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Mettre les coûts de votre logement à charge de votre société, c'est fini

Le temps où vous faisiez glisser vos coûts de logement vers votre société appartient au passé. Pire: acheter une villa au nom de votre entreprise n’est plus vraiment une bonne idée.
©ANP XTRA

En Belgique, 23.500 dirigeants d’entreprise habitent gratuitement dans un logement de société, c’est-à-dire une habitation qui a été achetée au nom de l’entreprise. Une telle situation peut faire rêver si on exerce son métier d’architecte, de comptable ou de peintre via une société. Pourquoi en effet ne pas acheter son logement en passant par son entreprise, puisqu’on évite ainsi de devoir supporter soi-même l’achat et les frais d’entretien de son habitation?

23.500
dirigeants d’entreprise
Le nombre de dirigeants d’entreprise qui habitent en Belgique dans un logement acheté par leur société.

Hélas, la réalité n’est pas aussi simple. "Acheter une habitation via sa société n’est pas toujours le plus intéressant", prévient Bart Van Coile, vice-président de l’IEC (Institut des Experts-comptables et des Conseils fiscaux). Car le fisc a en ligne de mire les techniques auxquelles on avait tendance à recourir pour reporter sur sa société un maximum de coûts. Sans oublier que si on achète une habitation en tant que personne physique et qu’on contracte un crédit logement, on a droit (dans certains cas) au chèque habitat en Wallonie ou au bonus-logement en Flandre, ce qui constitue un fameux avantage fiscal.

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1. Vous achetez une habitation via votre société, qui la met gratuitement à votre disposition

Avantages

→ La déduction des frais. En théorie, votre société peut déduire de son bénéfice imposable toutes sortes de frais. Tels que les frais de notaire, les droits d’enregistrement, les intérêts de l’emprunt, les frais d’entretien et le précompte immobilier.

→ L’amortissement de l’habitation. L’entreprise peut amortir le coût d’acquisition de l’habitation (attention: pas celui du terrain sur lequel elle est construite). Soit une bonne façon de réduire le bénéfice imposable de votre entreprise au fil des ans.

→ Des frais de donation moindres. Il peut être intéressant d’anticiper votre succession en achetant une habitation via votre société. Si plus tard vous voulez faire une donation à vos enfants, il vous suffit de faire donation des actions de la société au lieu de la maison elle-même. Comme vous donnez dans ce cas un bien mobilier et non pas un bien immobilier, les droits de donation sont moindres: 3,3% en Région wallonne, 3% à Bruxelles et en Flandre. Si vous faites donation d’un bien immobilier, en revanche, les taux oscillent entre 3 à 27%.

→ Ni crédit ni loyer. Pour le dirigeant d’entreprise lui-même, cette formule permet d’occuper un logement sans payer de loyer ni devoir emprunter, et partant, sans devoir rembourser.

→ Une réduction d’impôt importante. Le fait de pouvoir habiter un logement gratuitement constitue un avantage sur lequel vous serez taxé à l’impôt des personnes physiques. Vous devez en effet le reprendre dans votre déclaration fiscale puisqu’il entre dans les avantages de toute nature. Ces dernières années, la manière dont cet avantage est repris a cependant donné des sueurs froides à plus d’un. En effet, en 2012, le gouvernement Di Rupo a décidé de relever fortement la base de calcul de cet avantage. Au début de cette année, le ministre des Finances, Johan Van Overtveldt (N-VA), a cependant annoncé qu’il ferait machine arrière, poussé dans le dos par la jurisprudence il est vrai. Finalement, lors du dernier conclave de l’été, le gouvernement a décidé de fixer cet avantage de toute nature à 100/60 du revenu cadastral indexé, multiplié par 2. Pour les habitations dont le revenu cadastral est supérieur à 745 euros, cela représente une fameuse économie, puisque depuis 2012, les bénéficiaires de cet avantage payaient près du double.

