Art Genève 2025: une foire à taille humaine qui s'affirme
Art Genève prenait ce week-end le relais dans le calendrier effréné des foires d’art. Fidèle à l’image de la Suisse, cet événement se distingue par son format intimiste et son exigence de qualité.
Depuis l’arrivée de Charlotte Diwan à sa tête en 2024, Art Genève connaît un nouvel élan tout en préservant sa dimension à taille humaine. Cette approche favorise une atmosphère conviviale et met en avant une sélection d’œuvres rigoureusement choisies. Genève est sans doute l’une des villes où l’on passe le plus rapidement de son siège d’avion au Palais des Expositions, attenant à l’aéroport. Dix minutes à pied, montre en main, pour rejoindre les cimaises blanches et les larges allées de ce «supermarché de l’art», où se côtoient collectionneurs et marchands internationaux.
«Après quelques années de présence à la Brafa, cette année, nous avons préféré revenir à Art Genève où nous allions initialement, car la foire s’est vraiment améliorée», confie Jean Bernier, de la galerie Bernier/Eliades, basée à Bruxelles et Athènes. Pour cette 13ᵉ édition, une nouvelle identité graphique a été dévoilée, pensée par BASE Design Genève. Elle marque un retour aux fondamentaux suisses avec la typographie Helvetica: sobriété, clarté et intemporalité.
Une foire calibrée pour son public
Quatre-vingts galeries internationales, dont plusieurs venues pour l’occasion de la capitale française, s’alignent dans Palexpo. Rien ne dépasse: l’accrochage est soigné, l’éclairage, travaillé; les blazers sont boutonnés et les pommettes bien relevées. Ici, pas de grandes surprises, mais une sélection rigoureuse et qualitative d’œuvres reflétant fidèlement les tendances actuelles du marché et le goût raffiné des collectionneurs suisses.
Rien ne dépasse: l’accrochage est soigné, l’éclairage, travaillé; les blazers sont boutonnés et les pommettes bien relevées.
Chaque galerie, même celles venues d’Outre-Atlantique, semble s’être adaptée à l’esprit suisse. Parfois, de manière flagrante, comme la galerie milanaise Ncontemporary qui a choisi d’exposer essentiellement des montagnes et des pistes de ski de l’artiste-photographe Walter Niedermayr. Même logique à la galerie zurichoise Eva Presenhuber, qui consacre la quasi-totalité de son stand à l’artiste suisse Ugo Rondinone, avec sept toiles graphiques jouant sur les nuances de bleu pour évoquer montagnes, ciels et lacs. Ou encore chez Michel Rein, présent à Paris et à Bruxelles (lire son interview ci-dessous), qui met en avant le travail de l’artiste belge Sophie Whetnall dont le grand découpage de papiers blancs évoque incontestablement les stries des glaciers.
Se promener dans la foire s’apparente à une visite de musée où on découvre le meilleur de la création contemporaine, ponctué de belles surprises: un nid de Tadashi Kawamata suspendu dans un coin du stand de la célèbre galerie parisienne Mennour, cinq petits bronzes de William Kentridge chez Bernier/Eliades, ou encore un beau dialogue de deux œuvres de David Nash chez Lelong & Co. Les céramiques de Picasso, faites à Vallauris, très en vogue pour l’instant, s’invitent chez Cahiers d’Art ou chez Bailly.
À la galerie Claire Gastaud, une œuvre magistrale d’Alain Josseau, «Oval Office II», capte l’attention, en résonance avec l’actualité internationale. Ce dessin au crayon en 360 degrés représente le Bureau ovale de la Maison-Blanche, où défilent tous les présidents américains depuis 1945, reconstitués avec une précision saisissante à partir de photographies d’archives. De Roosevelt, posant fièrement, à Bush père échangeant avec Reagan, jusqu’à... Donald Trump.
Une œuvre qui interpelle
En périphérie, les espaces dédiés aux projets institutionnels viennent secouer un peu l’ordre établi. Mais un stand intrigue avec son vaste mur blanc immaculé… si ce n’est une petite toile rose poudré, rembourrée et boutonnée en son centre.
Pour sa première participation à Art Genève, le CALM – Centre d’Art La Meute, fondé en 2022, présente une création unique de Marc-Aurèle Debut, «What are u into?» Cette œuvre, à la fois humoristique et introspective, interroge l’intimité et la sexualité en confrontant le spectateur à des sujets souvent tabous: «glory holes», sexe anal et schémas patriarcaux... Elle interroge l’association entre passivité et soumission, dénonçant une perception biaisée selon laquelle «être pénétré» reviendrait à être dominé. Un regard, à hauteur de fesses, qui tranche avec l’esthétique léchée d’Art Genève.
FOIRE D'ART CONTEMPORAIN
Art Genève
Note de L'Echo:
1. C’est votre première participation à Art Genève, pourquoi ce choix?
Michel Rein: J’ai le sentiment qu’ici, il y a une adéquation entre la manière dont on travaille, les artistes qu’on présente et les collectionneurs suisses que j’ai rencontrés. Ce sont des gens intelligents, raisonnables, qui ne sont pas forcément piégés par les effets de mode qui sévissent dans l’art contemporain. Nous-mêmes essayons de ne pas y céder en travaillant sur le long terme avec des artistes que l’on trouve formidables et dont certains ont des carrières muséales ou dans des collections privées.
2. Vous avez amené avec vous Sophie Whettnall, une artiste belge…
…dont nous avons vendu beaucoup d’œuvres dans des collections suisses. Il est vrai que ce sont des paysages de montagnes! Sophie Whettnall a fait un projet extraordinaire, notamment à Verbier. Il y avait un rapport avec le contexte: c’était l’une des raisons de venir à Art Genève. Elle va cartonner en Suisse! Nous avions aussi envie de montrer l’artiste franco-suisse Agnès Thurnauer, qui va avoir une très grande exposition au musée de La Chaux-de-Fonds. Enfin, il y a aussi le jeune artiste Edgar Sarin, un jeune artiste français que nous avions exposé à la galerie il y a quelques années, et qui a le vent en poupe.
3. Vous exposez beaucoup d’artistes femmes, bien dans la tendance…
Effectivement, il y a Marinella [Senatore], Sophie, Agnès… mais nous n’avons pas cherché la parité au sens un peu ridicule de l’époque. Cela s’est fait naturellement, car nous avons toujours exposé des artistes femmes, vous pouvez vérifier dans l’histoire de la galerie, ce n’est pas du pipeau. Nous ne sommes pas «woke», mais nous avons toujours été éveillés à la cause des femmes et des minorités.
> Galerie Michel Rein (Paris/Bruxelles): michelrein.com
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