Édito | Commission européenne: encore trop d'opacité
Le départ dans un claquement de porte de Thierry Breton remet en lumière le faible intérêt des États membres et d’Ursula von der Leyen pour la transparence.
À la surprise générale, ce lundi matin, le commissaire Thierry Breton, en charge du Marché intérieur, a claqué la porte – départ avec effet immédiat. Dans sa lettre de démission, le Français tire sa révérence en indiquant qu’Ursula von der Leyen a récemment "demandé à la France de retirer [son] nom". L’annonce est doublement détonante: parce qu’il était l’un des commissaires les plus puissants de l’exécutif européen, et parce que l’Élysée avait choisi de l’envoyer à la Commission européenne pour un second mandat. Mais l’annonce souligne surtout une double opacité.
Depuis des semaines, les porte-parole de l’exécutif répètent dans toutes les langues que trois critères guident Ursula von der Leyen dans ses discussions avec les gouvernements sur le choix des futurs commissaires: la parité de genre; la compétence des candidats; et la nécessité d’aller vite.
Rien ici pour expliquer le cas Breton: Paris le remplace par un autre homme (Stéphane Séjourné); personne ne lui a lancé de procès en incompétence, et l’on voit mal comment l’éviction d’un commissaire rompu à l’exercice pourrait accélérer la mise en place de la prochaine commission.
Alors, pourquoi ? Les porte-paroles de l’exécutif se taisent dans toutes les langues. Et ce silence est d’autant plus assourdissant que Breton, lui, n’a pas sa langue en poche. Il accuse Ursula von der Leyen d’avoir réclamé le retrait du Français "pour des raisons personnelles", et d’avoir fait du chantage à Paris: si Emmanuel Macron voulait un portefeuille "plus influent", il devait retirer le candidat Breton. Lequel y voit "un nouvel exemple d’une gouvernance douteuse" de la part de la locataire du Berlaymont.
Ceci explique-t-il cela? En amont des élections européennes, Thierry Breton avait attaqué ouvertement Ursula von der Leyen sur ce même thème. À cette époque, la présidente sortante de la Commission cherchait à s’assurer le soutien de sa propre famille politique pour rempiler à un second mandat, et elle avait fait nommer l'une des voix les plus critiques à son encontre au sein de son parti, Markus Pieper, à un poste très lucratif au sein de la Commission. La critique d’hier explique-t-elle l’éviction d’aujourd’hui?
Cet épisode souligne, donc, une double opacité. Au sein des États membres, d'abord, le choix des commissaires est souvent fait en chambre, à l'écart des citoyens et de leurs représentants – cela vaut pour la France, cela vaut aussi pour la Belgique: trop rares sont les pays où cette désignation va chercher quelque légitimité devant le Parlement national. Au sommet de la Commission, ensuite: l’actuelle présidente de l'exécutif européen ajoute de l’opacité au processus en négociant en dehors des clous annoncés urbi et orbi – parité, compétence, rapidité –, et en refusant de s’en expliquer. Ces obscurités superposées abiment la relation entre les citoyens et la Commission – le gouvernement – de l’Union européenne.
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