La Banque nationale de Belgique (BNB) et Mario Draghi, le président de la Banque centrale européenne (BCE), ont (encore une fois) alerté récemment les banques belges sur l’octroi des crédits hypothécaires, les exhortant à la prudence. "La BNB appelle à des pratiques plus saines et plus prudentes et à une tarification économiquement saine." Elle est d’ailleurs en train de négocier avec le secteur bancaire et des assurances afin de renforcer plusieurs mesures. "La BNB a décidé d’établir de nouvelles attentes explicites pour les banques et les entreprises d’assurances opérant sur le marché de l’immobilier résidentiel."
Le marché belge du crédit hypothécaire croît en effet à un rythme effréné. L’encours total de ce type de crédits s’établissait à plus de 200 milliards d’euros en 2018, soit quatre fois plus qu’au début de l’année 2000. Si le nombre de crédits octroyés a augmenté, le montant emprunté aussi. Il est passé de moins de 75.000 euros en moyenne à près de 160.000 euros sur cette période, ce qui est dû entre autres au gonflement des prix de l’immobilier. L’exposition des banques belges au secteur a donc fortement augmenté dans ce même laps de temps: les crédits hypothécaires représentaient 21% du total des actifs du secteur bancaire en 2018. De quoi inquiéter la BNB.
L’institution bancaire a déjà pris des mesures à deux reprises. En 2013, elle avait imposé une augmentation de capitaux et relevé de cinq points de base le minimum de fonds propres exigé aux banques. L’année dernière encore, la BNB a fait passer les exigences de fonds propres à 18% et le calcul de coefficient de risque a été affiné. Cette semaine encore, la Banque centrale néerlandaise (DNB) a appelé les banques aux Pays-Bas à constituer 3 milliards d’euros de coussins de sécurité de fonds propres pour s’armer contre le risque hypothécaire.
1. A quelle(s) autre(s) mesure(s) faut-il s’attendre?
Chez Febelfin, on évoque le recours au coussin contracyclique. Il s’agit d’une manne de fonds propres constituée pour faire face aux coups durs et dès lors continuer à octroyer des crédits. "Les nouvelles mesures s’inscriront dans la continuité de celles prises dans le passé, notamment autour du ‘loan-to-value’ (ratio montant du crédit/valeur du bien acheté, NDLR)", explique Rodolphe de Pierpont, porte-parole de Febelfin.
Le patron de Trevi, Eric Verlinden, pense que "la BNB va sans doute durcir les conditions d’octroi du crédit, plus spécialement l’apport de fonds propres".
2. Quel impact sur les crédits octroyés aux particuliers?
Tout dépend de ce que décidera finalement la BNB. Mais si elle demande effectivement un renforcement de l’apport en fonds propres, "ce sera un type de profils en particulier qui sera mis en difficulté. Il s’agit des jeunes ménages qui achètent un premier bien et ont moins de fonds propres", estime le courtier en crédits hypothécaires Patrick Segers, de chez Segers & Associés. "Il est déjà difficile d’acheter un premier bien aujourd’hui, les grandes banques belges exigeant 25 à 35% de fonds propres. Le ménage qui achète son premier bien obtient moins facilement un crédit que les gros investisseurs."
"L’effet ne devrait pas trop se faire sentir, estime de son côté Eric Verlinden. Les mesures d’accompagnement prises par certaines Régions pour un premier achat n’envoient pas de signaux négatifs aux acheteurs, surtout à Bruxelles. La Région wallonne offrant moins d’avantages fiscaux sur le court terme, l’impact pourrait s’y faire ressentir un peu plus en cas de durcissement des conditions d’octroi." Il estime que le taux de refus de crédit, "qui ne dépasse pas les 3% en Belgique à l’heure actuelle", ne devrait donc pas augmenter, même avec des conditions plus strictes de la part des banques.
3. Quid pour les investisseurs?
Il nous revient que la "BNB sera plus regardante sur les prêts accordés aux multipropriétaires". Mais le patron de Trevi reste confiant et pense qu’ils n’en ressentiront pas les effets: "Ils n’ont souvent pas besoin de financement, s’ils le font, c’est plutôt d’un point de vue fiscal."
Les deux hommes s’interrogent cependant sur les signaux d’alerte lancés par la BNB et la BCE: "Ce n’est pas justifié, les quatre grandes banques du pays ont déjà pris des mesures, tandis que les petites banques, qui subissent aujourd’hui la pression, ne veulent pas durcir leurs critères, puisqu’elles proposent déjà des taux plus élevés que les grandes banques", rappelle Patrick Segers. Et Eric Verlinden d’ajouter: "La part des défauts de paiement dans le nombre de crédits hypothécaires n’était que de 0,9% en 2018, ce qui est historiquement bas. Même s’il est important que les banques gardent une certaine ‘sévérité’, elles sont déjà très prévoyantes."
Outre l’apport en fonds propres, un autre critère risque de gagner en importance auprès des banques dans les années à venir, selon Rodolphe de Pierpont: celui de la performance énergétique. "Les banques seront plus regardantes au PEB du logement, car une maison avec un PEB A a un meilleur potentiel en termes de valorisation qu’une maison avec un PEB F, qui risque de perdre de sa valeur. À l’avenir, il sera plus facile d’obtenir un crédit pour un logement avec une bonne performance énergétique que l’inverse."