Le nouveau régime fiscal de l’épargne-pension a été adopté par la Chambre il y a quelques semaines. Il entrera donc bien en vigueur pour l’exercice d’imposition 2019 qui se rapporte à l’année de revenus 2018. C’est donc déjà cette année que vous devez décider d’augmenter — ou pas — le montant que vous versez dans votre épargne-pension, c’est-à-dire d’entrer — ou pas — dans le nouveau système.
Pour rappel, le contribuable qui se constitue une pension via le troisième pilier peut verser un maximum de 960 euros en 2018 dans son fonds ou dans son assurance épargne-pension. Il récupère ainsi 30% (majorés des additionnels communaux) de ce montant en réduction d’impôts via sa déclaration fiscale. Mais le gouvernement a introduit un nouveau plafond de versement à 1.230 euros, avec un taux de réduction d’impôts réduit à 25%. Ces plafonds sont tous deux soumis aux règles de l’indexation annuelle.
Concrètement, le plafond de 960 euros donne droit à une réduction d’impôts de 288 euros maximum, tandis que le plafond de 1.230 euros permet au contribuable de récupérer 307,5 euros maximum.
Piège fiscal
Étant donné la baisse du taux de réduction d’impôts pour le contribuable qui opte pour l’épargne pension "XL", les montants épargnés entre 960 et 1.152 euros donneront droit à une réduction d’impôts inférieure à celle générée par les montants épargnés sous 960 euros. C’est ce qui s’appelle un piège fiscal.
Ainsi par exemple, si vous versez 1.000 euros par an dans votre épargne-pension, vous passez dans le nouveau système. Le taux de réduction baisse donc à 25%, ce qui donne une réduction de 250 euros, contre 288 euros si vous aviez versé 960 euros dans le cadre du premier régime.
960 ou 1.230 euros: un gain fiscal anecdotique
Cet exemple fourni par Nicolas Cellières illustre la différence fiscale minime entre les deux plafonds.
Imaginons une personne de 40 ans cotisant pour la première fois dans l’épargne-pension en 2018 et jusqu’à 67 ans, dans la branche 21 offrant un taux garanti de 0% + participation bénéficiaire.
→ Plafond de 960 euros
Chaque année, elle recevra une réduction d’impôt de 288 euros. À 60 ans, elle sera taxée sur le capital garanti, soit 960 x 20 = 19.200 euros sur lesquels l’Etat prélève 8% (+ additionnels communaux), soit une taxe anticipative de 1.536 euros. Son gain fiscal s’élève donc à (288 x 27) – 1.536 = 6.240 euros.
→ Plafond de 1.230 euros
Si elle opte pour une cotisation fixée à 1.230 euros, elle bénéficie d’un avantage fiscal de 307,50 euros.
À 60 ans, elle sera taxée sur le capital garanti, soit 1.230 x 20 = 24.600 euros sur lesquels l’État prélève 8%, soit une taxe anticipative de 1.968 euros.
Son gain fiscal s’élève donc à (307,50 x 27) – 1.968 = 6.334,50 euros.
=> Le gain fiscal entre les deux formules s’élève à 3,5 euros par an.
En revanche, les montants compris entre 1.152 euros et le plafond de 1.230 euros donnent bien droit à un avantage fiscal supérieur à 288 euros. Par exemple, si vous versez 1.200 euros dans votre épargne-pension, vous récupérerez 300 euros. Toutefois, comme l’explique Koen Lamberts, expert en planification de pension, associé chez Mysavings, "l’avantage n’est pas spectaculaire. Vous allez gagner quelques euros à partir de 1.152 euros, mais vous devrez épargner beaucoup plus. Au niveau relatif, l’avantage est donc moins intéressant avec le plafond majoré".
Ce que confirme également Nicolas Cellières, planificateur financier associé chez Optivy, qui a comparé l’avantage fiscal des deux formules (voir exemple dans l’encadré). "La nouvelle formule n’est que très peu avantageuse sur le plan fiscal mais incite le contribuable à cotiser davantage pour sa pension complémentaire. Cela augure désormais une tendance bien visible: nous devenons tous de plus en plus responsables de notre bien-être financier à long terme", observe-t-il. "Par ailleurs, la seule ‘petite’ épargne-pension ne suffira jamais à combler la perte de revenus occasionnée lors du passage à la retraite. Une démarche prévoyante consiste à calculer au préalable le capital à atteindre pour faire face à ses dépenses futures, pour ensuite utiliser à bon escient les formules d’épargne adaptées à son profil, son horizon temporel et ses objectifs", prévient-il.
Avantages de la formule "XL"
Le ministre des Finances, Johan Van Overtveldt, a confirmé que les montants épargnés entre 960 et 1.152 euros donneront droit à un avantage fiscal inférieur. "Cette réduction d’impôt de 25% représente néanmoins un coup de pouce pour l’épargnant. Celui-ci aura par ailleurs épargné un montant supérieur au bout du compte", explique-t-il.
De fait, en épargnant le montant maximum de 1.230 euros chaque année, le contribuable aura tout de même épargné 270 euros supplémentaires annuellement avec un avantage fiscal qui reste conséquent. Pour Koen Lamberts, ce n’est pas l’aspect "déductibilité fiscale" qui doit aider l’épargnant à faire son choix entre le plafond de 960 euros et le plafond majoré. "S’il épargne déjà davantage que le montant annuel de 960 euros dans d’autres produits (livret d’épargne, fonds, etc.), c’est intéressant de transférer cette capacité d’épargne dans l’épargne-pension", estime-t-il, et cela pour trois raisons.
