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Après Xavier Dolan, une troupe brésilienne s'empare de "Tom à la ferme" et de l'homophobie

©Viktor Pollak

“Tom à la ferme”, qui se jouera le 13 février, à Mons, avant Bruxelles, Namur et Charleroi, incarne le renouveau du théâtre brésilien. Un théâtre qui n’a pas peur de montrer la violence homophobe.

«Tom na fazenda» est une adaptation de «Tom à la ferme», texte de 2011 du dramaturge québécois Michel Marc Bouchard. On connaît peut-être plus volontiers la version cinématographique qu’en a faite, deux ans après la création, son compatriote Xavier Dolan. À partir de maintenant, il faut aussi compter sur cette version scénique brésilienne ultra-puissante. Qu'est-ce que cela raconte?

L’histoire de Tom, jeune citadin branché, dévasté par la mort de son amant, qui se rend chez la mère et le frère de celui-ci pour les obsèques. De façon assez incompréhensible, il décide de prolonger son séjour dans la ferme reculée, habitée par cette femme éplorée et son fils aîné, Francis, qui se montre rapidement ultra-violent envers Tom l’empêchant de dévoiler l’homosexualité de son frère à sa vieille mère.

"“Au Brésil, le public riait beaucoup plus. Je pense que c’est parce que la violence est quelque chose de plus naturalisé."

Armando Babaioff
Comédien

Dans cette mise en scène par Rodrigo Portella sur une idée originale d’Armando Babaioff (le fabuleux acteur qui interprète Tom), le plateau est quasi nu, à l’exception d’une grande bâche qui se déploie sur le sol et de cette boue dans laquelle les corps vont tremper. La violence physique, même quand elle est absente, demeure sous la forme d’une tension permanente.

Armando Babaioff dira à l’issue de la représentation à laquelle nous avons assisté, fin janvier, à Metz, que la différence la plus notable entre publics brésilien et français, c’est le rire: “Au Brésil, le public riait beaucoup plus. Je pense que c’est parce que la violence est quelque chose de plus naturalisé. Cela ne provoque pas le choc que cela provoque ici. Et aussi, les gens s’identifient plus à l’homophobie de Francis.”

TOM NA FAZENDA de Michel Marc BOUCHARD + Rodrigo PORTELLA

Menaces, tortures et désir

Francis dont le rôle est magistralement assuré par Gustavo Rodrigues, est pourtant absolument flippant. La relation mêlant menaces, tortures et… désir qu'il impose à Tom rend, à nos yeux, toute identification impossible. Il ne s'agit pas d'une relation SM comme on a pu le lire, ici ou là, mais bien d’une domination exercée par un grand pervers. En ce sens, nous conseillons à n'importe qui s'identifierait à lui de consulter, pour son propre bien et surtout celui de ses proches!

“On a vu une grosse différence après l'arrivée au pouvoir de Bolsonaro: chute des ventes des tickets et peur que notre travail soit criminalisé”.

Reste que ce personnage et son homosexualité refoulée sont la dimension la plus complexe et la plus passionnante à analyser de l'ensemble. Et plusieurs jours après avoir vu ce «Tom na fazenda», c'est la construction et l’interprétation de Francis qui nous semblent ce que cette pièce dit de plus fort au sujet du rejet des personnes LGBT+: le refoulement se passe à un niveau tel qu'il mène à la destruction. L’hypocrisie peut être si imprégnée qu'elle rend fou.

Globalement, les corps ont durant ces deux heures une place centrale. Un théâtre extrêmement physique qu’Armando Babaioff a tenu à inscrire dans une forme de renouveau du théâtre brésilien à l'international, à la suite du grand dramaturge et homme de gauche Augusto Boal. C'est aussi la présence de Bolsonaro qui a obligé la pièce à s'expatrier: “On a vu une grosse différence après son arrivée au pouvoir: chute des ventes et peur que notre travail soit criminalisé”.

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Armando Babaioff et Gustavo Rodrigues dans la pièce «Tom na Fazenda», au Brésil, le 10 octobre 2022.
Armando Babaioff et Gustavo Rodrigues dans la pièce «Tom na Fazenda», au Brésil, le 10 octobre 2022. ©VICTOR POLLAK

Un texte universel

Cela dit, même si le Canada, le Brésil et aujourd'hui la Belgique sont éloignés géographiquement et politiquement, il semble que le travail d’adaptation du texte de Bouchard se soit limité à changer quelques prénoms. Son sujet résonne partout. Les expériences des personnes homosexuelles en milieu rural et au sein de leurs familles sont tout aussi réelles, graves, ici et là. “Merci!”, a-t-on entendu dire une dame âgée, visiblement très émue, à l’adresse du metteur en scène, à l'issue de la représentation vue à Metz. “C’est essentiel de voir ça, de montrer la violence qu'on subit”, embrayait un autre spectateur, d'une vingtaine d'années.

Ces jours-là, en dehors des murs du théâtre, la presse française s’est emparée d’un rapport administratif mettant en cause un grand collège privé parisien pour sa chasse aux gays et ses pratiques de l'ordre des thérapies de conversion. Tout un contexte qui fait résonner très fort cette phrase de Tom: «Nous apprenons à mentir avant même d'apprendre à aimer».

Théâtre

"Tom à la ferme"

Écrit par Adaptation du texte de Michel Marc Bouchard

Mis en scène Mise en scène de Rodrigo Portella sur une idée originale d’Armando Babaioff

Théâtre Le Manège (MARS - Mons)

le mardi 13 février 2024

Du 12 au 16.03 - Théâtre National, Bruxelles | Du 14 au 16.05 - Théâtre de Namur | 21 et 22.05 - L’Ancre, Charleroi

Note de L'Echo:

Tom at the Farm Official Trailer 1 (2015) - Xavier Dolan Thriller HD
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