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L'héritage de Joe Biden assombri par une campagne de trop

Le président des États-Unis, Joe Biden, monte à bord d'Air Force One à la base d'Andrews, dans le Maryland, le 11 novembre 2024. ©IMAGO/MediaPunch via Reuters Connect

Joe Biden a relancé l'économie américaine, retissé des liens avec l'Europe et renforcé l'Otan. Desservi par son âge et une communication défaillante, il n'a pu éviter la dégringolade en fin de mandat.

Lors de son investiture, le 20 janvier 2021, Joe Biden incarnait l'espoir d'un renouveau des États-Unis déstabilisés et isolés du reste du monde par la présidence chaotique de Donald Trump. Des fanatiques venaient de prendre d'assaut le Capitole, galvanisés par un Trump revanchard et complotiste. Quatre ans plus tard, "Old Joe" s'en va, l'aura ternie par sa déroute lors de l'élection présidentielle. Sa campagne de trop. Il laisse derrière lui un héritage incertain et un Trump II augurant une longue éclipse de la démocratie américaine, sinon son crépuscule.

"J'espère que l'histoire dira que je suis arrivé au pouvoir avec un plan pour restaurer l'économie et rétablir le leadership de l'Amérique dans le monde", a lancé Joe Biden lors d'une récente interview. "Et j'espère qu'elle retiendra que je l'ai fait avec honnêteté et intégrité, que j'ai dit ce que j'avais en tête."

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"Joe Biden semble être la parenthèse, alors qu'on avait cru que Donald Trump le serait."

Serge Jaumain
Professeur d'histoire contemporaine et spécialiste des États-Unis à l'ULB

Le meilleur et le pire se sont côtoyés lors de sa présidence. Sa victoire contre Donald Trump était déjà, en soi, un exploit. Le démocrate, âgé de 78 ans, s'était donné pour mission de stabiliser les États-Unis.

La première moitié de son mandat se révéla positive, grâce à des mesures pour relancer l'économie et au réchauffement des relations avec les alliés des États-Unis.

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Sa plus grave erreur

"Joe Biden semble être la parenthèse, alors qu'on avait cru que Donald Trump le serait", dit Serge Jaumain, professeur d'histoire contemporaine et spécialiste des États-Unis à l'ULB.

Cette fin de mandat laisse ses partisans dans le désarroi, en dépit des efforts déployés en quatre ans par une administration expérimentée. Nul doute que Donald Trump, plus remonté que jamais, saura exploiter ces temps d'incertitude.

Pour beaucoup d'observateurs, la plus grave erreur de Biden fut de se représenter à la présidence, sans laisser de chance à un candidat alternatif lors de primaires. "On pensait qu'il aurait été un président de transition, ce qui signifiait qu'il devait être remplacé, ce qui n'a pas été le cas. Cela a donné une image désastreuse", poursuit Serge Jaumain.

Cet excès de confiance ouvrit la porte aux critiques les plus féroces lors d'un débat de la présidentielle à Atlanta qui révéla un Biden gauche et vieillissant face à un Trump survolté. Le résultat est cinglant. Le dernier sondage Gallup a révélé une popularité au plus bas pour le président sortant, à 39% contre 57% au début de son mandat.

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Le président américain Joe Biden et le candidat républicain à la présidentielle, Donald Trump, participent au débat présidentiel de CNN aux studios CNN le 27 juin 2024 à Atlanta, en Géorgie.
Le président américain Joe Biden et le candidat républicain à la présidentielle, Donald Trump, participent au débat présidentiel de CNN aux studios CNN le 27 juin 2024 à Atlanta, en Géorgie. ©AFP

Un bilan économique positif

La bonne santé actuelle de l'économie américaine plaide en faveur de Biden. Pas moins de 16,5 millions d'emplois ont été créés sous son administration. Un record.

"Le bilan économique de Joe Biden est considéré comme fort bon. Certains disent que c'est la première fois qu'on crée autant d'emplois. Si on compare avec d'autres pays, c'est une belle réussite", résume Serge Jaumain.

"Les analystes estiment qu'il laisse un pays en bon état sur le plan économique, mais ce n'est pas comme cela que les Américains le ressentent."

Serge Jaumain
Professeur d'histoire contemporaine et spécialiste des États-Unis à l'ULB

Pour parvenir à ce résultat, Joe Biden s'est entouré de conseillers vétérans de la politique américaine qui lui ont permis de faire passer des législations ambitieuses, regroupées sous la coupole du "Build back Better Plan", en dépit d'une courte majorité au Congrès.

Son chef de cabinet était Ron Klain, un habitué des administrations démocrates depuis Bill Clinton. Comme secrétaire au Trésor, il a choisi Janet Yellen, une économiste brillante, considérée par le prix Nobel Joseph Stiglitz comme une de ses meilleures élèves.

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Grâce à sa garde rapprochée, le 46ᵉ président des États-Unis a pu mettre en œuvre dès son arrivée à la Maison-Blanche un "plan de sauvetage" de l'économie américaine doté de plus de 2.000 milliards de dollars de dépenses publiques, dont une partie en subventions des dépenses de santé, et une campagne de vaccination contre le covid.

Biden a aussi lancé un vaste programme d'investissement dans les infrastructures, de plus de 1.000 milliards de dollars, comprenant le financement dans les réseaux de transport, l'environnement et la construction.

Puis il y eut un troisième plan : la législation sur la réduction de l'inflation ("Inflation Reduction Act", IRA), censée agir contre l'inflation, qui se concentrait en réalité sur la relance des investissements privés, la production d'énergie verte et la baisse des prix des médicaments.