1. L’effet de levier. "À partir d’un certain moment, l’effet de levier devient spectaculaire. Si vous versez un montant dans une épargne-pension avec un rendement estimé de 3%, votre capital aura doublé en 23 ans, et seulement 14 ans plus tard, il aura triplé", explique Koen Lamberts. D’où l’avantage d’y verser le plus d’argent possible, mais surtout de commencer jeune.
2.L’autodiscipline en matière d’épargne, en fixant un montant plus élevé à épargner chaque année.
3. La fiscalité. "Tant que l’épargnant détient son épargne-pension, il ne paie pas de précompte mobilier, au contraire de certaines formules d’épargne non fiscales", ajoute-t-il encore.
"Si vous épargnez déjà davantage que 960 euros par an pour votre pension dans d’autres produits, il est intéressant de passer au nouveau système d’épargne pension."
Accord explicite
Ceci dit, étant donné que le contribuable ne retirera pas d’avantage fiscal vraiment supérieur en optant pour le plafond majoré et qu’il existe un piège fiscal dans certains cas, il n’est pas étonnant que le législateur ait voulu baliser au maximum le nouveau système.
Le texte de loi prévoit donc plusieurs garde-fous pour que le contribuable fasse son choix en toute connaissance de cause.
1. L’épargnant doit chaque année explicitement donner son accord à l’établissement financier lorsqu’il décide d’épargner plus de 960 euros. Son choix est irrévocable pour l’année en cours.
2. Les établissements financiers ont l’obligation d’informer l’épargnant à cet égard et ce, afin d’attirer son attention sur le fait qu’une réduction d’impôt de 25% est d’application et pour l’informer clairement des avantages et des inconvénients du système.
3. À défaut d’accord explicite du contribuable, les montants qui dépassent le montant maximum de 960 euros devront lui être remboursés sans frais.
55 +? Attention!
Commencer une épargne-pension après 55 ans est fiscalement moins intéressant en termes de taxation des réserves et de leur rendement. En effet, si vous avez commencé une épargne-pension avant 55 ans, vous êtes taxé de manière anticipative à un taux de 8% l’année de vos 60 ans. Ce que vous versez ensuite échappe à toute taxation.
Si vous concluez un nouveau contrat après vos 55 ans, vous serez taxé 10 ans plus tard ou avant si vous récupérez le capital avant l’échéance. Vous perdez l’avantage d’être taxé à 60 ans.
Même chose si vous augmentez le montant versé (hors indexation fiscale) à partir de 55 ans. Les personnes de 55 ans et plus doivent donc faire attention si elles choisissent d’augmenter leur versement au plafond fiscal, que ce soit 960 ou 1.230 euros. "Si elles ont toujours augmenté leur plafond avec l’indexation des plafonds fiscaux, cela ne pose pas de problème. Mais si par exemple une personne de 58 ans a versé 800 euros en 2017 (sous le plafond de 960 euros) et qu’elle verse 1.230 euros en 2018, ce sera considéré comme un nouveau contrat et elle perdra l’avantage fiscal d’être taxée l’année de ses 60 ans", prévient Koen Lamberts.
Conditions
L’introduction du régime d’épargne-pension majoré pour l’exercice d’imposition 2019 est aussi l’occasion de rappeler les principes de base de la déductibilité fiscale des versements effectués dans le troisième pilier. Le SPF Finances vient d’ailleurs de publier une série de FAQ à ce sujet. Il rappelle notamment les conditions pour pouvoir bénéficier de la réduction d’impôts pour l’épargne pension. Il faut:
1. Résider en Belgique ou dans un autre État membre de l’Espace économique européen au moment de conclure le contrat.
2. Être âgé d’au moins 18 ans et de moins de 65 ans au moment de conclure le contrat.
3. Que le compte d’épargne-pension soit ouvert, ou l’assurance d’épargne-pension soit conclue, pour une période d’au moins 10 ans.
En revanche, voici les cas dans lesquels il n’est pas/plus possible de solliciter la réduction d’impôts:
1. À partir de l’année de vos 65 ans.
2. À partir de l’année au cours de laquelle l’épargne, les capitaux ou les valeurs de rachat sont octroyés et en principe imposables distinctement à l’impôt sur les revenus à un taux de 8%, sauf si le versement a lieu suite à votre décès.
3. Si vous avez effectué des versements pour deux comptes ou assurances-épargne ou plus pendant la même année, la réduction d’impôt est seulement accordée pour le versement relatif à un seul compte ou une seule assurance. Vous choisissez vous-même le versement à mentionner dans votre déclaration d’impôt.
4. Vous ne pouvez pas obtenir simultanément la réduction d’impôt pour l’épargne-pension et la réduction d’impôt pour l’acquisition d’actions de l’employeur pour une même année.
5. La réduction d’impôts pour épargne-pension ne se transforme pas en crédit d’impôts. Si vous ne payez pas ou pas assez d’impôts, vous n’y avez donc pas droit (ou pas au-delà du montant d’impôts que vous devez payer).