Pourquoi Google veut-il miser sur ses propres centrales nucléaires?
Le géant de la tech veut construire, avec la start-up Kairos Power, ses propres réacteurs modulaires. Un bon moyen pour assurer sa souveraineté énergétique et atteindre ses ambitions écologiques. Mais le géant devra aussi se poser la question de la sobriété.
Google misera donc sur le nucléaire. Ce lundi, le géant de la tech américaine a annoncé avoir noué un accord avec la start-up Kairos Power. La jeune entreprise qui planche sur le développement de SMR, ces petits réacteurs nucléaires modulaires, va devenir un partenaire de route pour Google. D'ici à 2030, l'ambition est qu'une partie de la consommation électrique de Google soit directement fournie par plusieurs SMR développés par Kairos.
Il faut dire que la facture d'électricité de Google a un goût assez salé. Selon son rapport annuel à l'échelon global, Google a consommé 25,3 térawattheures en 2023. "Derrière cette démarche, il y a donc sans doute la volonté pour Google de prendre une certaine souveraineté sur ses sources d'énergie", explique Martin Willame, doctorant en télécommunications à l'UCLouvain.
"C'est une démarche qui s'inscrit dans la volonté des GAFAM de réduire leur empreinte carbone globale. Il faut par ailleurs reconnaitre que depuis des années, ils obtiennent d'énormes améliorations techniques en termes d'efficacité énergétique", poursuit Louis Golard, également doctorant à l'UCLouvain.
"Le développement de ces sources d'énergie permettra d'accélérer la décarbonation des réseaux électriques dans le monde entier."
Bilan carbone neutre
L'autre gros intérêt pour le groupe se situe au niveau écologique. Google a récemment annoncé avoir pour ambition d'atteindre un bilan carbone neutre d'ici à 2030. Cet été, le groupe a pourtant annoncé avoir vu ses émissions de CO2 grimper de 48% en quatre ans. L'année dernière, Google a ainsi émis 14,3 millions de tonnes de dioxyde de carbone.
Faire appel à des réacteurs nucléaires permettrait d'atteindre plus facilement ces objectifs de neutralité. Google l'indique d'ailleurs clairement dans son annonce.
"Les solutions nucléaires offrent une source d'énergie propre, disponible 24 heures sur 24, qui peut nous aider à répondre de manière fiable à la demande d'électricité grâce à une énergie sans carbone, à chaque heure de la journée, indique Google. Le développement de ces sources d'énergie en partenariat étroit avec des communautés locales solidaires permettra d'accélérer la décarbonation des réseaux électriques dans le monde entier."
Sur papier, les SMR semblent effectivement plutôt bien adaptés pour répondre aux besoins du géant. "L'élément positif concerne l'intermittence. Le renouvelable nécessite des installations suffisamment grandes pour produire, mais aussi un système additionnel de stockage pour les périodes où il n'y a pas de production", explique Louis Golard.
"Si 1% de la population utilisait une fois par jour ChatGPT pour un réaliser un rapport de seulement quelques pages, 27 centrales nucléaires de grande taille seraient nécessaires."
Demande uniforme
En parallèle, les datacenters ont aussi le gros avantage d'avoir une consommation d'énergie très stable. "Surtout pour une entreprise comme Google. Peu importe le moment de la journée, il y aura toujours un fuseau horaire avec une forte demande, ce qui permet de lisser la consommation journalière, malgré une demande en énergie croissante au fil des années", précise Martin Willame.
Mais pour les deux chercheurs de l'UCLouvain, disposer de ses propres sites de production ne sera toutefois pas une solution miracle si la question de la sobriété ne vient pas sur la table à un moment ou l'autre. "On a parfois tendance à opposer sobriété et efficacité. Mais ce sont des enjeux qui doivent être attaqués en parallèle", rappelle Louis Golard.
"Si 1% de la population utilisait une fois par jour ChatGPT pour un réaliser un rapport de seulement quelques pages, 27 centrales nucléaires de grande taille seraient nécessaires, illustre son collègue. Quand on sait qu'aux États-Unis, on compte une petite centaine de centrales nucléaires, on comprend vite qu'à long terme, ajouter toujours plus de centrales n'est pas la solution. Il faut bien réaliser qu'on ne pourra pas utiliser l'IA partout et tout le temps. Si on continue avec un tel rythme d'adoption, la capacité de calcul nécessaire pour faire tourner l'IA ne va plus correspondre à ce qu'il serait réaliste de produire".
"85% d'énergie sans carbone"
Pour l'heure, aucune précision n'est donnée sur une éventuelle installation de ce programme à l'échelon international. Chez Google Belgique, on précise simplement "être ouverts à l'idée de soutenir de nouveaux projets nucléaires sur d'autres marchés où ils sont développés".
Notre pays est particulièrement concerné par le sujet. Il a été le premier à accueillir un datacenter de Google hors des États-Unis. Le groupe, qui dispose désormais d'une activité sur deux sites différents, est l'un des plus importants d'Europe pour Google.
Pour ce qui est de son alimentation électrique chez nous, Google Belgique explique travailler avec différents partenaires, dont Aspiravi et Engie qui lui fournissent "près de 85% d'énergie sans carbone". Google ne donne toutefois pas le détail de sa consommation électrique par pays. Au niveau européen, elle s'élevait l'an dernier à 3,5 térawattheures.
Les plus lus
- 1 Quelles mutuelles augmentent leur cotisation en 2025?
- 2 Les banques sommées de marcher au pas, sous peine de passer à l'amende
- 3 Primes, administration, aides diverses: les dépenses wallonnes à nouveau sous la loupe
- 4 Qui sont ces "Magnificent 7" à la sauce allemande qui ont hissé le Dax au-dessus du lot européen?
- 5 La Russie attaque massivement l'Ukraine le jour de Noël