Avec une boutique en ligne accessible depuis le monde entier, vous augmentez considérablement vos débouchés. Malheureusement, vos obligations en matière de TVA se multiplient elles aussi.
Le webshop est une extension intéressante de votre entreprise. Il ne nécessite pas d’investissements immobiliers ou dans du personnel supplémentaire en magasin. Et si votre entreprise opère dans un environnement B2B, il vous procure un contact en ligne direct avec votre client final. Celui-ci peut passer sa commande 24 heures sur 24 et la recevoir chez lui quelques jours plus tard. Le webshop ne présente-t-il que des avantages? "Les chefs d’entreprises ne doivent pas oublier qu’il modifie considérablement les flux de marchandises et de facturation, et que la différence avec les ventes traditionnelles est de plus en plus ténue", prévient Sofie Van Doninck, associée Indirect Tax chez EY.
Ces modifications contraignent les entreprises à garder sous contrôle leurs obligations en matière d’impôts indirects. Selon Donato Raponi, chef de l’unité TVA au sein du service fiscal et douanier européen Taxud, la TVA compte parmi les trois plus grands obstacles aux ventes en ligne transfrontalières. Les entreprises dépensent en moyenne 8.000 euros par an et par État membre pour satisfaire à leurs obligations locales en matière de TVA.
"Le système de TVA actuel pour l’e-commerce transfrontalier est complexe et coûteux, à la fois pour les Etats membres et pour les entreprises", déplore Sofie Van Doninck. Les entreprises européennes souffrent ainsi d’un handicap compétitif: "Les commerçants non ressortissants de l’Union européenne peuvent importer des marchandises dans l’UE hors TVA. En outre, le système est si complexe qu’il est difficile aux Etats membres d’en garantir le respect." Fin 2016, la Commission européenne déposera une proposition législative visant à moderniser et à simplifier la TVA en matière d’e-commerce transfrontalier. "En attendant, les webshops doivent tenir compte de principes de TVA complexes", poursuit Sofie Van Doninck.
Particulier ou pas ?
Tout d’abord, vous devez déterminer qui est votre client. En effet, les règles de localisation diffèrent selon que vous traitez avec un particulier ou que vous vendez à un client assujetti disposant d’un numéro de TVA européen valable. "Cartographiez vos flux commerciaux physiques, car les exonérations et les taux de TVA peuvent également varier dans toute l’Europe", conseille Sofie Van Doninck. Vous vendez à un particulier? Vous devrez facturer la TVA locale, en fonction du seuil valable dans l’État membre où arrivent physiquement les marchandises. Dès que le seuil est dépassé dans un État membre donné, vous devez y demander un numéro de TVA local et introduire des déclarations de TVA périodiques. "Malheureusement, ces seuils varient selon l’État membre", reprend Sofie Van Doninck.
Le système de TVA actuel pour l’e-commerce transfrontalier est complexe et coûteux, à la fois pour les Etats membres et pour les entreprises
"Ceci dit, rien ne vous empêche de demander volontairement un numéro de TVA et, donc, de toujours facturer la TVA dans l’État membre de destination de vos marchandises. Cela peut par exemple être intéressant pour les Etats membres dotés de taux de TVA plus faibles, comme le Luxembourg et l’Allemagne." Ensuite, il faut encore contrôler la destination finale des marchandises, car il ne s'agit pas toujours du domicile de l’acheteur particulier. "Vous pouvez ainsi être confronté à des aspects liés à la vie privée", ajoute Sofie Van Doninck.
"Imaginez qu’un particulier italien fasse livrer des marchandises à une adresse en France. La boutique en ligne doit alors prélever la TVA française. De plus, votre boutique en ligne devra mentionner un prix 'TVA comprise'. Pour résumer, vous devez être très bien informé des taux de TVA en vigueur dans toute l’Europe."
Informatique
Lors de la création de votre boutique en ligne, il faudra veiller à ce que votre système informatique soit à même de traiter correctement toutes ces questions. "Vous pouvez même y jouer votre réputation: la Cour de Cassation a jugé, en décembre 2014, qu’un particulier qui achète des biens sous le régime des ventes à distance est solidairement tenu au paiement de l’intégralité de la TVA belge", illustre Sofie Van Doninck. Et si, pour des raisons logistiques, les marchandises ne partent pas de l’État membre où est établie l’entreprise qui gère la boutique en ligne? "Cela complique encore les choses. Dans ce cas, les marchandises se trouvaient dans un autre État membre dès le départ de la livraison. Et cela déclenche inévitablement un enregistrement TVA supplémentaire."
Acheteur assujetti
Naturellement, vous pouvez également vendre à un assujetti qui possède un numéro de TVA européen en règle. Dans ce cas, la livraison peut être exemptée de TVA. Il n'y a plus de TVA belge: vous effectuez une "livraison intracommunautaire". "Néanmoins, vous devez d’abord pouvoir prouver que les marchandises ont réellement été expédiées vers un autre État membre", analyse Sofie Van Doninck. "Pour cela, il faut développer un système administratif qui vous permette de démontrer le lien entre les factures de ventes et les documents de transport pendant toute la période de détention." "Secundo, il vous faudra contrôler le statut du client en matière de TVA", complète Sofie Van Doninck.
"Vous pourrez aisément vérifier si le numéro de TVA est valable sur le site Web européen VIES. Veillez à ce que la vérification du numéro de TVA sur le site VIES s’effectue automatiquement, dès que le client passe sa commande en ligne. En cas de message d’erreur, vous facturerez la TVA locale, selon le lieu de destination des marchandises." Attention cependant, les abus sont nombreux dans ce domaine: "Pensez au particulier qui, lors d’un achat en ligne, indique un numéro de TVA valable… mais qui n’est pas le sien."
Marché commun en matière de TVA
Conclusion? Le système actuel de TVA pour le commerce transfrontalier avait été conçu comme un régime transitoire, et il laisse des possibilités de fraude. C’est pourquoi la Commission européenne entend proposer, en 2017, les règles définitives d’un espace européen commun en matière de TVA. "Les nouvelles règles prévoient toujours la taxation des transactions transfrontalières au taux de l’État membre de destination", observe Sofie Van Doninck. "Cela dit, la manière dont les taxes seront perçues évoluera progressivement vers un système plus étanche à la fraude. Simultanément, un portail Web à l’échelle européenne procurera aux entreprises et aux Etats membres un système simple et solide de perception de la TVA."
Pour finir, Sofie Van Doninck avance une remarque concernant l’impôt sur les revenus liés à un e-shop: "Quel pays peut prélever l’impôt des personnes physiques et des sociétés sur les bénéfices réalisés par une boutique en ligne? Le fait de détenir des stocks locaux entraîne-t-il la possession d’un établissement stable? Et qu’en est-il de la responsabilité juridique dans l’établissement de conditions de vente, et du droit européen de rétractation? Les législations destinées à protéger le consommateur, en effet, diffèrent dans toute l’Europe!"
Sofie
Van Doninck
associée
EY Indirect Tax
T. 03 270
1416
sofie.van.doninck@be.ey.com