Rawdon Glover donne des couleurs "woke" à Jaguar
Rawdon Glover, le directeur général de la prestigieuse marque automobile Jaguar, défend un virage marketing incroyablement audacieux.
Huit personnes de toutes origines, plutôt jeunes, androgynes, vêtues de jaune, de rouge, d'orange et de rose, l'air sérieux et décidé, le regard fixe, et qui finissent par tourner la tête à gauche. "Intrépide, exubérant, captivant. C'est Jaguar, réimaginé".
La dernière publicité du constructeur britannique Jaguar, tout juste centenaire, est l'une des plus risquées de l'histoire de l'industrie. Elle dit tout de la volonté de Rawdon Glover et de ses marketeurs de coller aux attentes des nouvelles générations urbaines et aisées.
Le coup de volant est brutal, et déclenche une nouvelle panique morale chez beaucoup de commentateurs conservateurs, partout dans le monde, la vidéo ayant déjà été vue par plusieurs centaines de millions de personnes. L'arme fatale – le terme "woke", dont plus personne ne sait vraiment ce qu'il recouvre – a de nouveau été brandie à l'envi.
Ne pas se présenter comme une marque automobile...
Rawdon Glover a lui-même défendu ces choix osés, contestant l'accusation d'arrières pensées idéologiques. Même si la publicité ne montre pas une seule voiture, le patron de Jaguar assure dans le Financial Times que cette campagne a été conçue de la façon la plus rationnelle: "Si nous faisons comme les autres, nous serons noyés dans la masse. Nous ne devons donc pas nous présenter comme une marque automobile".
Cette accélération est d'autant plus téméraire que les ventes de Jaguar sont florissantes. En volume, celles-ci ont augmenté de 39% entre 2022 et 2023.
Il faudra attendre quelques mois, voire quelques années pour connaître l'impact de cette prise de distance avec les attentes de la clientèle traditionnelle plutôt masculine et d'âge mûr.
L'un des logos de la marque, le jaguar rugissant, va être abandonné.
Opportunisme ou volonté de réinventer la marque?
La précédente publicité de ce type - "The Best Men Can Be", de Gillette, en 2019 - n'avait pas eu les conséquences commerciales escomptées. Elle avait très maladroitement dépeint la masculinité comme nécessairement toxique. Elle avait notamment aligné une vingtaine d'hommes, chacun devant son barbecue, silencieux, les bras croisés et le regard sévère défiant la caméra.
Un peu plus d'un an après le début de la vague #MeToo, le grossier opportunisme des marketeurs de l'imposante marque de produits de rasage n'avait trompé personne. Des marques concurrentes, comme Harry's et Dollar Shave Club, ont su en profiter, depuis, pour gagner des parts de marché.
La campagne "Copy Nothing" de Jaguar s'inscrit dans une réelle volonté de réinventer la marque. L'un des logos, le jaguar rugissant, va d'ailleurs être abandonné.
Les investisseurs ne semblent, en tout cas, pas avoir été effrayés par ce virage pris à toute vitesse. Le cours en bourse de Tata Motors , la maison mère de Jaguar Land Rover, a légèrement progressé depuis la semaine dernière. Il est en hausse de près de 15% depuis un an.
1990: diplômé en Business, Management et marketing à la De Montford University (Leicester)
2002: directeur des opérations chez SEAT au Royaume-Uni
2003: directeur des opérations chez Volkswagen eu Royaume-Uni
2013: directeur de clientèle chez Jaguar Land Rover
2023: directeur général de Jaguar
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