"Le moteur de Google est modifié plusieurs fois par jour"
Pour proposer des résultats toujours plus pertinents aux utilisateurs, Google revoit sans cesse le fonctionnement de son moteur de recherche. Rien que l'année passée, plus de 1.600 adaptations ont été mises en places. L'épisode "fake news" n'y est pas pour rien.
Son métier? Superviser les recherches des internautes du monde entier. Lorsque vous entrez un mot-clé dans la barre de recherche du géant américain Google, c'est-à-dire que vous cherchez des informations sur votre prochaine destination de vacances ou juste sur les concerts à venir cette semaine, vous tombez quelque part sous la responsabilité de cet homme: Ben Gomes, vice-président depuis près de 20 ans du service à la popularité indéniable qui a été jusqu'à donner naissance au verbe "googler".
Sa mission? De vous permettre d'accéder à l'information qui vous intéresse. Une idée simple en apparence… et pourtant, elle peut concerner une réponse à une question que vous vous posez, mais aussi à une autre à laquelle vous n'auriez tout bonnement pas pensé. Pour parvenir à relever pareil défi, l'outil sur lequel travail l'équipe de ce docteur en sciences informatiques évolue sans cesse.
Un autre grand nom de la technologie, Facebook, a récemment revu la hiérarchie de son fil d’actualité. Qu'en est-il chez vous?
Bien que souvent invisibles pour le grand public, les changements sont permanents au sein du moteur de recherche. Il en va de modifications au niveau des algorithmes par exemple. Rien que sur l'année passée, nous avons lancé plus de 1.600 améliorations, soit plusieurs par jour en moyenne.
- Plus de 165 millions de noms de domaines indexés à ce jour.
- Plus de la moitié des billions de recherches effectuées sur mobile.
- 15% des recherches quotidiennement effectuées considérées comme neuves.
- Le Knowledge Graph qui cartographie comment plus d’un milliard de choses sont connectées.
- Chaque mois, des utilisateurs du monde entier qui cherchent environ 500 millions de fois des informations sur du contenu culturel en ligne.
Quel est l’objectif poursuivi?
De mieux comprendre les requêtes des utilisateurs et donc de leur proposer de meilleurs résultats, ce qui est fondamental car quand un utilisateur formule une question, il ne connaît bien souvent pas les mots spécifiques à employer. C'est lié au fait qu'il n'est pas familiarisé avec le sujet. Par exemple, un internaute pourrait chercher comment "changer la luminosité" de son écran, alors que le terme adéquat dans le domaine est "ajuster". Ce simple élément demontre les adaptations que nous devons apporter.
Quelle solution à ce problème? Vous cherchez simplement des synonymes?
En quelque sorte, mais pas selon la définition que l'on en a en français. Il en va ici de synonymes bien plus détaillés et contextuels, ce qui nous a pris environ cinq ans pour que le système (dénommé Knowledge Graph, NDLR) fonctionne. Désormais, il est appliqué à travers plusieurs langues dans le monde.
Vous comprenez désormais le sens des mots?
Pas sémantiquement, non, mais bien comment ils sont reliés les uns entre les autres. Ce qui peut amener à des résultats quasi magiques parfois, comme quand quelqu'un retrouve un film en indiquant quelques mots-clés sur une scène spécifique ou un morceau rien qu'avec quelques bribes des paroles dont il se souvient. Cette technologie est rendue possible du fait que nous comprenons comment les mots sont groupés, et ce, même si leur signification reste floue.
Comment y êtes-vous parvenus?
Nous soumettons nos idées d'algorithmes à un groupe de 10.000 évaluateurs à travers le monde (qui s'appuient sur un ensemble de directives, NDLR). Ils doivent juger laquelle de la version A ou de la version B est la plus pertinente. Sur la base de leur réponse, nous pouvons, après quelques tests supplémentaires, décider si la modification est bonne ou non à apporter.
Suite aux fake news, nous allons désormais mieux prendre en compte l’autorité des sources au niveau de l'actualité, comme nous le faisions pour des recherches financières ou en matière de santé.
En ce moment, on parle beaucoup de "fake news". Quel en a été l’impact?
Nous avons revu notre processus d'évaluation de modifications afin de, par exemple, mieux prendre en compte l'autorité d'une source pour ce qui est des médias, élément que nous appliquions jusqu'à présent pour les recherches financières ou en matière de santé. C'est un changement important. Par ailleurs, nous avons instauré différents outils permettant aux internautes de remonter du feedback concernant des contenus inappropriés.
- Né fin des années 60 à Dar es Salam (Tanzanie), il étudie les sciences informatiques à l'université Case Western Reserve (Ohio).
- Après un master et un doctorat à l'université de Californie (Berkeley), il travaille chez Sun Microsystems, fabricant d'ordinateurs et éditeur de logiciels racheté en 2009 par Oracle.
- En 1999, il rejoint Google où il occupe désormais la fonction de vice-président pour tout ce qui est moteur de recherche.
L'on assiste de plus en plus à l'émergence d'informations courtes (météo, score de foot, fiche d'identité d'un pays...) au sein même des résultats. Pourquoi?
Il s'agit d'apporter une réponse rapide à ce que l'on appelle des recherches transactionnelles, comme quand quelqu'un cherche à savoir à quelle distance est située à la Lune. Il a besoin d'un retour de rapide. Ce qui n'est pas cas dans le cadre d'une recherche sur un voyage à Lisbonne par exemple. Le processus est plus long, incluant de multiples recherches comme: quels sont les musées à voir, quelle nourriture est conseillée, quels sont les quartiers intéressants à visiter... Au total, l'utilisateur arrive, en moyenne, à une centaine de recherches, puis cela s'arrête dès lors qu'il est revenu de voyage et passe à autre chose. Et enfin, reste le dernier type que sont des recherches éternelles comme dans le cas de vos hobbys ou de votre équipe de foot favorite. Dans ces deux derniers cas, il est important pour nous de suggérer de prochaines étapes (comme dans le cas des liens "plus de résultats" et "voire d'autres éléments" suggérés dans l'interface, NDLR) proactivement aux internautes, ce que l'intelligence artificielle facilite aujourd'hui.
Amenant des idées auxquelles l'utilisateur n'aurait pas pensé de lui-même?
Exactement. Pour ce faire, à l'avenir, nous allons vraiment travailler sur le contexte fourni autour des recherches, un élément où nous avons encore beaucoup à faire.
Le mobile connaît un déploiement rapide partout dans le monde. Peut-on parler d'un changement de paradigme?
Oui. Selon les estimations, 5 milliards d'utilisateurs mobiles sont attendus dans le monde d'ici 2020. Résultat, même un enfant au fin fond de l'Inde disposera bientôt d'un superordinateur à portée de main, à savoir un smartphone, ce qui lui ouvrira les portes d'une information à laquelle il n'avait très certainement jamais eu accès par le passé.
Quelle est votre mission face à cela?
D'organiser le monde de l'information pour le rendre utile et accessible de manière universelle, ce qui devient chaque jour plus important vu le nombre croissant de personnes qui y accèdent.
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