Une politique désynchronisée

Cette stratégie a rendu du souffle à l'économie américaine. Mais toute médaille a son revers.

"Le problème de ces mesures, c'est qu'elles ont fait exploser la dette américaine. Biden n'a pas été très attentif à cela", poursuit Serge Jaumain. "Les analystes estiment qu'il laisse un pays en bon état sur le plan économique, mais ce n'est pas comme cela que les Américains le ressentent", ajoute-t-il.

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Les politiques keynésiennes sont lentes à appliquer, ce qui repousse à plusieurs années l'évaluation de leur impact réel sur le pouvoir d'achat. Or, les combats dans l'arène politique contemporaine obéissent à une temporalité immédiate. Un paramètre que Trump a parfaitement intégré, au contraire de Biden.

Au fur et à mesure du mandat présidentiel, l'administration Biden s'est désynchronisée de la population américaine. "Donald Trump a réussi à rassembler une Amérique mécontente de l'augmentation des prix de l'essence et à l'épicerie", dit Serge Jaumain.

"Il faudra attendre le recul de l'histoire pour voir quel jugement porter sur sa présidence."

Serge Jaumain

Le champion des démocraties

À son actif, Joe Biden s'est appliqué à redresser l'image des États-Unis sur la scène internationale. Il a relancé les relations transatlantiques et ramené son pays dans l'accord de Paris sur le climat, dont Trump l'avait sorti.

La période de grâce fut brève. Le démocrate a essuyé un premier échec retentissant lors de la mise en œuvre, en août 2021, du plan de retrait de l'armée américaine d'Afghanistan, certes négocié par Trump. On se souvient des images des Afghans prenant d'assaut les avions de ligne pour fuir les talibans.

Joe Biden a rattrapé ce fiasco par sa réaction lorsque le président russe Vladimir Poutine a lancé, le 24 février 2022, plus de 300.000 hommes et des milliers de chars à l'assaut de l'Ukraine. L'invasion, censée prendre trois jours, a été tenue en échec durant trois ans par un pays soudé autour de son président, Volodymyr Zelensky, et soutenu par l'Occident.

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Biden a eu le mérite de coordonner les alliés de l'Ukraine et de fournir la plus grande partie de l'armement défensif indispensable. Mais il s'est abstenu d'envoyer des armes en suffisance pour assurer la victoire à Kiev, par peur de déclencher une guerre mondiale.

Le président américain Joe Biden salue Volodymyr Zelensky, le président de l'Ukraine, devant la Maison-Blanche à Washington, DC, États-Unis, le 21 décembre 2022.
Le président américain Joe Biden salue Volodymyr Zelensky, le président de l'Ukraine, devant la Maison-Blanche à Washington, DC, États-Unis, le 21 décembre 2022. ©Bloomberg

L'expérience politique de Biden et sa capacité à anticiper se sont révélées précieuses, les services de renseignements américains allant jusqu'à avertir les pays alliés des intentions de Poutine plusieurs mois à l'avance.

Le président sortant est parvenu à retisser des liens avec les alliés historiques des États-Unis, renforcer l'Otan moribonde, qui s'est élargie à la Suède et la Finlande, et à s'ériger, au passage, en champion des démocraties face aux régimes "autocrates et liberticides" que sont la Russie, l'Iran et la Chine.

Nous l'avons constaté lors de ses conférences de presse à Bruxelles: Joe Biden s'exposait peu.

La dégringolade

Cela n'a pas empêché son image de s'étioler, avant de dégringoler lors de la campagne présidentielle. Une tendance déjà perceptible dans sa politique au Moyen-Orient, marquée par son incapacité à imposer la paix entre Israël et le Hamas après le massacre commis le 7 octobre par le groupe terroriste. Bien qu'il ait enjoint Israël à la retenue, il ne put empêcher les terribles conséquences de l'invasion de Gaza sur la population palestinienne.

Le débat présidentiel raté fut le premier d'une suite de faux pas qui ont mené Joe Biden à jeter l'éponge. L'acmé fut atteint lorsqu'il rebaptisa "président Poutine" un Volodymyr Zelensky médusé. Avant de se raviser.

Les Américains découvrirent cet été un président vieilli et affaibli. Mal conseillé, il était devenu un messager pitoyable. Ancien bègue, raillé par certains de ses professeurs lors de ses études, il avait pourtant réussi à dépasser sa maladie. À l'âge de 81 ans, le voilà rattrapé par ses vieux démons.

Ce malaise n'est pas nouveau. Nous l'avons constaté lors de ses conférences de presse à Bruxelles : Joe Biden s'exposait peu. Il suivait un prompteur et ne laissait la parole qu'aux journalistes "maison" l'accompagnant, contrairement à Donald Trump.

Son équipe de communicateurs n'a pu inverser le processus, tandis que Trump décollait sous la poussée d'Elon Musk et de son réseau social. "On découvre à quel point il a été surprotégé par son entourage, qui a limité son exposition médiatique", dit Serge Jaumain. "Il faudra attendre le recul de l'histoire pour voir quel jugement porter sur sa présidence", conclut-il.

Pour l'instant, son héritage le plus visible est Trump.

Le résumé
  • L'héritage du président sortant, Joe Biden, ne pourra s'apprécier qu'avec le temps, en particulier s'agissant des mesures économiques.
  • À son actif, le démocrate est parvenu à relancer les relations transatlantiques, renforcer l'Otan et combattre les régimes autoritaires. Mais l'élection présidentielle fut sa campagne de trop.
  • Une communication défaillante et le vieillissement n'ont pas permis au démocrate de vendre son bilan, face à un Donald Trump survolté et soutenu par Elon Musk.
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