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Exemple

Sur un revenu cadastral (RC) de 1.200 euros, l’avantage fiscal se calcule comme suit: 1.200 euros (=RC) x 100/60 x 1,7863 (coefficient d’indexation en 2018) x 2 = 7.145 euros d’avantage de toute nature imposable. Ce qui correspond à un loyer mensuel de 595 euros. À un taux d’imposition de 50%, cela donne 3.573 euros d’impôt, soit 298 euros par mois, ce qui est plus avantageux que si vous deviez rembourser un crédit logement ou payer un loyer.

Inconvénients

Autant d’avantages, cela semble une véritable aubaine. Il y a cependant des inconvénients aussi.

→ Le fisc plus strict. L’administration fiscale, suivie en cela par de nombreux tribunaux, jette un œil de plus en plus suspicieux sur les frais que les sociétés exposent. Résultat: elle rejette de plus en plus de frais, ce qui alourdit la taxation de la société. "Il n’y a pas encore de ligne de conduite bien nette dans la jurisprudence, reconnaît Bart Van Coile. Certains tribunaux acceptent certains frais, d’autres non. Il n’y a guère d’uniformité."

Le fisc a aujourd’hui en ligne de mire les techniques auxquelles les chefs d’entreprise avaient tendance à recourir pour reporter sur leur société un maximum de coûts.

Selon l’avocate Ellen Vandingenen, de Tiberghien, les tribunaux n’acceptent plus que la société déduise de son bénéfice les frais du logement s’il ne ressort pas clairement de documents que la maison a été achetée pour rémunérer le dirigeant d’entreprise.

"Mais c’est bien difficile à prouver en pratique, renchérit le conseil fiscal Roel van Hemelen (TaxQuest). Si la société a octroyé ces dernières années une rémunération de 50.000 euros par exemple et qu’elle déduit tout à coup 25.000 euros de frais parce qu’elle a acheté cet immeuble, vous devrez, en tant que dirigeant d’entreprise, démontrer que vous avez travaillé 50% de plus! Raison pour laquelle ces frais sont de plus en plus souvent rejetés."

→ L’impôt sur la plus-value. L’achat d’une villa via une société présente aussi un autre inconvénient. Si l’entreprise revend la villa plus cher, la plus-value est imposée. Attention, plus cher, cela ne veut pas dire: plus cher qu’elle l’a achetée! La plus-value est en effet la différence entre le prix de vente et la valeur de la villa telle que reprise dans les comptes de la société. Cela peut donc faire un monde de différence.

Exemple

Supposons que votre société ait acheté un immeuble pour 360.000 euros il y a 10 ans: 240.000 euros pour l’immeuble et 120.000 euros pour le terrain. La société amortit l’immeuble (sans le terrain) sur une période de 30 ans.

Dix ans plus tard, dans les comptes de la société, l’immeuble vaut 240.000 x 20/30 = 160.000 euros, plus le terrain de 120.000 euros, soit 280.000 euros.

Si la société vend le tout pour 400.000 euros, la plus-value sera donc de 400.000 — 280.000 = 120.000 euros (et pas la différence de 40.000 euros entre le prix de vente et le prix d’achat). Sur ce montant, la société paiera l’impôt des sociétés normal, soit 29,58% (en 2018). Les PME bénéficient toutefois sous certaines conditions d’un tarif plus favorable de 20,4% sur les premiers 100.000 euros de bénéfice.

→ Le précompte mobilier. La totalité du prix de vente se retrouve dans la société. Si vous voulez l’intégrer dans votre patrimoine personnel, ce transfert se fera sous forme de dividende… sur lequel vous paierez un précompte mobilier de 30%.

