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Faut-il parler de "ressource humaine" ou plutôt de "capital humain"?

Plutôt que des métaphores économique, comptable ou financière, le "management humain" propose une perspective humaniste et respectueuse des personnes, de la communauté de travail, des entreprises. ©BELGAIMAGE

Alors, faut-il préférer l’appellation "ressource humaine" ou "capital humain"? La réponse est simple et évidente: ni l’une ni l’autre...

À l’aube des années 1980, l’apparition de la dénomination "gestion des ressources humaines" (GRH) fut unanimement saluée et substituée à celle d’administration du personnel. Un vent de modernité soufflait sur la "fonction personnel", charriant avec lui la promesse d’une reconnaissance de l’importance stratégique de cette fonction de gestion à l’étroit dans son statut de "fonction support" dévolue à l’administration des contrats et de la paie - le personnel étant considéré comme un coût (une dette) au passif du bilan comptable.

La légitimité de la GRH tient à cette dimension "ressource" directement empruntée à la théorie éponyme de la ressource en management stratégique dont les figures de proue sont, dans les années 1980 et 1990, Birger Wernerfelt et Jay Barney - une perspective elle-même dérivée de l’économie industrielle et particulièrement de l’école de Chicago et des travaux d’Edith Penrose. Cela a son importance.

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Du passif à l'actif du bilan comptable

Grosso modo, la théorie de la ressource postule que la capacité d’une entreprise à développer un avantage concurrentiel tient à la nature de ses ressources: celles-ci doivent être (rendues) rares, valorisables, peu imitables, peu mobiles à l’instar d’un brevet, d’une position dominante sur un marché, d’une innovation… et, ensuite, de savoirs et savoir-faire spécifiques. Si la "ressource humaine" désigne, au sens strict, la "main-d’œuvre en qualité et en quantité" (une définition que l’on trouve de nos jours dans la plupart des manuels de GRH), la gestion des ressources humaines désigne peu à peu des processus plus complexes qui visent à attirer, fidéliser, développer ces "ressources humaines". Il s’agit de faire du "passif" du bilan (la masse salariale) un "actif" générant des ressources soutenant l’activité de l’entreprise.  C’est cette capacité-là qui va conférer au fil du temps un caractère stratégique à cette fonction de gestion et justifier l’intégration des DRH dans les comités de direction.

Toutefois, au fil du temps, cette dénomination froide qui renvoie à l’idée d’exploitation (des ressources) fut l’objet de controverses animées, tant par les chercheurs critiques en gestion que par les professionnels des "RH". Assez paradoxalement, en effet, à mesure que les psychologues du travail investissent la GRH dans les années 1980 et 1990, apparaissent une grammaire déshumanisante (p.ex. "N+1", "référentiel de compétences", "questionnaire de personnalité") et une ingénierie lourde semblant s’auto-alimenter et déconnectée de la réalité du travail, mue par l’obsession de la mesure, de la quantification et de l’évaluation - référentiels, cartographie et évaluation des compétences métier, relationnelles, émotionnelles ou de la personnalité, soient des ressources détenues par… les ressources humaines. Cela étant doublé d’une certaine logique gestionnaire, le travail et les travailleurs sont invisibilisés, réduits à l’état de données et variables paradoxalement assez abstraites (cf. les démonstrations de Pierre-Yves Gomez et Marie-Anne Dujarier).

Dans une perspective empruntée à la théorie du capital social, le capital humain désigne l’ensemble des connaissances, qualifications, compétences et caractéristiques individuelles qui peuvent faire progresser ou soutenir la productivité, l’innovation et l’employabilité.

De ressource humaine à capital humain

Pour se distancer de cette perspective de la ressource, apparaît alors la notion de "capital humain". La perspective n’a rien de marxien, il s’agit de substituer à la ressource que l’on exploite et que l’on mesure, celle d’un capital dans lequel on investit dans l’espoir d’un rendement. Notons que le capital est, lui aussi, au passif du bilan. Dans une perspective empruntée à la théorie du capital social (Bourdieu, Coleman et Putnam), le capital humain désigne l’ensemble des connaissances, qualifications, compétences et caractéristiques individuelles qui peuvent faire progresser ou soutenir la productivité, l’innovation et l’employabilité (OCDE, 1998).

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Alors, faut-il préférer l’appellation "ressource humaine" ou "capital humain"? La réponse est simple et évidente: ni l’une ni l’autre. D’une part, parce qu’elles se confondent en partie. D’autre part, parce qu’il faut refuser toute réduction de l’humain et de sa dignité, en général, à un autre état objectifié (une variable, un indice, un profil, etc.). À cet égard, il convient de s’interroger sur l’intérêt et le sens de l’usage de ces métaphores économique, comptable ou financière pour désigner la gestion du travail humain. C’est ce que le "management humain" soutient et propose, en déployant une perspective humaniste et respectueuse des personnes, de la communauté de travail, des entreprises. Il ne s’agit pas de gérer sans indicateurs, mais de ne pas réduire les personnes et le travail humain à ceux-ci, tout en questionnant constamment leur pertinence et leurs origines afin d’éviter de perdre son temps à développer des métriques ayant pour seule contribution… leur développement.

Vient de paraître: Taskin, L. et Dietrich, A. (2024) Management Humain : Une approche renouvelée de la GRH et du comportement organisationnel. 3e édition. Bruxelles: De Boeck supérieur.

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