Muskler Twitter ou l’équation Elon

Responsable du service Entreprendre

Concilier développement économique de Twitter et nécessaire modération des contenus. Le casse-tête s'annonce ardu pour l'homme le plus riche du monde.

Vite fait, bien fait. Là où certains industriels milliardaires mettent des années à se bâtir un empire médiatique, Elon Musk vient en dix jours à peine de convaincre les administrateurs de Twitter à coups d’arguments sonnants et trébuchants – près de 44 milliards de dollars – que son offre d’achat agressive ne pouvait être refusée.

Quel tour de force. L’homme le plus riche du monde n’a pas encore mis la main sur la totalité de l’emblématique plateforme, mais l'affaire pourrait être bouclée courant de l'année. Les intentions de l’homme le plus riche du monde concernant le réseau aux "cui-cui" ne sont pas limpides. Les défis de Twitter, par contre, sont clairs – et difficilement conciliables.

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D’un côté, une fameuse marge pour augmenter à la fois la base d’utilisateurs monétisables et la création de valeur – deux paramètres à la traîne par rapport à la concurrence. Et de l’autre, le fait qu’à bien des égards, la plateforme ressemble à un terrain de jeu pour trolls hargneux en déshérence, doublé d’un parc à escroqueries (dites "publicités trompeuses"). Fameux chantier.

On ne gère pas des idées et un réseau social comme on fabrique des voitures.

Liberté d’expression, potentiel de croissance, transparence, open source... Elon Musk a déjà fait usage de nombreux mots clés balancés en vrac (sur Twitter, évidemment) concernant sa vision du réseau. Ce qui se profile: une rénovation à coups de modération plus souple et de fin du bannissement permanent pour les internautes ayant enfreint les règles d’utilisation – en plus d’une volonté de chasser les bots automatiques, saluons-le.

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Gageons que le businessman, couronné de succès, sait que l’on ne gère pas des idées et un réseau social comme on fabrique des voitures. Mais le doute est permis. L’utilisation de Twitter par Elon Musk lui-même a jusqu’à présent surtout servi ses propres intérêts.

Encore tout récemment, après avoir annoncé vouloir mettre la main sur l’oiseau bleu, Musk a fait part de sa conception bien à lui des réseaux: "Les politiques d’une entreprise de médias sociaux sont bonnes si les 10% les plus extrêmes, de gauche et de droite, sont mécontents de manière équivalente."

Cette déclaration laisse songeur. Ne pas choisir, ne pas hiérarchiser, ne pas filtrer…quand tout se vaut, l’interaction (par la confrontation) et la croissance est garantie. Mais escroqueries, diffamations et appels à la haine ne peuvent se juguler à l’aune d’un échiquier politique. Seuls des critères précis et une politique d’entreprise claire permettraient de modérer les contenus problématiques de manière efficace.

Elon le libertarien parviendra-t-il à "Muskler" le modèle économique de Twitter, sans éluder la responsabilité sociétale du réseau? À concilier développement, maintien d’une liberté d’expression certaine, sans pour autant servir de bouclier aux escrocs? À lui de jouer.

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