2. Vous achetez une habitation via votre société, à qui vous payez un loyer

Inconvénients

→ Le fisc plus strict. Dans cette hypothèse, la société achète une habitation pour la donner ensuite en location à son dirigeant d’entreprise. "En principe, cela ne devrait poser aucun problème si le loyer payé par le dirigeant est conforme au marché", indique Roel Van Hemelen. Mais on prend malgré tout un risque. "Souvent, des discussions surgissent sur ce qu’est précisément un loyer conforme au marché. Si l’administration fiscale estime que vous ne payez pas assez, elle va malgré tout vous imposer sur un avantage de toute nature tel que décrit plus haut. Elle en déduira simplement le loyer que vous payez."

→ Pas d’avantage financier. Si vous devez de toute façon payer un loyer conforme au marché, cette formule ne présente plus d’intérêt financier. Sans compter qu’en tant que locataire, vous ne pouvez pas profiter du chèque habitat wallon ou du bonus-logement flamand. "Et même dans ce cas, nous constatons que le fisc et les tribunaux n’acceptent plus dans toujours qu’une société déduise de son bénéfice le coût de l’achat et les frais d’entretien du logement. Les experts-comptables conseillent dès lors de plus en plus à leurs clients d’acheter eux-mêmes leur logement privé", poursuit Roel Van Hemelen.

"Les experts-comptables conseillent de plus en plus à leurs clients d’acheter eux-mêmes leur logement privé."

3. Vous optez pour un achat scindé

Une autre voie consiste à acheter en personne physique la nue-propriété d’une villa ou d’un appartement et à en faire acquérir l’usufruit par la société pour une période de 20 ou 30 ans.

Inconvénients

→ Le fisc plus strict. Par le passé, il arrivait fréquemment que le dirigeant d’entreprise n’achetait que la nue-propriété de l’immeuble, ce qui réduisait sérieusement le montant qu’il aurait payé pour la pleine propriété. Il n’était pas rare en effet de voir le dirigeant d’entreprise payer 20% pour la nue-propriété, alors que la société déboursait les 80% restants pour l’usufruit temporaire. Comme la société est usufruitière, elle ne devait payer aucun loyer pendant 20 ou 30 ans. Aussi longtemps que l’usufruit courait, la société pouvait déduire le prix d’achat, une partie des frais d’achat et les droits d’enregistrement de son bénéfice imposable. Bref, un avantage fiscal incontestable.

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"Mais ce type de construction est de moins en moins recommandé, avoue Bart van Coile. Il soulève d’interminables discussions avec le fisc. Celles-ci proviennent de ce que l’usufruit payé par la société a été surévalué durant de nombreuses années." Le dirigeant d’entreprise, de son côté, payait peu pour la nue-propriété, de sorte qu’il récupérait la maison dans son patrimoine privé lors de l’extinction de l’usufruit au bout des 20 ou 30 ans pour "une bouchée de pain". Et cela, alors que la maison avait le plus souvent pris beaucoup de valeur.

Pour éviter les excès, la Commission du Service des Décisions anticipées a établi en 2016 des critères dans une série de dossiers individuels pour réévaluer l’usufruit. Et l’administration fiscale a repris cette approche plus stricte à son compte. Le fisc veille aujourd’hui à ce que le prix payé pour l’usufruit soit davantage en phase avec le loyer que la société aurait payé pour cette habitation. En outre, il tient dorénavant compte de la hausse de valeur sur le marché.

La technique de l’achat scindé appartient-il dès lors tout à fait au passé? "J’ose encore conseiller aujourd’hui un achat scindé, avoue Roel Van Hemelen. Mais uniquement pour la partie professionnelle d’une habitation, pas pour la partie qui est utilisée à des fins exclusivement privées. Et à condition que la proportion entre la valeur de l’usufruit et la valeur de la nue-propriété ait été correctement calculée et qu’elle soit bien documentée. Un achat scindé pour la partie purement professionnelle est toujours possible, mais une évaluation correcte se situera plutôt dans la zone des 35% pour la nue-propriété payée par le dirigeant d’entreprise, sa société déboursant les 65% restants pour l’usufruit."

Si vous envisagez un achat scindé, vous devrez donc financer une plus grande partie de la somme globale avec vos propres deniers.

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