1. Convenir de la succession avec toute la famille
Interdit jusqu’à présent, à quelques exceptions près, mais possible à partir du 1er septembre, le pacte successoral permet de passer un accord de votre vivant avec vos héritiers sur la manière dont vous voulez que votre héritage soit partagé après votre décès et le mettre sur papier. Les pactes sur succession future ne sont désormais plus interdits.
Via le pacte successoral ponctuel, vous pouvez coucher sur papier que les héritiers sont d’accord sur la valeur d’une donation que vous faites à quelqu’un de la famille ou à un nonhéritier. Vous pouvez aussi conclure un pacte successoral global, ou "pacte familial", avec l’ensemble de la famille.
"Les bons accords font les bonnes familles". Voilà comment Charlotte Declerck, avocate fiscaliste chez Tiberghien, salue cette nouvelle possibilité. "C’est la première fois qu’on prend vraiment à bras-le-corps le risque de conflits familiaux après un décès." "Sans aucun doute le plus important changement du nouveau droit successoral", renchérit Steven Seyns, avocat patrimonial chez Bright.
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2. Plus de liberté pour le partage de la succession
Si vous avez des enfants, vous ne pourrez toujours pas les déshériter contre leur gré. Car vos enfants restent des héritiers protégés par la loi. Mais la loi fixe désormais la part d’héritage minimale des enfants à la moitié de la succession seulement. "Les parents qui ont au moins deux enfants ont ainsi plus de liberté de mouvement. Jusqu’à présent, celui qui a deux enfants ne pouvait disposer librement que d’un tiers de ses biens et à partir de trois enfants, il n’avait de liberté que pour un quart de sa succession", explique la spécialiste en droit successoral Hélène Cassman, de Greenille by Laga.
Big Bang dans la succession et le mariage.
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L’avocat patrimonial Steven Seyns ajoute: "Non seulement les parents, mais tout le monde peut dorénavant dire à qui son patrimoine doit revenir après son décès, avec une moindre immixtion des pouvoirs publics." Pour les isolés sans enfants et les couples non mariés, le patrimoine est désormais disponible à 100%. "Les couples sans enfants ne doivent plus faire de déclaration de cohabitation légale pour échapper à l’accord des parents sur leur succession, étant donné que la réserve légale des parents est abrogée. Les enfants conservent toutefois une obligation d’entretien vis-à-vis de leurs parents."
3. Beaux-enfants légalement concernés
"L’augmentation de la quotité disponible est importante pour les familles recomposées", observe Anouck Lejeune, senior wealth planner chez Puilaetco Dewaay Private Banking. Les enfants du/de la partenaire peuvent dorénavant hériter au même tarif que les enfants biologiques, bien qu’ils ne soient pas des héritiers légaux et encore moins des héritiers protégés par la loi. "Le nouveau régime permet d’impliquer les enfants du/de la partenaire dans la succession. Ce qui n’était possible jusqu’ici que de façon fort limitée, indique aussi Bart Verdickt, associé chez Greenille by Laga. Les beaux-parents doivent toutefois faire un testament ou une donation. Mais c’est parfaitement possible selon le nouveau droit successoral. Même si les propres enfants préférent qu’il en soit autrement", précise Bart Verdickt.
"Prenez une famille recomposée où chacun des parents a deux enfants. Jusqu’ici, un parent ne pouvait pas donner aux enfants du partenaire une part de gâteau égale à celle de ses propres. Il le pourra dans le cadre du nouveau droit successoral", souligne aussi Steven Seyns.
Conclure un pacte successoral avec les enfants et les beaux-enfants fait désormais aussi partie des possibilités.
4. Même traitement pour la donation d’un immeuble et la donation d’argent
Il est parfaitement possible de vous défaire de tous vos biens de votre vivant. Mais le jour de votre décès, l’administration contrôlera que vous n’avez pas été trop généreux. Cette évaluation était jusqu’à présent cause de tiraillements, car pour les biens mobiliers, c’était la valeur au jour de la donation qui comptait, alors que pour les biens immobiliers, on prenait la valeur au jour du décès du donateur.
"Dorénavant, il ne sera plus nécessaire de mettre en place des constructions complexes pour s’adapter à cette distinction. Que vous donniez un immeuble, de l’argent ou un tableau, c’est la valeur intrinsèque du bien au jour de la donation qui compte. On ne regarde donc que la valeur du bien au moment où le donateur s’en défait. Ce que les donataires en font par la suite n’a plus d’importance", explique Steven Seyns. "Pour traiter les anciennes donations sur le même pied d’égalité que des donations plus récentes, la valeur de chaque donation sera indexée au jour du décès", ajoute Anouck Lejeune.
