Quelle que soit votre configuration familiale et le nombre d’enfants que vous avez, le nouveau droit successoral vous autorise à attribuer la moitié de votre patrimoine à qui bon vous semble. Rien ne vous empêche dès lors d’utiliser la totalité de cette "quotité disponible" pour gratifier l’un de vos enfants, en plus de la part qui lui revient en vertu de la réserve héréditaire. Si vous avez par exemple une fille d’un deuxième lit et deux fils d’un premier lit, ils auront droit ensemble à la moitié de votre patrimoine. Soit 1/6 du total pour chacun. Si vous souhaitez pour une raison ou une autre avantager votre fille, trois options peuvent être envisagées.
Le testament
Le testament est l’option la plus simple et la plus souple. Si vous souhaitez avantager la fille que vous avez eue avec votre deuxième époux, il vous suffit de lui attribuer par testament la totalité de la quotité disponible (la moitié de votre patrimoine). En tout, elle recevra ainsi 4/6 (1/6 + 3/6) de votre héritage, contre 1/6 pour chacun de ses deux frères. Une telle opération était déjà possible, mais aujourd’hui, la quotité disponible est plus importante et permet donc de faire une différence plus marquée entre vos héritiers.
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Le testament présente en outre une grande souplesse. "Comme il est révocable n’importe quand, si vous changez d’avis, par exemple parce qu’un vous avez renoué des relations étroites avec vos fils (enfants du premier lit) et que vous ne souhaitez plus les pénaliser, c’est parfaitement possible.", explique Bernard Goffaux, Head of Estate planning à la Banque de Luxembourg. Tout dépend évidemment (de l’évolution éventuelle) du degré d’harmonie et d’entente au sein de la famille.
Mais le testament est aussi la solution la plus coûteuse. "La transmission du patrimoine qui intervient dans le cadre d’un partage successoral est soumise à des droits de succession qui peuvent atteindre jusqu’à 27% en Région flamande et 30% en Régions bruxelloise et wallonne. Ce n’est donc pas forcément l’option à privilégier si on souhaite limiter l’impact fiscal", note Bernard Goffaux.
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La donation
"Si l’objectif est de favoriser l’un des enfants, je conseillerais a priori de faire une donation par préciput et hors part (avec dispense de rapport, NDLR), signifiant ainsi que vous avez clairement l’intention de l’avantager", indique Bernard Goffaux, précisant bien que ce faisant, "on privilégie évidemment les considérations fiscales". Une donation est en effet moins taxée: jusqu’à 3,3% pour les biens mobiliers.
Si l’objectif est de favoriser un des enfants, une donation hors part peut s’avérer intéressante.
Seul hic: elle est irrévocable. Dès lors, "la seule possibilité de corriger le tir ultérieurement, si les relations avec les fils venaient à s’améliorer par exemple, serait de conclure un pacte successoral pour signifier que la donation faite à la fille n’est pas hors part mais en avancement d’hoirie et qu’il s’agit donc d’une avance sur héritage. Mais cela nécessitera évidemment l’accord de la fille, ce qui n’est pas forcément gagné…"
Les autres héritiers réservataires (les deux frères) ne pourront de toute façon s’opposer à cette donation que si elle a entamé leur propre réserve. Et encore faut-il qu’ils soient au courant que la donation a été faite et qu’ils puissent en retrouver la trace pour prouver qu’ils ont été lésés, ce qui n’est pas toujours simple lorsqu’il s’agit de biens mobiliers qui auraient été donnés discrètement de la main à la main…
"Si on sent qu’une possibilité existe de retrouver un jour une harmonie familiale avec les enfants du premier lit, on conseillera plus volontiers l’option du testament, en dépit de son coût… mais en sachant qu’il sera plus difficile de convaincre le client", conclut Bernard Goffaux.
Le Code civil comprend une présomption générale suivant laquelle une donation faite à un successible est toujours considérée comme une avance sur héritage (donation en avancement d’hoirie). Avec l’entrée en vigueur de la réforme du droit successoral, cette présomption s’appliquera uniquement lorsque le défunt laisse des descendants en ligne directe. Dans tous les autres cas, la donation sera présumée avoir été réalisée par préciput et hors part. Seuls les descendants seront donc désormais tenus de rapporter les donations qui leur ont été faites.
Le pacte successoral ponctuel
Dans des familles où l’un des enfants est handicapé ou gravement malade et aura besoin d’un support financier important durant toute sa vie, les parents souhaitent en général prendre des dispositions pour assurer son avenir. Dans pareil cas, la volonté d’avantager un enfant prend tout son sens et peut être très bien comprise par les autres.
Dans le cadre d’un pacte successoral ponctuel (un acte juridique spécifique qui ne concerne que certains membres de la famille), les frères et sœurs de l’enfant handicapé pourraient parfaitement décider de renoncer à toute demande de rapport et demande en réduction pour une donation à leur frère handicapé qui excéderait la réserve de ce dernier. Une tranquillité d’esprit inestimable pour les parents…
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