Le leadership mal inspiré d’Elon Musk chez Twitter
Si la vision entrepreneuriale d’Elon Musk peut s’avérer inspirante pour beaucoup, sa "reprise en mains" de Twitter traduit surtout un leadership d’un autre âge.
Depuis qu’Elon Musk a pris les rênes de Twitter, ses agissements ne cessent d’étonner, voire de déplaire à beaucoup. J’en fais partie. La raison est simple. J’enseigne le leadership à la SBS-EM et je constate à quel point le leadership controversé d’Elon Musk s’oppose aux principes issus de la recherche dans le domaine.
Par son modèle de leadership, Elon Musk pourrait mettre en péril Twitter et ses valeurs.
Je concède qu’Elon Musk peut inspirer en tant que leader et que sa vision entrepreneuriale, centrée sur l’innovation fait rêver. Et en effet beaucoup d’étudiants le prennent comme exemple lorsque je leur demande qui sont les leaders qui les inspirent. Mais le leadership ne se résume pas à inspirer les autres. Voici cinq autres principes qui sont enseignés aux étudiants et dont le modèle Musk s’éloigne.
- Le leadership est la capacité d’être flexible, de s’adapter au contexte organisationnel.
Il n’y a pas de style de leadership unique. Un bon leader a un large répertoire de styles de leadership (charismatique, directif, participatif…) qu’il devrait adapter et façonner à chaque contexte organisationnel. Si on analyse ce qu’Elon Musk fait chez Twitter, il semble vouloir gérer le réseau social comme il a dirigé Tesla ou SpaceX. Son style est de plus en plus autocratique, directif et centré sur la prise de risque. Ce n’est pas parce cela a marché ailleurs, que cela marchera chez Twitter.
- Le leadership est une responsabilité collective et non pas une opportunité personnelle.
Après avoir licencié de nombreux cadres et personnes à responsabilité, Elon Musk est devenu seul maître à bord chez Twitter. Il manifeste de plus en plus un leadership narcissique, très centré sur sa personne et très peu sur le développement de Twitter. Il s’est affirmé en leader fort, qui contrôle et prend à lui seul des décisions radicales. Alors que son style suscite l’admiration de certains, les recherches montrent que ce style ne profite pas à l’organisation à long terme.
- Le leadership s’exerce avec les autres et pas contre eux pour obtenir le changement.
Certes, Twitter se trouve dans une situation financière difficile et des changements s’imposent. Mais Elon Musk semble faire le contraire de ce que les modèles de changement organisationnel suggèrent. Il faut coopter, inspirer la confiance, convaincre de la nécessité du changement pour une transformation durable dans laquelle tout le monde est prête à s’investir. Ce n’est pas en faisant fuir les employés les plus capables et les entreprises les plus engagées que Musk aidera Twitter à redorer son blason.
- Le leader doit assurer la responsabilité sociétale au-delà du chiffre d’affaires.
Beaucoup s’accordent aujourd’hui pour dire que nos leaders devraient être plus responsables et plus en accord avec les défis de durabilité de notre société. Le bien-être des employés, le respect de leurs droits et de leurs conditions de travail en font partie. Des licenciements du jour au lendemain, annoncés par mail, qui enfreindraient la loi, des employés sous la pression ne sont que quelques exemples du modèle Musk. Alors qu’il continue à fasciner pour sa capacité à générer rapidement des chiffres, il n’est clairement pas un modèle de leadership responsable.
- La vision du leader doit faire évoluer l’organisation et non pas se retourner contre elle.
Elon Musk affirme s’engager pour la liberté d’expression lorsqu’il décide de limiter la modération des contenus Twitter. Pourtant les recherches montrent que sans règles et principes de base, les positions les plus extrêmes et les plus dominantes vont se manifester. Cela va certainement limiter la liberté d’expression de ceux qu’on entend déjà moins dans l’espace public. Certaines entreprises ont compris le danger et ont décidé de se retirer du Twitter en raison du risque d’être associés à des contenus violents ou extrémistes.
Par son modèle de leadership, Elon Musk pourrait mettre en péril Twitter et ses valeurs. Mais ce n’est pas parce que Musk possède Twitter qu’il devrait nécessairement rester son leader.
En ce qui me concerne, j’ai trouvé pertinent de l’utiliser en contre-exemple pour enseigner le leadership à mes étudiants. Et j’ai la conviction ferme et l’espoir que d’autres modèles de leadership vont émerger dans les années à venir.
Par Claudia Toma, Professor of Social Psychology and Organisational Behaviour, Solvay Brussels School of Economics and Management (ULB).
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