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Face au désordre du monde, l'Europe et l'Inde accélèrent leur rapprochement

La présidente de la Commission européenne, Ursula von der Leyen, accueillie par le Premier ministre indien Narendra Modi devant Hyderabad House, à New Delhi, le 28 février. ©EPA

En pleine tempête tarifaire et diplomatique américaine, von der Leyen et Modi annoncent un accord de libre-échange pour la fin de l’année et un renforcement de leur coopération en matière de sécurité.

Le hasard de calendrier ne pouvait pas mieux tomber. La semaine même qui aura vu les États-Unis voter avec la Russie à l’ONU et annoncer des droits de douane de 25% contre l’Europe, l'ensemble de la Commission européenne s'est envolée pour l'Inde – démarche inédite – pour marquer une nouvelle étape dans la relation indo-européenne.

On ne part évidemment pas de nulle part: Bruxelles et New Delhi entretiennent depuis vingt ans un partenariat stratégique vivotant, qui vient à échéance cette année. Mais la volonté affichée est de renforcer la coopération et les échanges tous azimuts, de la défense à l'Intelligence artificielle, en passant par le commerce. Quinze ans après le lancement de négociations en vue d’un accord commercial, Ursula von der Leyen et le premier ministre Narendra Modi ont annoncé vendredi leur objectif commun de les conclure avant la fin de l’année.

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"L’Inde est un marché assez fermé, en particulier pour des produits d’intérêt clé pour l’UE, dont les voitures, les vins et spiritueux."

Levier de "de-risking"

L’Europe est le plus grand partenaire commercial de l'Inde, et les échanges commerciaux ont triplé en vingt ans (124 milliards d’euros de biens en 2023). L’Inde devrait devenir la troisième économie du monde dans les années qui viennent, le potentiel d’une libéralisation des échanges est important. Mais l’affaire est encore loin d’être pliée.

"L’Inde est un marché assez fermé, en particulier pour des produits d’intérêt clé pour l’UE, dont les voitures, les vins et spiritueux", souligne ce fonctionnaire européen, qui attend des concessions tant sur les barrières aux échanges (tarifaires et non tarifaires) que sur la possibilité pour des entreprises européennes de participer aux appels d’offres publics en Inde. New Delhi, de son côté, cherche à faciliter en Europe la vente de produits textiles et médicaments, notamment, et demande plus de visas pour ses citoyens.

Un tel accord constituerait pour l'Europe un levier de "dé-risking": diversifier le commerce et les investissements pour réduire les dépendances préjudiciables à l’égard de la Chine, notamment. UE et Inde discutent de la manière de développer des chaînes d’approvisionnement dans des secteurs clés, comme celui des semi-conducteurs. "En allant chercher les produits dont nous avons besoin chez des partenaires en qui nous avons confiance, nous évitons des dépendances nocives", soulignait vendredi Ursula von der Leyen.

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Européens et Indiens entendent aussi se mettre au diapason sur le sujet clé de l’Intelligence artificielle. L'IA doit être "au cœur de notre prochain agenda stratégique", dixit von der Leyen. Et le nouveau partenariat va chercher à renforcer la coopération en matière de sécurité et défense, singulièrement dans les domaines cyber, maritime et de contreterrorisme.

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Un rapprochement naturel

Il y a une dose de realpolitik dans l'intensification de relations avec l'Inde. L'arrivée au pouvoir de Narendra Modi, dirigeant du parti d'extrême-droite hindou BJP, s'est accompagnée de multiples atteintes à l'État de droit et aux droits des minorités – sans susciter de réaction européenne notable. Et on pourrait voir un paradoxe dans le fait que l’Union se rapproche d’un allié traditionnel de la Russie – après sa troisième investiture, la première visite à l’étranger du dirigeant indien a été pour Vladimir Poutine, à Moscou.

"Du point de vue de l’Inde, l’UE est un bon partenaire commercial et reste un élément de stabilité dans le monde."

Jan Luykx
Institut Egmont

Mais pour Pooja Jain-Grégoire, chercheuse à l’institut de recherche français Asia Centre, l'alliance UE-Inde est assez naturelle: "L’Inde est une puissance moyenne qui ne prend pas de posture offensive, n’est pas menaçante, c'est donc logique pour beaucoup d’autres pays de se tourner vers elle." Jan Luykx, senior associate fellow à l'institut Egmont, souligne de son côté le pragmatisme de la position indienne: "Sur le plan géopolitique, l’Inde a une philosophie de l'autonomie stratégique: ils cherchent l’autonomie, et tout ce qui compte, c'est l'intérêt de l'Inde."

Si la volonté européenne de diversifier ses relations stratégiques est claire, celle de New Delhi l'est tout autant. La guerre en Ukraine a mis en tension sa relation avec la Russie: elle réduit la disponibilité de matériel militaire russe, dont elle dépend majoritairement pour assurer sa défense; et elle a rapproché Moscou de Pékin, alors que la Chine est perçue comme la menace n°1 à New Delhi. "Du point de vue de l’Inde, l’UE est un bon partenaire commercial et reste un élément de stabilité dans le monde: un acteur qui, comme elle, défend un système international fondé sur des règles", souligne Jan Luykx.

Un sommet doit être organisé en seconde partie de l’année pour lancer l’agenda stratégique dans lequel s’inscrira la relation indo-européenne après 2025.

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