L'Europe otage du terrorisme d'État
Ce n'est pas seulement un homme qui a été enlevé lors de l'interception du vol Ryanair par la Biélorussie, mais l'idée même de liberté. Il est désormais possible de prendre un avion en Europe et de finir dans les geôles d'un dictateur.
Les dirigeants européens sont apparus unis lundi pour condamner le président biélorusse Alexandre Loukachenko, après le détournement d'un avion de ligne Ryanair, et accélérer le processus de sanctions contre ce régime liberticide. On peut se féliciter de cette unité européenne retrouvée face à un acte de piraterie sans précédent. L'adoption du quatrième paquet de sanctions contre la Biélorussie piétinait depuis plusieurs semaines. Après les récents échecs de la politique étrangère européenne, entre autres lors du conflit israélo-palestinien, cette riposte redore quelque peu le blason de l'Europe.
Il y a peu de chances que la Biélorussie et la Russie, sa principale alliée, soient impressionnées par cette réaction.
Mais il ne faut pas être naïf. Il y a peu de chances que la Biélorussie et la Russie, sa principale alliée, soient impressionnées par cette réaction. Depuis 2014, l'Union européenne multiplie les sanctions contre la Russie pour l'annexion de la Crimée et la guerre déclenchée à l'est de l'Ukraine. Sans avoir réussi à infléchir Moscou.
Cet été, Alexandre Loukachenko a maté la révolte de son peuple dans le sang et par des emprisonnements massifs. L'Europe a pris des sanctions. Puis, l'hiver venu, elle s'est tue. Le dictateur biélorusse a pu finir son travail, dans le silence le plus total.
L'envoi d'un MiG-29 armé de missiles air-air pour contraindre un vol commercial européen à atterrir n'est que le nouvel épisode d'un scénario écrit par un dictateur qui se sent libre d'agir à sa guise depuis son arrivée au pouvoir à la fin des années 90.
Pour comprendre le cynisme de cette opération, il suffit d'imaginer la terreur dont fut pris le jeune journaliste Roman Protassevitch, à bord du vol, sachant qu'une fois l'avion posé, il serait arrêté sur base d'une accusation farfelue qui pourrait lui valoir la peine de mort.
Ce n'est pas seulement un homme qui a été enlevé, mais l'idée même de liberté. Il est désormais possible de prendre un avion en Europe et de finir dans les geôles d'un dictateur. Qui peut garantir que cela ne se reproduira pas, en Biélorussie ou ailleurs?
Cet acte n'est, ni plus ni moins, qu'un rapt d'État. Il permet au régime biélorusse de terroriser les opposants réfugiés en Lituanie et en Pologne, en leur envoyant le message qu'ils ne sont nulle part à l'abri. Il permet aussi à Loukachenko de railler les démocraties européennes, et d'asseoir son régime dictatorial basé sur la terreur et la propagande.
L'Union européenne n'est pas en cause, car elle n'a pas été équipée des outils nécessaires pour lutter contre cette violence. Et tant que les gouvernements européens ne la doteront pas de ces pouvoirs, Minsk et Moscou pourront continuer à les narguer.
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