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5. Exception pour le successeur de l’entreprise familiale
A la nouvelle règle, selon laquelle les donations sont évaluées à la date de la donation et la valeur est indexée à la date du décès (voir point 4), il y a une importante exception: les donations avec réserve d’usufruit. Dans ce cas, la valorisation est faite à la date à laquelle le donataire acquiert l’usufruit. Il s’agit généralement de la date du décès, sauf si le donateur a renoncé à son usufruit plus tôt.
"Cela chambarde les donations des entreprises familiales, comme nous en voyons beaucoup en pratique", pointe le spécialiste du droit successoral Alain Verbeke, de Greenille by Laga. Prenons un père avec deux enfants: Hélène, qui souhaite continuer l’entreprise, et Tom, qui choisit une autre carrière. Le père donne les parts de la société à Hélène avec réserve d’usufruit. "La donation faite à Hélène sera valorisée au moment du décès pour voir si Hélène et Tom sont traités sur un même pied. De ce fait, et bien qu’il ne soit pas actif dans la société familiale, Tom pourra profiter de l’augmentation de valeur des parts depuis la donation grâce au travail opiniâtre d’Hélène, qui a succédé à son père", explique Martin Desimpel, senior wealth planner chez Puilaetco Dewaay.
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6. Fini de devoir rendre les biens reçus
Désormais, les donations sont rapportées en valeur et non plus en nature s’il apparaît que quelqu’un a reçu plus que sa part. Les autres héritiers ne pourront donc plus demander de rapporter le bien en tant que tel, mais auront droit à une enveloppe en compensation comme créanciers. "Cela peut sembler abstrait, mais cela a d’importantes implications, relève Steven Seyns. Aussi bien pour le donateur que pour le donataire. Cela permet en effet de traiter les enfants sur un pied d’égalité, tout en donnant des biens spécifiques à l’un d’entre eux. Votre collection de vieilles voitures à Tom et les actions de l’entreprise familiale à Hélène, par exemple", illustre Steven Seyns.
À l’inverse, quelqu’un qui a reçu ces biens ne doit plus craindre que d’autres héritiers viennent réclamer le bien donné lorsque le donateur décède. "Imaginez: cela fait des années que vous vivez dans la maison que vos parents vous ont donnée et où vous vous sentez chez vous. Mais le jour du décès de vos parents, voilà qu’un autre héritier se verrait bien habiter dans cette maison", donne comme exemple Nathalie Labeeuw, de Cazimir.
Ce scénario catastrophe, possible dans l’ancien droit successoral, pendait comme une épée de Damoclès au-dessus de la tête de celui qui avait reçu ce genre de donation. "Ce risque abrogé, c’est un énorme pas en avant, aussi bien du vivant du donateur que lors de la liquidation partage de sa succession, explique Guillaume Deknudt, avocat chez Deknudt Nelis. Le donataire peut faire ce qu’il veut de sa donation. Même si la procédure de liquidation partage dure des lustres, les biens donnés ne devront plus rester en attente ou rester vides."
7. Un nouveau mariage ne doit plus léser les enfants
En vous mariant, vous faites entrer votre partenaire dans le clan des héritiers légaux. Si vous ne réglez rien, ce partenaire héritera de l’usufruit sur votre succession. Ce qui entraînera que vos enfants n’auront plus la pleine propriété, mais uniquement la nue-propriété de vos biens.
En outre, comme votre conjoint est un héritier protégé, vous ne pouvez pas le déshériter. Depuis 2003, les conjoints ayant des enfants d’une relation précédente peuvent toutefois, par contrat de mariage, limiter les droits successoraux entre eux, mais le conjoint survivant doit toujours hériter d’au moins l’usufruit sur la maison familiale. "Or, généralement, c’est l’élément principal du patrimoine familial, ce qui fait que cette clause dite ‘Valkeniers’ n’apporte pas vraiment de soulagement à la plupart des familles recomposées", reconnaît Nathalie Labeeuw.
