Comines, royaume du Saint-Nicolas en chocolat d'août à décembre
Les figurines creuses que petits et grands dégusteront en fin d’année sont produites en ce moment, à une cadence du tonnerre, dans l’usine de production de la Société Libeert en Wallonie picarde. Une société familiale quasi centenaire et dont la quatrième génération vient de prendre la main.
Tout le monde aime le chocolat. Ou presque. Pour la Saint-Nicolas, la Noël ou les fêtes de Pâques, les petits comme les grands raffolent des figures creuses réalisées à partir de ce "somptueux". L’un des plus grands producteurs de ces figurines à manger se déploie dans les alentours de Mouscron. Il s’agit de l’entreprise Libeert.
Cette entreprise familiale existe depuis 1923 et c’est la quatrième génération qui vient de prendre le pouvoir. A noter qu’à l’instar de nombreuses entreprises de la région mouscronnoise, les origines de la société sont flamandes: le premier site de production était implanté à Izegem. La Wallonie entreprend donc dans toutes les langues.
Changement de noms
Tout commence donc en Flandre. Mais pas spécialement dans la langue de Vondel. En effet, le pionnier de la famille, Joseph Dequeker revient à Izegem après avoir été formé maître-chocolatier en Italie et en Suisse. Il lance d’ailleurs ses activités chocolatières sous l’appellation "Spécialités Suisses-Italiennes".
Mais c’est juste avant la Seconde guerre, en 1938, que l’entreprise familiale commence sa véritable expansion. L’artisan ouvre un atelier à Roulers. La société prend le nom "Italo-Suisse". Et à la même époque, voient le jour Godiva, Leonidas, Neuhaus,…
Italo-Suisse, ce nom restera jusqu’en 2015 avant que la famille se voit dans l’obligation de changer de nom… à cause de l’organisation État Islamique.
En effet, en 1996, la firme lance une nouvelle marque, Isis, pour ses pralines et tablettes. Début 2014, c’est toute l’entreprise qui adopte ce nouveau nom et abandonne la dénomination initiale afin de mettre un terme à la confusion selon laquelle le chocolat produit était le fruit d’une entreprise italienne ou suisse. "Avec Isis nous voulions continuer de grandir pour devenir un acteur national et international plus important sur le marché du chocolat", se remémore Désirée Libeert.
Les desseins commerciaux du chocolatier se heurtent à l’émergence d’un autre Isis, acronyme de l’Islamic State in Iraq and Syria. Les pralines Isis peinent dès lors à se vendre. Or l’entreprise fait plus de 50% de chiffre d’affaires à l’étranger…
5.000 tonnes par an
Pourquoi faire compliquer quand on peut faire simple. Le nouveau nom de la marque sera Libeert. Un nom qui apparaît dès la deuxième génération. Au début des années 1950, la fille de Joseph Dequeker, Thérèse, épouse Antoine Libeert, un chimiste de Menin. C’est le début de l’industrialisation. Et c’est lui qui créera la recette telle qu’elle existe encore actuellement. L’innovation des figurines creuses date du début des années 1960. Un nouveau marché sur lequel l’entreprise Libeert occupe toujours une position de leader aujourd’hui.
A partir des années 1960, les volumes augmentent et à l’heure actuelle, l’usine produit environ 5.000 tonnes de chocolat par an, soit environ 20 tonnes par journée de travail. Pour ce faire, Libeert emploie 200 personnes. Mais à la haute saison, étonnamment les mois d’août et septembre, une centaine de saisonniers vient compléter la force de travail. Dans ces moments-là, la production tourne 24 heures sur 24.
Pour atteindre une telle cadence, l’entreprise innove. Elle sera ainsi la première usine de transformation du chocolat à être fournie avec du chocolat liquide. Avant, l’entreprise était livrée avec des blocs de 5 kilos à faire fondre. Cette première doit beaucoup au partenariat que Libeert a depuis des années avec Callebaut. Actuellement, Libeert collabore aussi avec Cargill et Puratos/Belcolade.
En route pour la Wallonie
En raison du succès croissant de l’entreprise le site de Roulers devient trop étroit. Le chocolatier quitte alors la Flandre pour trouver de l’espace en Wallonie et s’installe à Comines-Warneton. On est en 1975. Dans le Hainaut. Mais on est aussi dans une commune francophone à facilités linguistiques. C’est donc avec l’aide de l’Agence wallonne à l’exportation et aux investissements (Awex) que l’entreprise croit à l’étranger. La France, L’Angleterre et l’Australie sont notamment des marchés très importants pour Libeert.
C’est donc aussi depuis Comines, dès 1976, que la troisième génération se déploie. Ignace Libeert s’occupe du département vente. Catherine, l’épouse d’Ignace est responsable de la production. Enfin, Luc, Pieter et Myriam Libeert, les frères et sœur d’Ignace, complètent l’organigramme familial.
L’entreprise continue sa croissance, investit énormément dans les figurines creuses mais décide aussi de se diversifier en commençant la production de barres et de tablettes de chocolat en 1992 et dans les pralines quelques années plus tard.
La génération actuelle s’engage dans l’entreprise en 2013 et prend définitivement le pouvoir en mars 2017.
Ignace Libeert rachète l’entreprise à ses frères et sœurs et la transmet à ses quatre enfants, l’aînée, Désirée, s’occupe des ventes. Lily, la cadette, est en charge du marketing. Quant aux benjamins, ils sont deux puisque ce sont des jumeaux.
Georges est à la tête du département logistique alors que Jérôme, formé en Allemagne, est responsable de la production. Ils sont arrivés à la tête de l’entreprise avec des idées plein la tête.
Le tournant durable
Ils veulent notamment investir dans la vente directe des produits alors que ceux-ci sont aujourd’hui omniprésents dans la grande distribution. C’est eux aussi qui ont pris la décision du virage 100% durable et équitable pour le choix de leurs matières premières, notamment le cacao. Enfin, ils font désormais le pari de se concentrer sur 20 pays alors que Libeert était encore présent dans 90 pays il y a quelques années. Vainqueur de ses choix, toutes ces décisions réussissent au chocolatier.
Aujourd’hui, la société Libeert génère un chiffre d’affaires de 35 millions d’euros. Pour poursuivre leur croissance et parer à tous ces défis qu’ils se donnent, les membres de la quatrième génération sont accompagnés par Dirk Jacxsens, le CEO.
Les premiers contacts entre ce dernier – qui a notamment été à la tête de Léonidas –, se sont noués lors d’une édition de Chocovision, le Davos du chocolat. Cela ne s’invente pas. Pour terminer avec le chocolat et la famille Libeert, sachez que Thérèse, la fille du fondateur vit toujours.
Cette représentante de la deuxième génération continue d’ailleurs à manger son bout de chocolat chaque jour. On l’a dit, tout le monde aime le chocolat. Ou presque.
Les plus lus
- 1 Réforme du chômage: David Clarinval a corrigé le tir
- 2 Les États-Unis veulent contrôler les investissements en Ukraine, au détriment de l'Europe
- 3 Les congés de maternité et de maladie pourraient être exclus des calculs pour le droit au chômage
- 4 Achat scindé: votre entreprise ne devra plus payer de droits d'enregistrement sur la prolongation de l'usufruit
- 5 A 27 ans, il reprend la PME liégeoise Gimi, la numérise et fait bondir ses revenus