l’Union européenne?

Par rapport aux objectifs, c’est-à-dire le sauvetage de la Grèce et de l’Irlande et peut-être demain du Portugal, le mécanisme ne marche pas. On prête de l’argent cher à des pays déjà très endettés tout en leur imposant des mesures d’austérité qui sont de nature à en ralentir ou en annuler la croissance. Le mécanisme qu’on a mis en place revient à enfoncer davantage dans le trou les pays concernés. Dans trois ans, la Grèce sera plus endettée qu’elle ne l’est aujourd’hui. Si c’est cela le but recherché, il est atteint… Mais j’ai cru comprendre que le but recherché était de réduire l’endettement, s’approcher de l’équilibre des comptes et faire en sorte qu’un substrat de croissance se mette en place dans ces pays.

Que faudrait-il faire?

Soit plus d’Europe, soit moins d’Europe. Le statu quo n’est pas bon, il faut donc le changer, soit par le haut, soit par le bas. Le cas échéant, l’un puis l’autre. Plus d’Europe, ça veut dire des mécanismes de convergence budgétaires fiscaux… Des transferts de souveraineté de facto ou de jure vers les institutions européennes. Personnellement c’est mon souhait.

Mais cela ne peut se faire de façon technocratique. Si on essaye de faire ça "en loucedé", en faisant jouer l’article 48.3 du traité de Lisbonne et d’autres artifices de ce type, les opinions publiques ne le supporteront pas. En Allemagne, Angela Merkel a payé très cher le plan d’aide à la Grèce lors des élections régionales de Rhénanie-Westphalie. Cette année, elle fait face à sept élections régionales distinctes… Et je pense que Marine Le Pen savait ce qu’elle faisait en mettant la question de la souveraineté au centre de son discours [d’investiture à la présidence du FN]: la souveraineté, c’est le terrain de chasse des prochaines présidentielles en France.

Un changement des traités serait un processus trop long?

Voilà. le transfert démocratique suppose la négociation d’un vrai nouveau grand traité européen… Et à supposer que c’est envisageable, cela ne peut se faire au rythme que nous imposent les marchés.

D’où le "moins d’Europe"…

Oui: plutôt que de faire semblant que le statu quo est soutenable, et plutôt que de dramatiser à l’excès les conséquences d’éventuels ajustements de l’euro, il faut envisager cette option. Quelles seraient les conséquences réelles d’une mise en "congé" de la Grèce par rapport à la zone euro pour une période de 10 ans, par exemple? Cela permettrait à la Grèce de se restructurer tout en bénéficiant des marges de manœuvre monétaires qu’apporterait la possibilité de dévaluer. Qu’on ne vienne pas me dire que l’existence de l’Europe serait mise en cause parce que la Grèce ne serait pas dans l’euro! C’est idiot: elle n’en fait partie que depuis six ans, et la construction européenne a fonctionné sans la Grèce pendant des dizaines d’années.

N’y a-t-il pas d’alternative?

L’alternative, c’est la poursuite de ce que nous faisons: on aide les Grecs à s’endetter en leur imposant des mesures de rigueur qui étouffent leur croissance, avec au final un alourdissement encore plus insupportable de la dette. C’est ce que les marchés nous disent! Bref, il vaut mieux se préparer à des replis tactiques dans la construction européenne plutôt que de nier l’évidence: le statu quo n’est pas soutenable s’agissant de la Grèce, de l’Irlande, et vraisemblablement du Portugal.

Publicité

Ce serait terriblement complexe à mettre en œuvre…

Oui. Ce serait en tout état de cause dramatique, et il faudrait inventer les mécanismes juridiques et politiques pour ce faire. Mais l’UE a une longue habitude de ce type de flexibilité. Et encore une fois: quelle est l’alternative? Attendre que la vérité des chiffres s’impose plus brutalement encore dans deux, trois, quatre ans? Ce n’est pas raisonnable. L’UE est capable de mettre en place des mécanismes complexes.

Mais est-elle prête pour autant à le faire?

Je pense qu’on est encore dans le délire, dans la pensée magique qui consiste à trouver que l’alourdissement de la dette et la diminution du PIB sont deux mouvements qui vont résoudre le problème. Il faut se réveiller!

Publicité
D'ici fin avril, la Belgique doit démontrer les mesures politiques prises pour réduire son déficit budgétaire. Le temps presse pour les négociateurs de l'Arizona.
L'Europe accorde sous conditions un sursis à la Belgique pour son budget
L’Union européenne a fixé à fin avril la date limite pour que la Belgique présente un plan budgétaire sur sept ans. Notre pays devra aussi montrer des avancées sur certaines réformes.
Messages sponsorisés