Le nouveau droit matrimonial arrange cela. "Les remariés avec enfants pourront désormais se retirer réciproquement l’usufruit sur la maison familiale et donc totalement se déshériter mutuellement. Pour éviter toutefois que le conjoint survivant ne doive quitter immédiatement l’habitation familiale, la loi lui donne le droit de continuer à y habiter pendant au moins six mois", précise Nathalie Labeeuw.
Dans le nouveau droit successoral, le beau-parent ne peut en outre plus exiger l’usufruit sur les biens dont le défunt a fait donation à ses enfants. "De cette manière, on évite un concours entre les enfants et le beau-parent, ajoute Martin Desimpel. Et si un conjoint fait une donation avec réserve d’usufruit, le conjoint survivant ne pourra poursuivre cet usufruit que si la donation a eu lieu pendant le mariage. Pour les donations que vous avez faites à vos enfants avant de vous remarier, les enfants ne doivent donc plus attendre le décès de leur beau-parent pour pouvoir disposer pleinement des biens donnés."
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8. Plus de solidarité entre conjoints
Si vous êtes marié sous le régime de la séparation de biens, vous ne vous constituez pas de patrimoine commun au cours du mariage, mais seulement deux patrimoines distincts: un pour chaque conjoint. Cette stricte séparation présente des avantages, par exemple parce que cela permet à l’indépendant de protéger son partenaire des créanciers au cas où son entreprise bat de l’aile. Mais si l’un des deux partenaires gagne moins que l’autre ou a mis sa carrière en sourdine pour élever les enfants, il risque de rester les mains vides en cas de séparation par exemple.
Pour instaurer un peu de solidarité, le notaire est obligé de signaler deux nouvelles possibilités à des (futurs) conjoints qui veulent adopter le régime de la séparation de biens.
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Tout d’abord, il est possible de reprendre dans leur contrat de mariage une clause d’attribution des acquêts. Ainsi, en cas de rupture, les conjoints se partagent malgré tout les revenus professionnels acquis par l’autre conjoint pendant le mariage. Il s’agira donc toujours d’une séparation de biens, mais en cas de dissolution du mariage, le conjoint économiquement plus fort devra payer une somme d’argent au partenaire économiquement plus faible.
La seconde option consiste à reprendre dans le contrat de mariage une clause d’équité judiciaire. Ici aussi, il s’agit d’une possibilité, pas d’une obligation. Si le contrat de mariage contient une telle clause, le conjoint qui se retrouve les mains vides pourra s’adresser au juge pour obtenir tout de même une partie des acquêts.
9. L’indépendant en société n’échappe plus au patrimoine commun
Si vous êtes marié sous le régime légal, ce que les deux conjoints gagnent au cours du mariage appartient au patrimoine commun. Chaque partenaire est propriétaire de la moitié de ce patrimoine commun, quel que soit le partenaire qui a acquis ces revenus. "Jusqu’à présent, un conjoint indépendant pouvait faire échapper pas mal de revenus professionnels de ce patrimoine commun en créant une société dont il est actionnaire et en y maintenant ces revenus. La réforme du droit matrimonial met fin à cette entourloupette. Lors de la dissolution du mariage – par divorce ou par décès –, le conjoint indépendant sera redevable d’une indemnité pour les revenus professionnels que le patrimoine commun n’a pas perçus, mais qu’il aurait pu raisonnablement obtenir si la profession n’avait pas été exercée en société", explique Guillaume Deknudt. "Si un des conjoints est indépendant, cela ne fait donc désormais plus de différence qu’il travaille en société ou pas", conclut Anouck Declerck.
10. La Flandre taxe moins les successions
La Flandre a modifié la manière de calculer les droits de succession. Cette réforme entre également en vigueur ce 1er septembre. La Flandre veut soutenir ainsi la plus grande flexibilité qu’apporte le nouveau droit successoral. Une des nouveautés est que le partenaire survivant ne devra plus payer de droits de succession sur la première tranche de 50.000 euros de biens mobiliers, comme l’argent ou les placements. Cela représente une économie de 1.500 euros. L’exonération existante pour la maison d’habitation subsiste.
La réforme a plus d’impact encore pour celui qui hérite d’un frère, d’une sœur, d’un membre de la famille lointain ou d’un ami. Le taux des droits de succession le plus élevé de 65% – sur la tranche au-delà de 125.000 euros – disparaît. À l’avenir, plus personne ne paiera en Flandre plus de 55% d’impôt sur une succession. En outre, les héritages plus faibles seront moins taxés. Sur la première tranche de 35.000 euros, un nouveau taux de 25% est créé.