Les raisons de faire donation (d’une partie) de votre patrimoine de votre vivant ne manquent pas. C’est d’abord une façon de donner un coup de pouce financier à un proche à un moment où il en a besoin. Ensuite, une donation permet une fameuse économie de droits de succession: les droits de donation de biens mobiliers en ligne directe et au partenaire sont de seulement 3,3% en Wallonie et de 3% dans les deux autres Régions. Quant aux donations de biens immobiliers, elles coûtent de 3 à 27% pour la ligne directe et le partenaire et de 10 à 40% pour les autres.
"En pratique, c’est le taux de 3% qui s’applique le plus souvent, indique Carol Bohyn, notaire et porte-parole de Notaire.be. Il s’applique à la première tranche de 150.000 euros par donateur et par donataire. Pour une famille avec deux parents et deux enfants, le montant de la donation peut donc déjà atteindre 600.000 euros…"
→ Bon à savoir: Si vous faites une donation, des droits de donation seront dus. Le montant de cette taxe dépendra d’un certain nombre d’éléments. Faites le calcul >
Les tarifs des donations sont donc faibles comparés à ceux des successions. À titre d’exemple, pour une succession, le partenaire survivant et les enfants paient 3% sur la première tranche de 50.000 euros à Bruxelles et en Flandre et sur celle de 12.500 euros en Wallonie.
Mais quand les héritiers sont des neveux, nièces, frères ou sœurs, les taux explosent. Certes, en Flandre, les taux ont baissé, mais on paie encore toujours 55% sur la tranche au-delà de 75.000 euros, tandis qu’à Bruxelles et en Wallonie, ils atteignent 70% au-delà de 175.000 euros.
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La donation avec réserve d’usufruit
Donner de son vivant est donc ce qu’il y a de plus intéressant sur le plan fiscal. Mais il y a un "mais": personne ne souhaite, après une donation, se retrouver en difficultés pendant ses vieux jours. La solution consiste à faire une donation avec réserve d’usufruit. On profite ainsi des avantages de la donation tout en pouvant continuer à habiter chez soi, à encaisser les loyers ou à toucher les intérêts et les dividendes d’un portefeuille-titres et ce jusqu’à son décès.
Big Bang dans la succession et le mariage.
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Par une donation avec réserve d’usufruit, le donataire reçoit immédiatement le bien, qu’il soit mobilier (titres, compte d’épargne, meubles, bateau, voiture, collection d’art, etc.), ou immobilier (maison, appartement, terrain) – mais uniquement en nue-propriété. Ce n’est qu’au décès du donateur que le donataire devient plein propriétaire du bien et peut donc en récolter les fruits. Il n’y aura plus de droits de succession à payer, les droits ayant déjà été acquittés au moment de la donation.
Concrètement, le donataire ne peut pas faire grand-chose aussi longtemps que le donateur conserve l’usufruit. En théorie, il pourrait certes vendre le bien, le donner ou le mettre en gage, à condition de se limiter à la nue-propriété. La contrepartie devra dans ce cas être d’accord pour patienter jusqu’à l’extinction de l’usufruit et d’ici là, le respecter. La plupart des actes de donation incluent toutefois une interdiction de vendre le bien aussi longtemps que le donateur est en vie.
Si des parents font une donation à un enfant, elle est considérée en principe comme une avance sur sa part d’héritage. Après le décès des parents, l’enfant devra donc rapporter le bien donné dans la succession pour contrôler si l’équilibre avec ses frères et sœurs est respecté. Selon le principe général, la donation est évaluée au jour de la donation et cette valeur est indexée jusqu’au jour du décès. En cas de donation avec réserve d’usufruit, par contre, la valorisation de la donation ne se fait qu’au jour où le donataire acquiert aussi l’usufruit. Le plus souvent, c’est le jour du décès du donateur, sauf si ce dernier a renoncé à son usufruit plus tôt.
L’usufruitier dispose aussi d’un droit de gestion sur les biens dont il a l’usufruit. Cela signifie par exemple que s’il donne des actions de l’entreprise familiale avec réserve d’usufruit, il garde le droit de vote lié à ces actions et donc le contrôle de l’entreprise. "Mais pour certaines décisions, le nu-propriétaire doit également être impliqué, ajoute Carol Bohyn. Si des décisions concernant le capital de l’entreprise doivent être prises, comme une réduction de capital ou une dissolution de l’entreprise, le nu-propriétaire a son mot à dire. C’est logique, puisque par la donation, c’est lui qui est détenteur du capital."
Une donation avec réserve d’usufruit n’est possible que par acte notarié. Pour les biens immobiliers donnés avec usufruit, vous êtes obligé de passer par un notaire belge, car il doit toujours faire l’objet d’un enregistrement en Belgique. Avec à la clé, des droits de donation. Pour les biens mobiliers, par contre, il est tout à fait possible de passer par un notaire étranger, généralement néerlandais ou suisse. C’est intéressant en ce sens que si le donateur est en vie trois ans après la donation, il n’y a aucun impôt à payer: ni droits de donation ni droits de succession.
En Flandre, cette échappatoire avait été supprimée par l’administration fiscale le 1er juin 2016. Même si le donateur était en vie trois ans après une donation avec réserve d’usufruit passée devant un notaire étranger, celle-ci était soumise à des droits de succession. En juin dernier, le Conseil d’État a cependant annulé cette décision. Désormais, celui qui a reçu un bien avec usufruit via un notaire étranger peut dormir sur ses deux oreilles: même en cas de décès du donateur dans les trois ans, il ne paiera pas de droits de succession.
Pour rappel, un don manuel ou bancaire avec réserve d’usufruit n’est pas possible.